Mariée à Abigail May, ils formeront un couple uni, bien que soumis à de rudes épreuves, Abba, l'épouse, ayant renoncé au confort par amour pour l'éloquent Amos Bronson.
Cette famille typique américaine, qu'était les Alcott avait ceci de formidable qu'ils étaient tous diaristes. S'écrivant abondamment, ils ont laissé des volumes impressionnants de notes et de journaux. Ce qui permet de comprendre l'auteure qu'a été Louisa May.La condition de la femme dans le XIXè siècle de Louisa et même dans certains pays actuels, voulait que celles-ci ne dépendent que des hommes. Or, Louisa comprit très tôt, que sa vie dépendait d'elle, et qu'elle était, et devait d'ailleurs devenir, face à un père démissionnaire, « l'homme de la famille » (comme le dit le personnage de Jo, dans Little Women).Si les autres ont pratiquement suivi la voix traditionnelle qu'était mariage et enfants, à l'exception de Beth, la troisième, morte à 22, 23 ans ; Louisa a choisi comme l'héroïne de son livre à succès, Jo, de vivre une vie qui serait différente, et spectaculaire. « Vous verrez, je vais vous étonner. Ecrire et être célèbre, c’est ça mon rêve à moi», clamait déjà Jo March !D'abord, ayant grandi à l'ombre de Ralph Waldo Emerson et de Henry David Thoreau, des transcendantalistes réputés, elle a eu accès à la bibliothèque d'Emerson, et a été voisine de Hawthorne, autre illustre auteur, ce qui a façonné sa personnalité. Parmi ses auteurs favoris, on peut citer Dickens et Goethe. Curieuse, désirant façonner son don, elle a découvert très vite que sa destinée était liée à l’écriture, où elle a dès ses 15 ans commencé à se faire de l'argent. Goutant à une paie qui restait subsidiaire mais exceptionnelle, elle pouvait dès lors apporter sa contribution à la maison. La femme ici qui s’assume et apporte concourt aux siens, est aussi celle que l’on voit de plus en plus dans le schéma contemporain. Plutôt que d’attendre de recevoir, elle apporte sa contribution, même si cela lui vaut très souvent d’être perçue comme ‘masculine’ et ‘trop indépendante’. La femme telle qu'elle nous présente est une femme autonome et déterminée, prenant sa vie en charge. Refusant les préjugées et la phallocratie, et admettant que tout lui est permis. Les personnages favoris de ses romans et nouvelles le démontrent. Par exemple, dans Secrets de famille (Nurse’s story), elle relate l’histoire (c’est une nouvelle longue), de Kate Snow, gouvernante d’une attardée mentale, au sein d’une famille riche, et qui va rejeter les avances de son ‘patron’ ou plutôt d’un usurpateur, afin de garder son intégrité et sa vertu, et en mettant son intelligence au service des membres de la famille voulant démasquer Mr. Steele, l’usurpateur en question. Le tempérament de Kate est volcanique, sous ses abords de flegmatique anglaise. On y perçoit les récurrences, ou les métaphores obsédantes de l’auteure, ou du moins l’une d’entre elle : le refus de l’amour par devoir d’intégrité à ses principes ; ou le principe tout court. Louisa May, ne transige jamais avec le principe, notamment aussi celui du caractère volontaire, afin de faire passer le message. Cette habileté à broder l’histoire tout en l’encerclant de principes, et en y mettant des personnages féminins à forte-tête est une de ses modes de fabrication.Dans Little Women, traduit Les Quatre Filles du Dr March, si Jo est l'adolescente téméraire, gaffeuse mais ambitieuse, elle parle aux cœurs des lecteurs par son authenticité. Elle rappelle les jeunes filles avant la motion de censure, avant les interdits et la tradition parfois barbare, elle parle à la fille qui s'autorise le rêve de sa différence. Car bien souvent les femmes gémissent par amour, par devoir, gémissent et ploient. Or dans la vie même de Louisa May on voit une femme qui conduit sa vie comme un projet, en décidant ce qu'elle fera et ne fera pas. Trop de leaders, trop de soi-disant docteurs en antropo-spécifico-machin-trucs gangrènent nos universités et nos pays, mais n'arrivent pas à conduire des vies, en l'occurrence les leurs. Trop de donneurs de leçons et pas assez de leaders réels. Nelson Mandela a marqué son temps et l'Histoire par son caractère, et la manière dont l'intime et l'extérieur n'ont su que faire un. Ce qui est bien dans le transcendantalisme auquel appartenait Louisa May, toute proportion gardée, c'est que ce courant de pensée philosophique, croyait au perfectionnement des gens, en leur changement dans la mesure où ces derniers reconnaissent leurs défauts et s'engagent au changement (CITATION). Ceci pourrait paraître moralisateur et trop humaniste, mais était le courant de pensée qui a structuré la pensée de l'auteure et lui a permis de vaincre ‘ses démons’, dans le cas de Louisa May, ce fut le tempérament volcanique. Louisa May a écrit dans son livre le plus connu, Little Women, l'histoire de quatre filles qui vivent des situations différentes et quotidiennes, et dont les personnalités différentes parviennent à des issues comiques, ambivalentes, mais toujours porteuses de sens. Margareth dite Meg, l’aînée, est coquette et sérieuse ; Joséphine dite Jo, est tenace et franche, intelligente et un brin colérique ; Elizabeth dite Beth, est timide et serviable ; et Amy la benjamine est belle mais vaniteuse. Cette histoire largement autobiographique aide à saisir la portée de l'éducation de Bronson Alcott père.Le féminisme est aussi un courant qui a marqué la vie de Louisa May. En effet, à son époque le courant transcendantaliste avait un certain nombre de femmes connues à l'intérieur comme Elizabeth Peabody, qui avait par des publications fait sensation. Ce cercle de femmes indépendantes intellectuellement, financièrement et moralement, ont bâti une mentalité autre en Louisa May. De plus, la mère de Louisa, Abba, était aussi une sorte de 'forte tête' qui a su donner à sa deuxième fille son tempérament acharné. A l'heure où les femmes ne se projetaient que mariées, Louisa décide à l'aune de ses 30 ans de rester célibataire à vie. On ne lui connaîtra pas de relations amoureuses, ou de vies déréglées. Passionnée par son zèle d'écrire, décidée à sortir sa famille de la misère, elle s'y acharnera jusqu'à payer les dettes de son père (Ô combien élevées !), et à parvenir grâce au succès de Little Women (1868) à la prospérité, et aux deux autres ouvrages qui feront la trilogie de la saga Jo March (Little Men et Jo’s Boys).L'un des aspects qui m'interpelle le plus chez Louisa May, est le caractère particulièrement intègre de l'auteure. Tous ceux qui ont connu l'héroïne Jo March ont admiré sa fougue, et quasiment regretté qu'elle se marie à ce mollasson de Monsieur Bhaer. Ils ont regretté qu'elle aille s'enterrer dans ce Plumfield perdu que la Providence a pourvue, car le couple est trop pauvre pour s'acheter quoi que ce soit. On lit le premier volet des filles March et on se dit « Waouh ! » On lit le deuxième et on dit « Oui, ...mais... »; on ne lit presque pas le dernier et le posthume, parce que là on a l'impression que Louisa May sacrifie Joséphine March à la guillotine des conventions. Jusqu'à ce qu'on la rencontre, elle, la vraie Jo ! Mieux même ! Elle Louisa, qui s'embarque en guerre du côté des infirmières à 29 ans ! Toujours forte et intrépide ! Jusqu'à ce qu’on la voit vivre au rythme de son vortex, et écrire, écrire, écrire, sans machine, écrire, re-écrire, et devenir célèbre ! Jusqu'à ce qu'on découvre ce à quoi elle a dû renoncer pour les siens et par amour pour sa liberté ! « L’un des tourments de la femme est la peur de devenir une vieille fille. Pour échapper à ce terrible malheur, avec une imprudence qui abasourdit l’observateur ; les jeunes filles se précipitent dans le mariage, sans se donner le temps de réfléchir que la perte de la liberté, du bonheur et du respect de soi n’est que chichement rétribuée par l’honneur stérile d’être appelée « Madame » au lieu de « Mademoiselle ». […] Mes sœurs, n’ayez pas peur des mots « vieille fille », car il est en votre pouvoir d’en faire un terme d’honneur plutôt que de reproche. […] Si l’amour doit venir, acceptez-le. […] S’il ne vient jamais, alors au nom de Dieu rejetez cette idée qui ne pourra satisfaire un cœur affamé. N’ayez pas honte de dire la vérité –ne vous laissez pas impressionner par la peur du ridicule et de la solitude. » (Paroles recueillies lors de la Conférence qu’elle avait donné ; Conférence intitulée Happy Women, à laquelle elle participa, l’année même de la parution de Little Women).
Jusqu'à ce qu’on la lise si libre, si franche, ayant payé d'un grand prix cette liberté, mais étant parvenue des siècles après à se placer au panthéon des auteurs qui comptent dans la littérature enfantine en Amérique ! Bravant les fougues des conventions, des regards pour devenir juste elle-même ! Bravant la solitude pour assumer son choix ! Féministe (le mot est à la mode), engagée (merci Sartre), et se moquant d'elle-même (elle se disait laide). Une femme comme elle ne peut qu'inspirer les hommes et les femmes d'aujourd'hui. Et même si elle s'est distinguée dans la littérature pour enfants, ses histoires enfantines même sont de véritables sermons, dépôts précieux ; ses nouvelles et romans pour adultes aussi oscillent entre le puritanisme et un caractère intrépide. Point d'insolence, toujours du courage. Louisa May est véritablement une personne d'exception, que j'ai pris plaisir à connaître.Cette analyse a été produite par Pénélope Zang Mba
Mot clé article : Féminisme.Titre : Louisa May Alcott ou la dimension de la femme moderneExtrait : A Noel, on s’achète un peu tout et n’importe quoi. Mon Noel à moi a été de revisiter les lieux de mon jardin secret, et de ma bulle d’enfant. J’ai eu plaisir à relire Les Quatre Filles du Dr March, et j’ai presque failli sauter au plafond en découvrant qu’il y avait une trilogie, que j’ai tout de suite commandée (Le Dr March marie ses filles, Le Rêve de Jo March), et j’ai même acheté l’ouvrage posthume La Grande famille de Jo March. J’ai surtout, au-delà de la fiction, découvert une personne de valeur, en la personne de l’auteure elle-même, dont la vie parlait plus fort que l’œuvre.A ceux qui ont été frustrés par leurs cadeaux, il n’est pas trop tard. Ils pourront lire les biographies de Louisa May Alcott dont une a paru l’an dernier et est fort instructive : Louisa May Alcott. La mère des filles du Dr March (1832-1888), chez La librairie Vuibert.