On comprend bien que le chef de l’Etat n’ait pas souhaité attiser les
rancœurs et les braises de l’islamophobie, on comprend bien qu’il fallait
surtout éviter l’amalgame entre les cinglés à moitié dégénérés qui tuent au nom
d’Allah et la très très grosse majorité des musulmans, mais nier l’évidence
n’est pas la bonne manière de faire.
On doit pouvoir dire que l’Islam a un problème sans être accusé
d’Islamophobie (terme trop souvent utilisé pour faire avorter toute tentative
de critique) ou d’attiser la haine vis-à-vis des musulmans.
Une religion, quelle qu’elle soit, parce qu’elle est fondée sur la foi
c'est-à-dire sur des croyances non rationnelles issues du fond des âges et
enrobées de rites immuables dont il est interdit de questionner la pertinence,
est par essence difficilement compatible avec la libre pensée.
Chaque religion, ou devrais-je dire chaque chapelle au sein d’une religion,
érige sa propre représentation de Dieu et de sa supposée parole en un dogme
incontestable.
Tant pis si on fait d’une religion une vérité universelle et intemporelle
alors qu’elle n’est que le fruit d’une longue histoire faite et écrite au fil
des siècles par des hommes dans des contextes politiques, géographiques,
culturels, scientifiques bien particuliers.
Tant pis si les religions ont de tous temps été utilisées par ceux qui
voulaient imposer leur vision du monde et de leur société à leurs dociles
fidèles. Tant pis si la religion s’est plus souvent construite sur la peur, la
honte ou la menace que sur l’échange intellectuel, le don de soi, la fraternité
ou l’amour de l’autre.
Tant pis si les religions ont de tous temps, été la cause ou le prétexte aux
pires ignominies.
Lorsque de surcroit, elle est pratiquée par des gens qui n’ont que très peu
d’ouvertures sur l’art et la culture, par des gens qui n’ont comme livre de
référence que la Bible ou le Coran à travers des extraits choisis et commentés
par d’autres, elle constitue sans nul doute, pour ceux qui y adhèrent, un cadre
directif et donc rassurant mais potentiellement dangereux.
« La religion est une forme médiévale de déraison, qui, lorsqu’elle
est associée aux armes modernes, devient une réelle menace pour nos
libertés » nous dit
Salman Rushdie, musulman particulièrement bien placé pour savoir de quoi il
parle.
L’Islam de par sa diversité, de par les interprétations multiples qui sont
faites de ses textes, de par la ferveur aveugle qui habite beaucoup de ses
fidèles, de par les difficultés économiques et politiques que connaissent les
pays ou elle est majoritaire, est aujourd’hui la religion qui se prête le plus
à la dérive radicale qui de l’intransigeance au dogmatisme puis au fanatisme
aboutit au final à la violence.
Certes ces comportements sont minoritaires, très largement minoritaires en
Europe mais pas pour autant marginaux dans le monde. Tous les jours cette
violence s’exprime sous une forme ou sous une autre, et à des degrés divers, au
Niger, au Pakistan, en Irak, en Egypte, au Mali, au Nigéria …et même dans nos
banlieues lorsque des jeunes décervelés endoctrinées justifient les assassinats
du 7 janvier au nom du prophète.
A tel point que proclamer « Allah est grand » sonne plus comme un
cri de guerre que comme un cri d’amour pour son Dieu.
Le pire c’est que ce sont les musulmans les premières victimes de cette
violence. Au sein même de l’Islam, tous adorent le même Dieu, tous vénèrent le
même prophète mais malgré tout plusieurs « vérités » se confrontent
et s’entrechoquent brutalement.
Alors oui, il faut oser le dire tout haut, il y a un problème avec l’Islam
tel qu’il est pratiqué, compris, vécu par certains musulmans.
Evidemment, il ne faut pas mettre tous les musulmans dans le même sac et ce
n’est pas le sens de mon propos.
Pour autant, aucun musulman ne doit pouvoir s’exonérer de s’interroger sur
les raisons qui amènent certains de ses « frères » à commettre des
atrocités au nom de leur Dieu. Ce n’est pas aux Athées, aux chrétiens ou aux
Juifs de donner des leçons de pratique religieuse à des musulmans. C’est à
cette communauté de défendre sa religion contre ceux qui la dénature en une
infâme et dangereuse doctrine.
Et il ne suffit pas de répéter inlassablement que l’Islam ce n’est pas ça et
que les criminels ne représentent pas l’Islam. Lorsque dans une communauté il y
a des moutons noirs, c’est en premier lieu à celle-ci de les neutraliser et de
comprendre comment ils en sont arrivés là. Le problème, c’est comme avec toute
communauté, le réflexe corporatiste de l’autoprotection. L’un des nôtres mérite
une indulgence que l’on refuserait à un infidèle.
Le problème c’est aussi qu’à coté des moutons noirs et une très grosse
majorité de blancs (aucun rapport avec la couleur de peau) il y a beaucoup plus
que 50 nuances de gris. Ou se situe donc la frontière entre une pratique
« acceptable » de l’Islam et celle qui ne l’est plus ?
Tant que les musulmans refuseront d’accepter que leur religion est à penser,
à revoir et éventuellement à corriger, ils seront toujours à la merci des plus
dogmatiques d’entre eux.
Lorsque comme Salman Rushdie ils en seront à considérer que l’on doit pouvoir « critiquer la religion (quelle qu’elle soit), comme on critique une idée, pouvoir s’en moquer et, pouvoir leur manquer de respect sans crainte », lorsque la notion même de blasphème n’aura plus de sens, ils auront amené l’Islam sur la voie de ce que devrait être une religion, une affaire personnelle et intime entre un homme/une femme et son Dieu.