Au début du XIXème siècle, une partie de la noblesse française et des anciens de la cour de Versailles a trouvé refuge à Vienne après la révolution française. Parmi eux, Agathe-Sidonie Laborde, lectrice assistante de la reine Marie-Antoinette, se souvient des trois jours où sa vie a basculé, après ce fameux 14 Juillet 1789. La rumeur arrive vite: ils ont pris la Bastille. Loin, là-bas, à Paris. Dès le 15, Versailles se vide. Les nobles s’inquiètent: seraient-ils menacés? Pourquoi les serviteurs ne répondent-ils plus aussi vite qu’avant? On a osé réveiller le roi en pleine nuit, la situation doit être vraiment grave…
J’ai été fasciné par ce contexte. Je suis déjà une admiratrice de l’après-révolution, de ce que sont devenus les nobles qui sont devenus la race à abattre après la révolution. Ici, ce désoeuvrement, cette perte de repère décrite dans les premières pages, trouve son immédiat contrepoint dans l’évocation d’un Versailles que l’on sait à la fois profondément magique et complètement décadent. Les robes de la Reine, les bijoux, les robes de bal, la galerie des glaces…. Mais aussi la puanteur, le manque d’hygiène, la promiscuité et le mal logement, car que ne donnerait-on pas pour assister à la vie du roi, quitte à dormir dans un réduit insalubre. Mais très vite, ce qui rend ce roman prenant, c’est le décompte. La date nous est indiquée, la journée de la reine (millimétrée à la seconde comme l’exige l’étiquette) est soigneusement rythmée et tente de se poursuivre alors que les serviteurs disparaissent, que la Cour devient de moins en moins nombreuse. La reine elle-même devient une créature distraite, absente, soucieuse, faisant boucler et défaire les malles suivant si elle décide de s’enfuir ou pas. Fascinée par la reine, Agathe la cherche des yeux, la suit, s’inquiète pour elle et regarde cette femme définitivement trop jeune pour régner tenter de protéger ses enfants, frapper à des portes closes, s’efforcer de ne pas céder à la panique qui fait lever la Cour en pleine nuit pour se rassembler dans une Galerie des glaces où les fleurs fanées ne sont plus remplacées. Quelques longueurs néanmoins, puisque la narratrice analyse et commente beaucoup et que ce roman est essentiellement fondée sur la tension et sur l’attente, mais il est presque encore plus terrifiant de voir ces gens attendre leur tour lorsqu’ils savent que déjà à Paris, des têtes sont tombées et plantées au bout d’une pique.
La note de Mélu:

Un livre très plaisant et un point de vue efficace.
Un mot sur l'auteur: Chantal Thomas (né en 1945) est une universitaire française (à ne pas confondre avec la styliste de lingerie) spécialiste du XVIIIème siècle et a obtenu le prix Femina pour son premier roman.
