J'aime beaucoup Delphine de Vigan. J'ai eu l'occasion de la découvrir avec Rien ne s'oppose à la nuit, et les deux lectures que j'ai faites par la suite, No et moi et Les Heures souterraines, ne m'ont pas déçue. C'est pourquoi j'ai voulu me lancer à la découverte d'un texte plus intime, Jours sans faim, dans lequel elle nous raconte son combat contre l'anorexie.
Et puis le froid est entré en elle, inimaginable. Ce froid qui lui disait qu'elle était arrivée au bout et qu'il fallait choisir entre vivre et mourir. »
« Jours sans faim, remarquable de sobriété et d'élégance, sonne juste. » Le Monde
Ce court récit ne fait pas plus de 125 pages et se présente sous la forme d’un témoignage. En effet, il ne comporte pas d’intrigue à proprement parler, ici pas d’élément perturbateur, de péripétie ni de dénouement final : il s’agit plutôt de petits événements racontés de manière successive. La chronologie est présente mais n’est pas importante ; on sent que si la narratrice nous raconte son histoire, c’est pour aller mieux.
Car on sent que l'écriture fait partie du processus de guérison, qu’elle est salvatrice. Une des premières choses que celle-ci demande lorsqu'elle arrive à l'hôpital est ainsi du papier et un crayon, comme si ces éléments étaient de première nécessité et pleins d’espoir.
« Laure écrit. Le matin, souvent. Elle écrit cette femme dans sa robe de chambre polaire, furetante et malveillante, qu'elle a surnommée « la bleue », et les autres, ses compagnon de climatisation. Elle retranscrit des conversations, des anecdotes, des petits faits sans importance qu'elle observe quand elle traîne dans les couloirs, ou de son lit, quand la porte est ouverte » p.40Elle nous raconte ainsi la difficulté d’accepter son corps, de se voir changer, de monter sur la balance, de manger, les regards des médecins, leurs paroles parfois dures, les autres pensionnaires, leurs combats, leur méchanceté. Elle revient aussi sur sa vie personnelle, ses amis, sa famille, sa sœur, sa mère, le divorce de ses parents. En nous racontant tout cela, en posant des mots sur sa douleur et ses peines, elle les extériorise et s’en délivre.
On sent pourtant la difficulté qu’elle éprouve à raconter. Déjà parce qu’il s’agit d’un texte écrit à la troisième personne du singulier : « elle » est, « elle » éprouve, « elle » ressent. On peut le voir comme un moyen pour l’auteur d’écrire ce qu’elle n’aurait jamais pu exprimer, mais aussi un moyen de se détacher de cette jeune femme, de s’en différencier. Si ce livre nous raconte l’histoire d’une guérison, d’une renaissance presque, on ne peut pas passer à côté de la souffrance physique et psychologique qu’éprouve la narratrice et de l’intensité du combat qu’elle mène.
Pourtant, malgré la souffrance que l’on sent dans chaque mot de l’auteur, ce récit n’est jamais dur, jamais insoutenable. D’une part parce que la narratrice se rend dans un centre hospitalier généraliste, pas en hôpital psychiatrique. « Elle peut avoir le téléphone, lire des livres et des journaux, regarder la télé. Ici, ce n'est pas une monnaie d'échange. » p.31 ; on sent ainsi que son environnement met tout en œuvre pour qu’elle guérisse. D'autre part parce qu'on y sent beaucoup de compassion, de patience et d'espoir. Le témoignage de Delphine de Vigan est optimiste, son introspection n'est jamais culpabilisante et le ton n'est jamais accusant.
Jours sans faim est un texte autobiographique et assez complémentaire à Rien ne s'oppose à la nuit (du même auteur), dont on a presque l'impression de lire un chapitre. Le style est assez similaire, on retrouve la description de moments clés, la difficulté de raconter une expérience personnelle. C'est un récit qui vous plaira certainement si vous êtes sensible au sujet de l'anorexie ou que vous aimez lire des témoignages, et aussi si vous avez aimé Rien ne s'oppose à la nuit ou les romans de Delphine de Vigan en général.
Avez-vous lu des livres de Delphine de Vigan ? Si vous en avez lu plusieurs, quels sont vos préférés ? Auriez-vous d'autres témoignages sur l'anorexie ou d'autres sujets à me conseiller ?