Mes très chers amis.
Quel plaisir de revoir tous ces visages familiers, je voudrais saluer Bono bien sûr, que je vois au premier rang assis à côté d’Angelina Jolie et de Pharrell Williams qui nous a promis d’interpréter Happy en version acoustique après le déjeuner.
Happy, je le suis. Quel bonheur vraiment de pouvoir nous réunir pour cette parenthèse ouverte dans nos vies remplies d’obligations, de rendez-vous et de décisions à prendre, car en fait, dans ce monde, il faut bien le reconnaître, c’est nous qui décidons.
Cette 44ème édition sera entièrement consacrée au thème des inégalités sociales et plus particulièrement au fossé qui ne cesse de se creuser entre ceux que j’appellerai les superriches et les superpauvres.
Imaginez. Imaginez! Nous tous qui sommes ici, nous sommes les représentants d’un petit groupe d’individus, à peine un pour cent des habitants de la planète qui détient plus de la moitié de la richesse mondiale.
1 pour cent. Seulement 1 pour cent!
Calculez avec moi. Imaginons que nous, les superriches, soyons fusionnés dans le corps d’une personne. Imaginons ensuite que la richesse du monde est un gâteau de dix mètres de diamètre que nous séparons en deux parts égales. Notre représentant aura donc une part de gâteau équivalente à une surface de 78.5 mètres carrés, ce qui me paraît un peu beaucoup pour un seul estomac, mais c’est vraiment un très gros gâteau.
Penchons-nous maintenant sur le cas des superpauvres et de leurs 99 représentants. Si je divise 78.5 par 99, j’obtiens 0.78 mètre carré par individu, arrondis au centième supérieur, soyons généreux avec les pauvres.
D’un côté une part de gâteau de la taille de ma salle de bains, de l’autre une portion de tarte qui tient dans une boîte à chapeaux.
Si nous considérons le fait que les études montrent que notre part de Saint-Honoré ne cessera d’augmenter dans les années à venir, que croyez-vous qu’il va se passer, mes chers amis ?
C’est très simple, un jour, les pauvres voudront manger tout ou partie de notre part de gâteau. Logique. Mathématique. Et c’est là que j’interviens et que je préviens le danger. En vérité, en vérité, chers amis, la solution est simple, si simple, il fallait juste y penser. Mon programme se résume en un mot : DÉ-SCO-LA-RI-SATION.
Je vois à la fois l’interrogation et la stupeur se peindre sur vos visages. Laissez-moi vous éclairer. Le problème posé par les inégalités n’a rien à voir avec la richesse ou la pauvreté. Non. Il s’agit uniquement d’une question d’éducation. Aujourd’hui les pauvres font le même calcul que moi. Le même CALCUL, vous comprenez! Mais si demain, on ferme leurs écoles, les pauvres, les superpauvres, ils ne sauront plus calculer, vous voyez! Ils ne sauront même plus qu’il y a un gâteau.
Alors ce gâteau sera enfin le nôtre, entièrement, pleinement.
C’et donc NÔTRE GÂTEAU, chers amis, que je vous invite dès à présent à manger à pleines dents, à plein gosier, sans retenue, et pour longtemps.
Applaudissements. Standing ovation. Bill Gates veut poursuivre mais la salle en délire l’en empêche. Alors il reste là debout et il sourit.