Charlotte, devant sa télé, avec son portable sur les genoux, était entrain de faire un devis pour réparer l'installation d'un boulanger qui l'appelait régulièrement à 3 heures du matin pour
remettre le courant parce que tout avait sauté. Le boulanger, stéréotype s'il en est, de la France qui se lève
tôt, se plaignait souvent de la conjoncture économique, lui aussi. Il avait de plus en plus de mal à trouver de la farine : depuis que le baril de pétrole avait passé les 200€, en plus, c'était
l'horreur : faire venir les sacs depuis le lieu de production revenait extrêmement cher. De plus, les champs s'éloignaient de plus en plus des villes. A croire que la baguette était au pétrole !
Sans compter la spéculation sur les matières premières. Le pain était devenu un produit de
luxe. Surtout en boulangerie traditionnelle, parce qu'au supermarché, les coûts étaient réduits grâce à la production plus importante, mais surtout aux moyens de pressions plus grands sur les
producteurs, même si eux aussi devaient mettre du gasoil dans leurs tracteurs.
Quand l'électricienne leva les yeux sur la télé, Sarkozy était entrain de faire un discours. En cinq ans de pouvoir, il avait réussi à donner au statut de président, un pouvoir énorme. Il faut
dire que la cinquième république était déjà un régime très présidentiel. Mais là, en modifiant la constitution, le premier ministre n'avait plus qu'un rôle
d'opérette. En cas de cohabitation, aucun contre-pouvoir, donc. Mais même sans cela, le président avait la main sur tout.
Malgré ça, il était agité, il avait retrouvé ses tics, durant la campagne. Il faut dire qu'il avait de quoi être nerveux : les plus pauvres avaient faim, les classes moyennes n'étaient pas loin
d'exploser, multipliant les heures sup, travaillant jour et nuit, sans toutefois joindre vraiment les deux bouts et les classes les plus aisées fuyaient encore vers l'étranger, nullement
rassurées par le paquet fiscal, cadeau de début de mandat coûteux et inefficace.
Bref, tous les éléments étaient réunis pour une crise majeure. Même si les médias n'en parlaient pas, des bandes s'organisaient, dans les banlieues pour piller les réserves des grandes surfaces
ou pour arrêter, en pirates, les camions de victuailles...Les émeutes de la faim avaient gagné notre pays
"riche".
La sécurité était renforcée, autour du président : garde du corps, force de police disproportionnées. On craignait l'attentat ou les manifestations qui auraient bien gâché la fête. Effectivement,
quelques activistes des droits de l'homme et des organisations alter mondialistes étaient là, mais on
avait soigneusement réprimé et supprimé le matériel de ces associations.
Cependant, dans la foule des admirateurs soigneusement triés sur le volet par la sécurité, il y avait une femme fermement décidée à changer le cours des choses.
Même si Sarkozy s'était entouré d'une garde rapprochée très réduite de fidèles dévoués, il y avait encore quelques velléités qui couvaient dans certaines têtes. Il y en a toujours quelques uns
qui veulent être calife à la place du calife…
A suivre
CC