Bien ficelé, Disparue en hiver de Christophe Lamotte nous plonge dans une ambiance inquiétante et tranquille toute à la fois, paradoxe s'il en est. C’est un Kad Merad bonhomme que l’on retrouve en la personne de David, recouvreur de dettes. Confronté à un passé non digéré et à des deuils jamais faits, ne parvenant plus à se lier intimement à sa femme (Géraldine Pailhas, toujours impeccable), son personnage est incapable de vivre vraiment au présent. Dès lors, ce dernier se délite. David a beau se débattre, tout lui échappe. La vérité, de même que sa propre vie personnelle, part à vau-l’eau.
Tied up Disparue en hiver by Christophe Lamotte brings us into an inconsistent world made of threat and safety, as if such a paradox could ever be possible. French actor Kad Merad plays the role of David, a passive man who works as a debt collector. However, by denying his own past and mournings, and being uncapable of sharing any intimacy with his wife (Géraldine Pailhas, always great), David cannot truly live in the present, which falls apart eventually. The more he struggles, the worse it gets. Truth, along with David's personal life, fades away. More in English >> (Translation in progress, come bubble later)
Synopsis : David Fauchard (Kad Merad) mène une vie pépère et monotone d'ex-policier en récupérant des impayés pour le compte de créanciers. Au détour d’une pause déjeuner dans sa brasserie habituelle, Laura (Lola Creton) l’aborde et lui demande de la raccompagner. David accepte. Quelques kilomètres plus loin, une proposition déplacée de Lola pousse David à la déposer au bord de la route… Pris de remords, ce dernier rebrousse chemin. Trop tard, la jeune femme a disparu. Pour David, c’est le début d’une enquête en eaux troubles.
© Ricardo Vaz Palma / Hugo Productions – Iris Productions – Iris Films – Artemis Productions – France 2 Cinema
On pourrait voir dans cet effet d’annonce une énième redite de la confrontation d’un être avec son passé. Pourtant, ce n’est pas cela qui a intéressé les scénaristes. Christophe Lamotte et Pierre Chosson ont su s'en débarrasser en une réplique - ou presque. C’est quasiment une pirouette et c’est tant mieux, cela évite la lourdeur. Dommage que cela arrive un peu tard dans l’histoire : cela aurait permis de se concentrer sur l’ambiguïté du protagoniste, que l’ambiance pose en avant-garde. La destinée des personnages est fondée sur pas grand-chose, si ce n’est une fatalité qui échappe à leur libre-arbitre. Ainsi, David est le parfait exemple de quelqu'un qui tente vainement de garder le contrôle de lui-même alors que sa vie s’efface presque sous ses yeux.
Dès lors, une seule possibilité, se raccrocher à cette enquête qui lui redonne un semblant de sens et de vie, espérant ainsi tourner une page de son histoire et redémarrer une nouvelle vie impossible avec son ancienne femme. Peine ou illusion perdue ? Sans doute. Mais il est souvent difficile de lâcher une branche à moitié sciée que de faire face au vide.
© Ricardo Vaz Palma / Hugo Productions – Iris Productions – Iris Films – Artemis Productions – France 2 Cinema
Si l’intrigue possède de bons pics de relances, le film tire toutefois par moments en longueur dans son déroulement de l’enquête. Est-ce dû au personnage de David lui-même, un peu trop rond dans sa définition, alors qu’il aurait pu être à la fois plus sombre, plus noir, plus dur, plus menaçant, ce qui aurait pu donner un surplus d’inquiétante étrangeté que les paysages du Luxembourg donnent à faire ressentir ?
On peut en tout cas saluer le réalisateur d’avoir voulu nous faire vivre un film de genre, parfois trop rare au cinéma, avec ce thriller taillé sur-mesure pour Kad Mérad que l’on revoit avec plaisir dans un jeu tout en simplicité (trop d’ailleurs ?). Les autres comédiens, Lola Creton, Pierre Perrier, Francis Renaud, Jérôme Varanfrain en tête, ajoutent un équilibre à l’ensemble, équilibre humain dans un désert affectif. D’ailleurs les seuls personnages à vouloir vivre et aimer pleinement n’ont qu’une envie : s’échapper et vivre ailleurs.
© Ricardo Vaz Palma / Hugo Productions – Iris Productions – Iris Films – Artemis Productions – France 2 Cinema
Pourtant, l’ensemble bénéficierait grandement d’un surplus de liberté, d’une authentique noirceur, autant dans l’intrigue qui repose sur des faits divers déjà traités, que sur les personnages secondaires qui restent parfois un peu à quai.
Entre de bonnes relances, des comédiens très justes, une mise-en-scène et un montage efficaces, un film bien équilibré dans sa structure et son histoire, l’impression en sortant de séance est plutôt enthousiasmante… et un peu frustrée que cette ambiance n’ait pas été poussée un cran plus haut, vers du Mystic River (Clint Eastwood, 2003) par exemple ?
James Doe
En savoir plus :
- http://www.rezofilms.com/distribution/disparue-en-hiver (site officiel du distributeur)
- En salles depuis le 21 janvier 2015