Les députés ont adopté en commission l'article 28 malgré la ferme opposition de plusieurs députés dont les députés écologistes. Cet article prévoit que le Gouvernement pourra réformer le code de l'environnement par ordonnances au risque d'un choc de complexification.
A lire : cet article publié par Le Moniteur qui a bien voulu interroger l'auteur de ces lignes.
Le Gouvernement a ainsi réussi à faire adopter cet article 28, devant une commission parlementaire presque déserte. Cette adoption a été rendue possible grâce à un amendement déposé à la dernière minute par les rapporteurs thématiques, aux termes duquel le Conseil national de la transition écologique serait consulté sur les projets d'ordonnances.
L'article 28 du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques est désormais ainsi rédigé :
"I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi visant à :
1° Accélérer l’instruction et la délivrance de la décision relative aux projets de construction et d’aménagement et favoriser leur réalisation :
a) En réduisant les délais de délivrance des décisions prises sur les demandes d’autorisation d’urbanisme, notamment grâce à une diminution des délais d’intervention des autorisations, avis ou accords préalables relevant de législations distinctes du code de l’urbanisme ;
b) En créant ou en modifiant les conditions d’articulation des autorisations d’urbanisme avec les autorisations, avis, accords ou formalités relevant de législations distinctes du code de l’urbanisme ;
c) En aménageant les pouvoirs du juge administratif lorsqu’il statue sur un recours contre une autorisation d’urbanisme ou un refus d’une telle autorisation ;
c bis) (nouveau) En simplifiant, y compris en appliquant aux affaires en cours, les modalités de condamnation de l’auteur d’un recours en annulation à l’encontre du bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme qui excède la défense des intérêts légitimes du requérant et lui cause un préjudice excessif, et ce, conformément à l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ;
d) En définissant les conditions dans lesquelles, en cas d’annulation définitive du refus de délivrance d’une autorisation d’urbanisme, le représentant de l’État se substitue, sur décision du juge administratif, à l’autorité compétente pour délivrer cette autorisation ;
e) En supprimant la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles prévue à l’article L. 145-11 du code de l’urbanisme et en prévoyant les modalités suivant lesquelles les unités touristiques nouvelles sont créées et contrôlées dans le cadre des documents d’urbanisme ou des autorisations mentionnées au livre IV du même code ;
2° Modifier les règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, opérations, plans et programmes de construction et d’aménagement :
a) En les simplifiant pour remédier aux difficultés et inconvénients résultant des dispositions et pratiques existantes ;
b) En améliorant l’articulation entre les évaluations environnementales de projets différents, d’une part, et entre l’évaluation environnementale des projets et celle des plans et programmes, d’autre part, notamment en définissant les cas et les conditions dans lesquels l’évaluation environnementale d’un projet, d’une opération, d’un plan ou d’un programme peut tenir lieu des évaluations environnementales de projets, d’opérations, de plans et de programmes liés au même aménagement ;
c) En modifiant les règles de désignation et les attributions des autorités environnementales en vue de les adapter à l’évolution des règles applicables à l’évaluation environnementale et à leurs exigences ;
d) En assurant leur conformité au droit de l’Union européenne et en transposant la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, dans sa rédaction résultant de la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, modifiant la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ;
3° Réformer les procédures destinées à assurer la participation du public à l’élaboration de certains projets d’aménagement et d’équipement, afin de les moderniser et de les simplifier, de mieux garantir leur conformité aux exigences constitutionnelles ainsi que leur adaptabilité aux différents projets, de faire en sorte que le processus d’élaboration des projets soit plus transparent et l’effectivité de la participation du public à cette élaboration mieux assurée :
a) En simplifiant et en harmonisant les dispositions des articles L. 120-1 à L. 120-3 du code de l’environnement, notamment leur champ d’application et les dérogations qu’elles prévoient, en tirant les conséquences de l’expérimentation prévue par la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement et en supprimant ou en réformant les procédures particulières de participation du public à l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement lorsqu’elles ne sont pas conformes à l’article 7 de la Charte de l’environnement ;
b) En permettant que les modalités de la concertation et de la participation du public soient fixées en fonction des caractéristiques du plan, de l’opération, du programme ou du projet, de l’avancement de son élaboration, des concertations déjà conduites ainsi que des circonstances particulières propres à ce plan, cette opération, ce programme ou ce projet ;
c) En simplifiant les modalités des enquêtes publiques et en étendant la possibilité de recourir à une procédure unique de participation du public pour plusieurs projets, plans ou programmes ou pour plusieurs décisions ;
4° Accélérer le règlement des litiges relatifs aux projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement et assurer, dans l’intérêt de la préservation de l’environnement et de la sécurité juridique des bénéficiaires des décisions relatives à ces projets, l’efficacité et la proportionnalité de l’intervention du juge, notamment en précisant les conditions dans lesquelles les juridictions administratives peuvent être saisies d’un recours et en aménageant leurs compétences et leurs pouvoirs.
II. – Les ordonnances prévues au I sont prises dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi. Ce délai est porté à dix-huit mois pour les ordonnances prévues au d du 2° du même I.
III (nouveau). – Le Conseil national de la transition écologique mentionné à l’article L. 133-1 du code de l’environnement est associé à l’élaboration des ordonnances prévues au I du présent article et émet des avis. Il peut mettre en place une formation spécialisée pour assurer le suivi des travaux et la préparation des avis qui sont mis à la disposition du public dans les conditions prévues à l’article L. 133-3 du même code."
Ce très regrettable article 28 s'est donc enrichi de deux nouvelles dispositions.
La première tend à préciser que les conditions d'entrée en vigueur de la procédure de condamnation de l'auteur d'un recours contre une autorisation d'urbanisme "qui excède la défense des intérêts légitimes du requérant et lui cause un préjudice excessif". Le juge administratif s'est pourtant déjà prononcé sur ce point.
La deuxième tend à "associer" le Conseil national de la transition écologique à l'élaboration des ordonnances. Une disposition très étrange. Le CNTE n'a pas ni pour vocation ni les moyens de co-élaborer des textes. Pour compenser un affaiblissement du Parlement rendue possible par une habilitation très large, l'amendement prévoit donc le recours à un outil de démocratie participative. En réalité, chacun sait que le CNTE jouera un rôle particulièrement limité. Il suffit de lire l'étude d'impact du projet de loi défendu par M Macron pour s'en convaincre. Ce sont principalement les conclusions du futur rapport de M Duport (mission pilotée par Matignon) et l'avis du Conseil national de l'industrie (Bercy) qui inspireront la rédaction des ordonnances à venir.
Je reste convaincu que cette mauvaise réforme, engagée sans étude d'impact, sans tenir compte du caractère européen de ce droit, sans participation large des parties prenantes et des territoires et surtout sans débat parlementaire aboutira : soit à une souris, soit à de nouvelles normes et à une complexité accrue du droit de l'environnement. Nous assisterons une fois de plus à la multiplication des régimes particuliers pour tenter de faire plaisir à tout le monde.
La méthode est clairement inadaptée à l'objectif poursuivi. Malheureusement l'important semble être de pouvoir produire très rapidement des mesures qui permettront de démontrer le volontarisme du Gouvernement dans ce domaine. Pourtant, chacun sait que rédiger une règle de droit de qualité prend du temps.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement Avocats