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Opérations escargot, blocage de sites industriels ou de dépôts pétroliers: les routiers ont entamés hier soir une grève reconductible pour réclamer des augmentations de salaires, un mouvement censé gêner le patronat sans peser sur les particuliers."L’objectif c’est pas de bloquer la population mais de toucher les employeurs", prévient d’emblée Pascal Goument, CFTC-GND, alors qu’une cinquantaine d’actions ont été prévues sur l’ensemble du territoire cette nuit. En cas de blocages d’axes routiers, aux péages d’autoroute par exemple, seuls les poids-lourds seront stoppés par les grévistes, qui laisseront passer les véhicules légers. S’il y aura "forcément, à la marge, un peu de ralentissement", selon Jérôme Vérité, patron de la CGT Transports, la grève ne devrait pas paralyser la circulation. L’intersyndicale CGT, FO, CFTC et CFE-CGC a donné ce coup d’envoi dès 22H00. Elles "dureront au moins jusqu’à mardi", date de la prochaine séance de négociation annuelle obligatoire (NAO) dans le transport routier de marchandises, où les syndicats espèrent obtenir des augmentations de salaires. Une seconde réunion est programmée jeudi 22 janvier. Mais la grève pourrait chambouler le calendrier établi.
En région parisienne, un premier point de rendez-vous a été donné par la CGT et la CFTC à 21h30 à la Porte de Montreuil, selon Pascal Goument. Le convoi a rejoint des militants FO à la porte de Clignancourt ensuite, avant de se rendre au port de Gennevilliers, où était prévu le premier blocage. Le syndicaliste a ajouté que la plateforme aéroportuaire de Roissy et d’autres zones industrielles au nord de Paris serait au programme. En province, les villes de Lyon, Bordeaux, Nantes ou Lille était touchées vers 22h00, selon Jérôme Vérité. Des opérations escargot sont désormais actives prévues à Marseille ou Nantes. Plus généralement, le Nord, la Bretagne, la Normandie, l’Aquitaine, le Rhône-Alpes ou la Lorraine restent les régions les plus mobilisées, selon diverses sources syndicales. Les chauffeurs de car et les salariés du secteur logistique (stockage, magasinage, traitement des commandes, etc.) ont été appelés à cesser le travail pour "refuser la paupérisation et la Smicardisation rampantes" de la profession. Ce jour, les syndicats réclament "une augmentation du pouvoir d’achat minimum de €100" par mois, notamment en portant à €10 le taux horaire minimum pour les coefficients les plus bas à l’embauche. En 2014, un seul des quatre coefficients en vigueur (qui servent de base aux négociations salariales) dans le transport routier -celui des salariés les plus qualifiés- dépassait le Smic (€9,61 bruts/h en 2015). "On est dans une situation d’impasse", estime Pascal Goument.
"Les grilles conventionnelles n’évoluent pas" et les augmentations de salaires servent seulement à atteindre le niveau du Smic, regrette-t-il. "Ce n’est pas acceptable quand on connait les contraintes et la pénibilité du métier". "On peut se demander à quoi sert l’argent public dans ces conditions", s’interroge la CGT, évoquant les aides accordées par l’Etat aux entreprises via le pacte de responsabilité et le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). Des avantages évalués à €500 millions environ dans le transport de marchandises. "Cela leur a donné un souffle d’air pour alléger leurs coûts sur le matériel", commente le syndicaliste Goument, soulignant également la baisse des prix du gasoil. Les organisations syndicales exigent en outre un 13ème mois, la suppression de la carence maladie, l’ouverture de négociations sur la gestion des fins de carrière et une protection sociale plus forte (mutuelle, prévoyance, dépendance). Ces mêmes organisations se disent résolues à obtenir des engagements de la part des fédérations patronales, quitte à faire durer les négociations. La CFDT Transports, premier syndicat de la profession, ne fait pas partie de l’intersyndicale. Elle avait organisé en décembre une action coup de poing en région parisienne pour peser sur les négociations.FG