Chronique « Elle s’appelait Tomoji »
Un portrait simple, vrai et touchant
Scénario de Jirô Taniguchi et Miwako Ogihara, dessin de Jirô Taniguchi,
Public conseillé : Tout public, style : Manga « Seinen », tranche de vie, historique
Paru chez « Rue de Sèvres », le 21 janvier 2015, 120 pages N/B & couleurs, 17 euros
L’histoire
Japon, 1925, dans son monde rural et paisible, la jeune Tomoji Uchida, 13 ans, admire la beauté de la campagne. Au même moment, Fumiaki Itö, 19 ans, prend un cliché du majestueux mont Yatsugatake. Puis, il se rend au magasin de la famille Uchida. Petit-fils de madame Kin, il est venu pour prendre cette dernière en photo.
Malgré la gêne, Kin accepte, en espérant la présence de Tomoji. Malheureusement, ce jour-là, Tomoji est dans les champs, occupée à raccompagner la vache Hana à sa ferme.
13 ans plus tôt, 9 mai 1912, dernière année de l’ère Muji. Motoyo Uchida, 19 ans, accouche d’une belle petite fille, que son mari vient de prénomé “Tomoji” (un prénom masculin). Le père Yoshihira, 29 ans, en est a son deuxième mariage et son 2e enfant.
Le contexte
Encore un grand nom chez “Rue de Sèvres” ? Oui et pas des moindres. Après Zep (‘Une histoire d’hommes”), Guillaume Sorel (“Le Horla”), Alex Alice (“Le château des étoiles”) et Tiburce Oger (“Buffalo Runner”), l’éditeur signe un des plus grands mangaka contemporains.
Avec “Elle s’appelait Tomoji”, Jirö Tanuguchi, auteur d’une quarantaine d’albums, reconnu et apprécié aussi bien au japon qu’en Europe (“L’homme qui marche”, “Quartier lointain”…) signe un portrait de femme dans le japon rural des années 20.
Pour l’occasion, il s’est associé à la scénariste Miwako Ogihara, pour en écrire l’histoire. Traduction de son dernier album édité au japon, cet album est d’un format classique “manga” (petit format, couverture souple, en noir et blanc excepté les début de chapitres) mais remonté pour une lecture européenne (de gauche à droite).
A l’origine, cet album est une “commande” d’un temple bouddhiste qu’il fréquente et apprécie. Il devait en valoriser les particularité et la personnalité de sa créatrice Tomoji Uchida. Acceptant le défi à sa manière, Taniguchi a mis le focus sur la jeunesse de Tomoji, cherchant dans la réalité de l’époque, mais aussi dans une fiction assumée, les germes de la personnalité de cette véritable icône japonaise.
Ce que j’en pense
Dans ce nouvel album, Taniguchi s’attaque à une période et un genre de vie et qu’il a rarement traité : le japon rural des années 20.
Amateur de ce cadre aussi simple que rude, il décrit avec une minutie presque maniaque, les cycles des saisons, les petits bonheurs de la vie et les difficultés du quotidien.
Très centré sur la jeune Tomoji, (c’est rare pour Taniguchi, habitué à mettre en scène son double de papier), il raconte la vie de la fillette de sa naissance jusqu’à l’âge de 19 ans. Avec une économie de moyens de plus en plus poussée, il nous conte par petites touches, sa vie chaotique, ébranlée par la mort de son père et l’abandon de sa mère.
Cet album est aussi une histoire d’amour. Depuis le début du récit, Taniguchi annonce la rencontre avec Fumiyaki Itö, l’homme qui deviendra son mari. La fin du récit bascule sur les premiers temps du couple, l’éveil au sentiment amoureux. Véritable récit d’une rencontre, d’une convergence d’esprit entre deux êtres, il nous offre un récit romantique, simple et vrai.
Le dessin
On retrouve dans cet album toute la sensibilité et la délicatesse de Jiro Taniguchi. Son écriture visuelle, qui résonne particulièrement dans nos coeurs d’Européens, est une fois encore pleine d’émotions. Que ce soit dans une composition en 3 bandes très sages, ou plus chahutées, son trait réaliste, simple et pur fait mouche. Amoureux de la nature et des gens, “Elle s’appelait Tomoji” est un récit qui lui permet de s’exprimer sur des registres qu’il affectionne, et ça se voit.
Pour résumer
Comme rarement, Taniguchi dresse un portrait sensible et émouvant d’une jeune paysanne japonaise dans les années 20.
A travers cette saga familiale d’une sensibilité exacerbée, ce “poète de l’instant” trouve comment raconter l’indicible, la beauté infinie du moment.
Des moments de lecture aussi évidents et vrais, j’en redemande.