d'après ÉTRENNES de Maupassant
Vincent, un homme jeune et vif,
Regardait la vie d’un esprit positif.
Il avait eu plusieurs maîtresses
Mais non point des maîtresses
Comme certaines
Femmes à fredaines
Danseuses,
Ou chanteuses.
En cette fin d’année,
Il faisait le bilan de ses passions.
Il réalisait
La balance de ses relations :
Les disparues et les nouvelles.
Dans quel état son cœur était-il pour elles ?
Une sonnerie à sa porte le fit sursauter.
Au Nouvel An, on ouvre par charité,
Même à un inconnu.
Il tourna le verrou,
Tira la porte et aperçut
Irène, son actuelle maîtresse, debout,
Pâle, tremblant.
Elle entra, s’affaissa sur le divan
Et pleura.
« Irène, qu’avez-vous ? Je vous supplie…»
Elle murmura :
-« Je ne peux plus vivre ainsi. »
(Vincent comprit : ‘’Vivre ici’’ !)
-« Oui, je souffre trop.
Il m’a frappé tantôt. »
-« Qui ? …votre mari ?... »
-« Oui…mon mari.» -« Ah !,,,»
Vincent s’étonna
Et restait épouvanté.
Il n’avait, à aucune seconde,
Soupçonné cet homme du monde
Capable de brutalité.
Alors elle sortit un long déballage.
Dès le jour de leur mariage,
La première désunion naissait.
Chaque jour, elle se renforçait.
Puis étaient venues les querelles,
Et une séparation inconditionnelle.
Jaloux de Vincent,
Le mari s’était montré violent.
Lors d’une scène, il l’avait maltraitée.
Irène ajouta avec fermeté :
-« Je ne rentrerai plus chez lui.
Puis-je rester chez vous ? Dites oui. »
-« Vous allez faire une bêtise,
Une irréparable sottise.
Si votre mari veut vous quitter,
Mettez les torts de son côté
De telle sorte que votre position
Dans la société
Reste celle d’une situation
De respectabilité. »
-« Que me conseillez-vous …? »
-« Rentrez chez vous,
Et supportez-le encore,
Jusqu’à la séparation de corps.»
-« C’est lâche ce que vous me proposez. »
-« Non, c’est raisonnable. Réfléchissez.
Vous avez un nom à sauvegarder,
Des parents à ménager, des amis à conserver.
Il ne faut point perdre tout ça. »
-« Eh bien, non. Je ne veux pas.
C’est fini avec mon mari, vous saisissez ! »
Puis, les mains posées
Sur les épaules de son confident,
Elle dit en le regardant fixement
« M’aimez-vous, vraiment ? »
-« Mais, oui, absolument.»
-« Alors gardez-moi ! »
-« Vous garder ?...Chez moi ?
Ce serait vous perdre. »
-« Il faut me prendre ou me perdre. »
-« Ma chère Irène, divorcez
Et je jure de vous épouser. »
-« Dans deux ans, à la fin du procès,
Oui, …vous allez …peut-être m’épouser.
Vous avez la tendresse patiente, hein ? »
-« Si vous ne rentrez pas chez votre mari,
Il vous reprendra demain.
La loi et le droit sont pour lui. »
-« Je ne vous ai pas demandé
De me garder
Chez vous,
Mais de m’emmener n’importe où.
Je croyais que vous m’aimiez mieux.
…Je me suis trompée. Adieu ! »
-« Chérie, écoutez… »
Irène se débattait.
-« Laissez-moi…
Voulez-vous me laisser aller ?
Lâchez-moi,
Que je puisse me lever ! »
-« Votre résolution est prise, dites-moi ? »
-« Oui. Maintenant,.lâchez-moi. »
-« J’ai une proposition raisonnable :
Partons demain pour Naples. »
Irène se leva et dit durement :
-« Non. Trop tard. Pas de dévouement ! »
-« Restez. Je vous ai parlé
Comme je le devais.
Mais sachez que je n’ai jamais cessé
De vous aimer. »
Radieuse, Irène l’embrassa
Et lui dit tout bas :
« Chéri, soyez certain
Que mon mari ne se doute de rien.
Vous m’avez offert
Comme étrennes, hier,
Un magnifique bracelet
Dont je vous remercie
Mais je suis mille fois plus gâtée
Avec celles que vous venez
À l’instant de me donner.
Dieu, que je suis contente, chéri !