L'autorité, c'est soit la discipline soit la reconnaissance. La force ou le savoir. Or l'Ecole, l'Ecole républicaine, ne possède plus désormais ni l'une ni l'autre. Sa vocation émancipatrice n'existe plus ; ni pour la formation de l'esprit critique et de la citoyenneté, ni pour la promotion sociale d'un individu. C'est même le contraire : percutée par la société consumériste ultralibérale d'un côté et la relégation sociale de l'autre, l'Ecole est le lieu de reproduction, voire d'accentuation, des inégalités, l'apprentissage du conformisme, de la frustration et du fatalisme. Loin de cet élan émancipateur qui en était le fondement, l'Ecole n'est plus vécue comme le lieu de l'accès au savoir mais comme une prison; une vague garderie avant le chômage.
Comment, dès lors, ne pas désespérer ? En faisant retour à l'antidépresseur de base : le communautarisme, le refuge dans des identités réelles ou fantasmées. Ainsi certains élèves ont recours à l'autorité du religieux pour jouer en contre à l'égard de cette institution dont la fonction intégrative s'est grippée. Ainsi voit-on le désarroi d'un corps enseignant désavoué (on se souvient de la sortie de Sarkozy sur La Princesse de Clèves) face à la perte de l'autorité des savoirs émancipateurs, au profit de l'autorité restaurée de la religion. Croire, mieux que savoir. Croire, pour détruire le savoir et la liberté qu'il suppose. Car ne sachant que faire de la liberté on tend toujours à la détruire, pour ne pas assumer la responsabilité individuelle qu'elle suppose.
Oui l'Ecole républicaine est vouée au désastre, faute de moyens, faute de convictions.Oui la religion est cette arme de réaction massive qui est en train de la subvertir jusqu'en ses fondements. Oui la doxa libérale - et cette autre arme de réaction massive que constitue la dette - représente l'autre mâchoire de la tenaille. Ainsi Saoudiens et Américains partagent-ils un même dessein : celui de soustraire notre monde à l'intellection et au discernement. Leur ennemi commun ? La liberté.