Je commence cette chronique en répondant à un commentaire suscité par mon billet Pinaillage. L’auteur de ce commentaire déclare entre autres ceci : « N'importe quel être vivant, objet ou ce qu'on voudra, portant un turban à la Une de Charlie dans le contexte actuel aurait vraisemblablement été interprété de la même manière... » J’en extrais le mot interprété : il implique bien que tout texte ou dessin n’a pas une signification évidente mais, au contraire, doit être interprété. D’ailleurs les hommes de foi pratiquent couramment l’exégèse et savent donner aux textes sacrés des interprétations différentes.
Ce sont des différences d’interprétation qui ont conduit à l’existence de plusieurs courants dans la religion musulmane. Pour tous, Allah échappe à toute représentation et, aux yeux des sunnites, qui constituent environ 90% des musulmans, il en va de même pour Mahomet. Dans ce système de valeurs, il est absolument impossible de reconnaître le prophète dans le personnage enturbanné de la couverture du Charlie Hebdo paru mercredi 14, tout simplement parce qu’il ne peut absolument pasfaire l’objet d’une représentation. En outre, d’après Sheykh Faraz Rabbani, « nous n'avons aucun rapport stipulant que le Prophète portait le turban ».
Autre source d'interprétations diverses dans le dessin en cause. Dans mon billet Caricatures de Mahomet, je faisais remarquer qu’on ne pouvait déterminer qui pardonnait pas plus que celui ou ceux auxquels s’adressait ce pardon. On relève la même imprécision sur l‘étendue de ce qui était pardonné, indiquée par un vague tout. Je conclus cette série de billets en réaffirmant qu’on ne peut parler de caricature car le personnage dessiné n’évoque aucun individu et surtout pas le prophète, car celui-ci ne peut être représenté.