Réforme de la prévoyance complémentaire : chronologie des faits
La protection sociale complémentaire a fait l’objet ces dernières années, de nombreuses modifications réglementaires.
Chaque entreprise a en effet la possibilité de mettre en place au profit de ses salariés, un régime de prévoyance complémentaire.
Sous certaines conditions, les cotisations patronales versées à ce titre, sont exonérées de charges sociales. Il faudra notamment que les régimes, au titre desquels ces cotisations sont versées, revêtent un caractère collectif et obligatoire.
C’est la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 qui a confirmé les conditions tenant au caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale complémentaire.
Le décret relatif à cette loi est paru le 9 janvier 2012, et a apporté les détails nécessaires à son application. Ce décret donnait aux entreprises jusqu’au 31 décembre 2013 pour se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation.
Une circulaire du 25 septembre 2013 est ensuite intervenue pour donner un « mode d’emploi » de la réforme. En raison de la date tardive de parution de la circulaire, la date butoir a finalement été reportée au 30 juin 2014.
Devant les nombreuses questions soulevées par les entreprises, l’ACOSS a publié une nouvelle circulaire le 4 février 2014. Par 31 questions/réponses, elle a clarifié les conditions du caractère collectif et obligatoire des régimes de protection sociale complémentaire, dont notamment les critères permettant de former une catégorie objective, les dispenses d’adhésion de certaines catégories de salariés, et la modulation de la contribution patronale.
Le décret du 8 juillet 2014 a quant à lui apporté des précisions relatives aux dispenses d’adhésion au contrat collectif obligatoire mis en place au sein de l’entreprise.
Point d’autant plus important que l’ANI du 11 janvier 2013 apporte comme réforme majeure le fait que d’ici au 1er janvier 2016, toutes les entreprises ou les branches professionnelles couvrent leur salarié au titre des frais de santé. Par ailleurs, les entreprises devront prendre en charge 50 % des cotisations dues au titre de ce régime, lequel doit offrir des garanties minimales, ou « panier de soins ».
Le détail de ce panier vient d’être précisé par le décret du 8 septembre 2014.
Un dernier décret était attendu, afin de définir précisément la notion de contrats responsables, et clore cette réforme des frais de santé.
Ce décret a été publié 19 novembre 2014.
Face à cette multiplicité de textes, ce dossier est l’occasion de revenir en détail sur leur apport.
I. Réforme de la prévoyance complémentaire
A. Décret du 9 janvier 2012
En complément des garanties de base de la Sécurité sociale, un salarié peut bénéficier de prestations prévues par un dispositif collectif de prévoyance mis en place au sein de son entreprise. Il s’agit de la protection sociale complémentaire.
Les garanties de prévoyance mises en place dans une entreprise bénéficient soit à l’ensemble des salariés de l’entreprise, soit à une ou plusieurs catégories de salariés, définies à partir de critères objectifs, généraux et impersonnels, sans discrimination de revenu, d’âge ou d’état de santé. C’est ce terme de critère objectif que le décret du 9 janvier 2012 est venu préciser.
Ainsi, le décret pose le principe que, lorsque les garanties ne s’appliquent qu’à une ou plusieurs catégories de salariés, elles doivent couvrir tous les salariés dont l’activité professionnelle les place « dans une situation identique au regard des garanties concernées ».
Cinq catégories objectives de salariés sont de ce fait identifiées :
- L’appartenance aux catégories de cadres et de non cadres
- Les tranches de rémunération
- L’appartenance aux catégories et classifications professionnelles définies par les conventions de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels
- Le niveau de responsabilité
- Les catégories s’inspirant d’usage en vigueur dans la profession
Le décret rappelle également que le caractère collectif des garanties implique qu’elles doivent être les mêmes pour tous les salariés ou pour tous ceux d’une même catégorie.
Ce caractère collectif implique aussi que la contribution de l’employeur soit fixée à un taux ou à un montant uniforme pour l’ensemble des salariés ou pour tous ceux appartenant à une même catégorie.
Le décret prévoit enfin que le respect de cette notion d’uniformité n’interdit pas aux salariés une sur-cotisation personnelle au-delà du niveau collectif prévu, ni à l’employeur de majorer à ce moment-là ses contributions. Dans ce dernier cas, la part de contribution de l’employeur ne bénéficie pas de l’exclusion de l’assiette des cotisations.
B. Circulaire du 25 septembre 2013
Le décret du 9 janvier 2012 étant trop imprécis pour être appliqué en l’état, la sécurité sociale a publié le 25 septembre 2013 une circulaire précisant le caractère collectif et obligatoire des systèmes de protection sociale complémentaire, que doivent respecter les employeurs pour bénéficier de l’exemption de contributions sociales.
Compte-tenu de la parution tardive de la doctrine administrative, la date limite de mise en conformité avec la réglementation a été repoussée au 30 juin 2014.
La circulaire apporte diverses précisions, notamment sur les éventuels cas pouvant entraîner la perte du bénéfice de la période transitoire : un dispositif, ayant fait l’objet de modifications entre la parution du décret et celle de la circulaire, conserve donc le bénéfice de la période transitoire étendue jusqu'au 30 juin 2014, à condition qu’il soit resté conforme aux dispositions de la circulaire de 2009.
La Direction de la Sécurité Sociale (DSS) distingue deux types de situations :
- le « cadre général » qui regroupe toutes les situations permettant d’entrer dans le champ des présomptions des catégories conformes
- les « cadres particuliers » qui regroupent toutes les autres situations pour lesquelles l’employeur devra justifier du caractère objectif des catégories instituées : l’entreprise devra alors justifier de la situation identique des salariés de la catégorie au regard des garanties mises en place
La DSS introduit par ailleurs un certain nombre de tolérances vis-à-vis du caractère collectif et obligatoire :
- La possibilité de lier le versement de prestations à une condition d’âge minimum si ce critère a un rapport direct avec l’objet de la garantie (rente de conjoint survivant, pension de retraite)
- La possibilité de limiter l’accès à un régime de retraite supplémentaire en deçà d’un certain âge, lorsqu'un dispositif en remplace un autre en cours de fermeture : il faudra alors prouver que la nouvelle couverture n’est pas avantageuse pour les salariés les plus proches de la retraite
- L’introduction d’un critère lié à la date d’embauche lorsque l’employeur ferme l’accès à un régime de retraite préexistant pour se conformer aux conditions d’exonération, et en crée un autre réservé aux personnes embauchées après la date de mise en place (maintien de l’exonération pour le financement des deux dispositifs)
- La possibilité de faire coexister deux régimes dans une entreprise après une restructuration, tout en conservant le bénéfice des exonérations
C. Circulaire du 4 février 2014
Bien que nombreux, les éclairages apportés par la circulaire du 25 septembre 2013 n’étaient pas suffisants, et plusieurs questions pratiques restaient sans réponse pour les entreprises.
C’est pourquoi, après la Direction de la Sécurité sociale, c’est l’ACOSS qui est venue interpréter les dispositions du décret du 9 janvier 2012, dans une circulaire « questions/réponses ».
L’ACOSS a souhaité ainsi éclaircir les conditions du caractère collectif et obligatoire des régimes de protection sociale complémentaire, et particulièrement les critères permettant de former une catégorie objective, les dispenses d’adhésion pour certaines catégories de salariés et la modulation de la contribution patronale.
1. Critère n°1 : l’appartenance aux catégories de cadres et de non cadres
L’ACOSS précise qu’il est possible de se référer aux définitions données par la convention AGIRC pour définir une catégorie, même si certains salariés ne sont pas affiliés à l’AGIRC.
2. Critère n°2 : précisions concernant les catégories définies en fonction des tranches de rémunération
Pour déterminer une catégorie par rapport aux tranches de rémunération, il faudra prendre en compte l’ensemble des éléments soumis à cotisations sociales, et non pas la seule la part fixe du salaire.
Il est toutefois admis de retenir comme base de référence du salaire de l’année N-1.
3. Critère n°3 : appartenance aux catégories ou classifications définies par branche
L’administration avait déjà précisé qu’il était nécessaire de retenir le premier niveau de classification des salariés défini par la convention de branche dont l’employeur dépend, sans tenir compte du sens donné par ces textes aux termes « classification », « catégorie », « niveau »…
Cette distinction correspond au premier niveau de subdivision de l’article de la convention sur les classifications des emplois, mais est valide uniquement sous condition de renvoyer à des fonctions distinctes.
A l’inverse, le premier niveau de subdivision de l’article sur la classification ne correspond pas au critère n°3 s’il ne renvoie pas à des fonctions différentes, ce qui amène ainsi à rechercher dans la convention collective.
4. Critère n°4 : justification des différences de traitement pour les catégories non présumées collectives
L’ACOSS donne toute une série d’exemples où les différences de garanties accordées à une catégorie non présumée collective pourront être considérées comme justifiées.
Pour les garanties de retraite supplémentaire, l’existence d‘un niveau moyen de rémunération distinct par rapport aux autres salariés pourrait ainsi justifier une différence de traitement.
Ces différences de traitement devront toutefois être suffisamment proportionnées au regard des écarts moyens de rémunération entre cette catégorie et les autres salariés.
D. Décret du 8 juillet 2014
Les entreprises avaient jusqu’au 30 juin 2014 pour mettre en conformité leur régime de protection sociale complémentaire avec le décret du 9 janvier 2012.
Devant l’attente qu’ont suscitée les circulaires du 25 septembre 2013 et du 4 février 2014, et les incohérences qu’elles ont révélées, le décret du 8 juillet 2014 a revu en profondeur le décret du 9 janvier 2012.
Etant donné qu’il n’y a pratiquement plus de différence entre la liste des cas de dispense applicables à un régime mis en place par décision unilatérale de l’employeur et celle des cas de dispense, les couvertures prévoyance pourront appliquer les cas de dispense suivants :
1/ salariés et apprentis bénéficiaires d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat de mission d’au moins 12 mois s’ils justifient d’une couverture individuelle équivalente
2/ salariés et apprentis bénéficiaires d’un contrat de moins de 12 mois, sans avoir besoin de justifier d’une couverture individuelle
3/ salariés à temps partiel et apprentis dont la cotisation au régime collectif représente au moins 10% de leur rémunération brute
4/ salariés bénéficiaires de l’ACS, de la CMU-C. La dispense ne peut jouer que jusqu’à la date à laquelle les salariés cessent de bénéficier de cette couverture ou de cette aide
5/ salariés couverts par une assurance individuelle au moment de la mise en place du régime ou de l’embauche si elle est postérieure. La dispense ne peut jouer que jusqu’à échéance du contrat individuel
6/ salariés qui bénéficient, même en temps qu’ayants droit, d’une couverture collective conforme à celles définies dans l’arrêté du 26 mars 2012
La seule différence existant encore entre la liste des cas de dispense applicables à un régime mis en place par décision unilatérale de l’employeur et celle des cas de dispense utilisables dans le cas des couvertures mises en place par accord collectif ou référendum, est celui de la dispense ouvert au bénéfice des salariés présents dans l’entreprise avant la mise en place d’un régime de protection sociale complémentaire (à condition que ce cas figure dans l’acte juridique mettant en place la couverture).
Le décret du 8 juillet 2014 modifie aussi les critères utilisables dans la définition des catégories objectives.
Il les élargit de manière à viser des professions réglementées, des accords ou des conventions collectives et qui ne pouvaient apparemment pas constituer des catégories objectives de salariés au regard des seules dispositions du décret du 9 janvier 2012.
Si jusqu’à présent seule la référence aux usages était visée par le texte, on peut maintenant pour définir une catégorie objective, faire référence :
- à l’appartenance au champ d’application d’un régime légalement ou réglementairement obligatoire assurant la couverture du risque concerné
- à l’appartenance à certaines catégories spécifiques de salariés définies par les stipulations d’une convention collective, d’un accord de branche ou d’un ANI caractérisant des conditions d’emploi ou des activités particulières,
- à l’appartenance aux catégories définies clairement et de manière non restrictive à partir des usages constants, généraux et fixes en vigueur dans la profession
II. Garantie « Frais de santé »
Comme nous l’avons dit précédemment, à l’occasion de l’ANI du 11 janvier 2013, les partenaires sociaux ont convenu que l’ensemble des salariés doit avoir accès à une complémentaire santé collective avant le 1er janvier 2016. Le financement de cette couverture devra être partagé pour moitié entre salariés et employeurs.
Si la date de mise en conformité approche, plusieurs décrets restaient à paraitre, notamment celui relatif à la définition d’un panier de soins minimums, ainsi que celui donnant une définition claire des contrats responsables.
A. Panier de soins minimums
D’ici au 1er janvier 2016, les entreprises devront non seulement prendre en charge au moins 50% des cotisations dues au titre d’un régime couvrant les frais de santé de leurs salariés, mais ces couvertures devront également inclure des garanties minimales : le « panier de soins », définit dans le décret du 8 septembre 2014.
Ces garanties minimums devront couvrir :
- l’intégralité du ticket modérateur à la charge des assurés sur les consultations, actes et prestations remboursables par l’assurance maladie obligatoire
- le forfait journalier hospitalier
- les dépenses de frais dentaires à hauteur de 25 % en plus des tarifs de responsabilité
- les dépenses de frais d’optique, de manière forfaitaire par période de deux ans, à hauteur de 100 euros minimum pour les corrections simples, 150 euros minimum pour une correction mixte simple et complexe et 200 euros minimum pour les corrections complexes (la prise en charge dans la limite de ce forfait demeure annuelle pour les mineurs ou en cas d’évolution de la vue)
Le décret précise les conditions de dispenses d’affiliation qui permettent à certains assurés de demander à être dispensés de l’obligation de s’affilier eux-mêmes ou pour leurs ayants droit.
Le texte distingue deux cas de figure principaux :
- lorsque la couverture est mise en place par décision unilatérale de l’employeur
- lorsque les ayants droit sont déjà couverts par ailleurs
B. Définition des contrats responsables
Attendu depuis plusieurs mois, le décret apportant un détail précis de la définition des contrats responsables a été publié au JO le 19 novembre 2014.
Le contrat responsable désigne le contrat d’assurance complémentaire santé, qui favorise le respect du parcours de soins coordonnés défini par la loi.
Les contrats responsables devront couvrir au minimum le ticket modérateur sur l’ensemble des dépenses de santé.
Ne sont pas soumis à cette obligation :
- les frais de cure thermale
- les médicaments à service médical rendu faible ou modéré (ceux dont le taux de remboursement actuel est de 15% et 30%)
- l’homéopathie
Le forfait journalier des établissements hospitaliers devra être pris en charge sans limitation de durée.
Cette mesure devrait permettre un meilleur encadrement des dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins.
La limite de prise en charge du dépassement est la suivante :
- 125 % du tarif de responsabilité de la sécurité sociale en 2015 et 2016
- 100 % de ce tarif à partir de 2017
En ce qui concerne l’optique, le décret définit un plancher et un plafond de prise en charge par catégorie d’équipement en fonction du niveau de correction. Le renouvellement de l’équipement pourra être pris en charge uniquement tous les deux ans, et un an pour les mineurs ou en cas d’évolution de la vue.
Pour pouvoir bénéficier des avantages fiscaux et sociaux déclenchés par le contrat responsable, l’assuré devra bénéficier d’un taux de TSCA (taxe sur les conventions d’assurance) de 7% au lieu de 14%.
L’entrée en vigueur est prévue au 1er avril 2015 pour les contrats souscrits ou renouvelés à partir de cette date.
Pour les contrats en cours, leur mise en conformité pourra intervenir dans les délais suivants :
- Au plus tard le 1er janvier 2016 : pour les régimes collectifs modifiés après la publication de la LFRSS du 9 août 2014
- Au plus tard le 1er janvier 2018 : pour les régimes collectifs mis en place ou modifiés avant la publication de la LFRSS du 9 août 2014.