Kim Bedenne – Editions Pika – Photo © Paoru.fr
Pour le retour des interviews éditeurs, voici une des rares maisons consacrée aux mangas qui sort de 2014 avec de quoi sourire malgré la morosité du marché. Je vous parle bien sûr des éditions Pika, qui profite cette année des succès confirmés de Fairy Tail et de L’attaque des Titans et du bon départ de Seven Deadly Sins, entre autres. Début décembre je suis donc allé à la rencontre de Kim Bedenne, responsable éditoriale depuis 2012, pour parler de l’évolution de Pika depuis notre dernière rencontre, en mars 2013.
Nous avons pu échanger sur les récents succès de Pika en France, pour les chiffrer mais surtout les comprendre, ainsi que des stratégies mises en places par les éditeurs japonais pour renouer avec les grands succès du siècle dernier. L’occasion d’évoquer les tendances de fond en Japon et en France, des causes d’un marché hexagonal…
Préambule : Angoulême et Seven Deadly Sins
J’en suis vraiment très heureuse. J’étais déjà très contente l’an dernier d’avoir deux titres nominés, Space Brothers et l’Attaque des Titans, et là c’est un manga généraliste qui est sélectionné, un titre universel à l’image de ce qu’est le manga, un media d’entertainment de masse fait pour tout le monde. Ça donne un nouveau focus sur le manga… En fait, jusqu’à présent Angoulême se concentrait surtout sur des mangakas comme Taniguchi et les mangas d’auteurs, ce qui est très bien pour ces titres mais ce n’est pas représentatif du manga tel qu’il est conçu au départ, au Japon.
Je trouve ça intéressant que le festival puisse aller voir au-delà de sa propre culture.
En plus, je suis contente que ce soit Seven Deadly Sins car j’adore cette œuvre et ce qu’en fait son mangaka, Nakaba Suzuki.
Lorsque nous nous sommes vus en mars 2013, tu m’avais dit retrouver un peu de Toriyama dans cette œuvre…
En fait, Toriyama a fait un peu comme Osamu Tezuka, c’est-à-dire qu’il a posé les bases d’un genre, avec sa mise en scène et sa narration. Donc oui, ça ressemble à Dragon Ball comme Fairy Tail lui ressemble, comme One Piece y ressemble.
Mais ce que je trouve assez épatant chez cet auteur, c’est surtout sa bibliographie. En la regardant de plus près, on voit qu’il a travaillé avec plein d’éditeurs différents, ce qui est assez rare, et il a réalisé des mangas dans de nombreux genres. Là, c’est son premier vrai shônen et pourtant on a l’impression qu’il a fait ça toute sa vie. Il maîtrise tous les codes, les personnages sont très intéressants, les armes sont classes… C’est quelqu’un qui sait comment intéresser le lecteur. Peu importe le genre, c’est ça sa priorité, et il sait la mener à bien via sa narration.
Je pense qu’on retrouve ça aussi dans l’Attaque des Titans et dans tous les titres actuels qui fonctionnent : la narration et les personnages. C’est la base du manga de toute façon, et on a la chance d’avoir de nouveaux auteurs qui reposent les choses à plat et se concentrent sur l’essentiel.
Stratégies nippones et tendances de fond…
Sur l’Attaque des Titans justement, on constate une multiplication des supports…
En effet, le réflexe de se diversifier, de faire des spins off et des cross over, est en train de se développer au Japon.
Mais ça s’est toujours fait ou c’est récent à cette échelle ?
Shueisha le faisait beaucoup. Kodansha beaucoup moins. Et nous faisons historiquement peu de titres Shueisha donc nous ne pouvions pas vraiment développer ça. Kodansha a fait un grand pas avec l’Attaque des Titans, en exploitant davantage une licence et son univers. Ils ont constaté que ça marchait. Ils l’ont donc fait aussi sur Fairy Tail et ils ont commencé à le faire sur Seven Deadly Sins, on voit déjà des spin-off apparaître dans des magazines.
C’est toujours très positif… Surtout si les spin-off sont bons ! (Rires)
Lors de notre dernière interview en mars 2013, nous évoquions aussi la fin d’une tendance éditoriale japonaise orientée vers les publics de niches (moe, gothic, etc) au profit de titres plus universels qui semblaient signer un retour… Tout ceci était encore au conditionnel, quelle évolution depuis ?
Je pense toujours que le marché tente ce retour aux sources, et Kodansha a gagné des parts de marché grâce à ça. Shueisha se recentre pas mal sur les titres de sport, ce qui est un retour aux sources aussi en quelque sorte, mais je me demande si ce n’est pas lié aux Jeux Olympiques qui arriveront dans cinq ans. J’étais au Japon il y a peu et j’ai pu voir beaucoup de publicités liées au sport en général. Les journaux télévisés pouvaient passer dix minutes sur des performances sportives d’un ou d’une athlète…
Après, ce sont des tentatives car je pense que, comme nous, le marché japonais se cherche. Naruto s’achève, cela créé pas mal de remouds et aucun successeur ne l’a remplacé. Il y a l’Attaque des Titans mais le titre ne balaie pas aussi large dans son lectorat, ça s’adresse à un public plus âgé, entre ado et jeunes adultes, là où Naruto pouvait vraiment toucher tout le monde.
Eren, dans le film à venir de l’Attaque des titans
Après l’Attaque des Titans reste un gros phénomène, comme le montrent les statistiques de ventes de l’Oricon…
Effectivement, ça fait plusieurs années que je travaille dans le manga et c’est la première fois que je vois un démarrage comme ça. Lorsque l’anime a été diffusé en août, tous les tomes existant de l’Attaque des Titans ont figuré dans le top 20 hebdomadaire de l’Oricon pendant plusieurs semaines. Chaque nouveau volume dépassait en une semaine le million d’exemplaires vendus… Il n’y a que One Piece pour réussir cet exploit, même Naruto ne faisait pas ça.
Est-ce que tout ceci ne vient pas, aussi, d’un changement de stratégie sur l’adaptation anime ? One Piece ou Naruto possèdent des adaptations fleuves à la qualité inégale là où les titans ou Kuroko no Basket ont eu une série courte mais de meilleure facture…
C’est une question intéressante, ça a fait l’objet de sujets développés dans certains magazines nippons qui s’intéressent à l’entertainment. Le modèle évoqué au départ est celui de Nana : il y a eu un manga à succès, puis ils ont étendu le succès avec un anime de bonne qualité puis est venu un film grand public avec des acteurs ou actrices connues pour avoir un produit vraiment mainstream. Ils ont refait la même chose avec Death Note, et ils sont en train de développer la même stratégie sur Assassination Classroom, sur Parasite et sur l’Attaque des Titans.
C’est une vraie tendance. La logique est que le manga ne touche plus un public aussi large qu’avant car les loisirs se sont multipliés. Ils ont donc besoin de multiplier le nombre de cibles et mettent les moyens pour ça. C’est une logique économique qui est amené à se développer et qui a été initié il y a 10-15 ans…
Licences : les catalogues nippons
Black bird en couv’ du Betsucomi de Shogakukan
Si on se centre sur les licences japonaises et plus spécifiquement sur les magazines qui les publient : Début 2013, tu étais en place depuis un an et il y avait encore pas mal de travail à faire. Pour dénicher des licences, tu travaillais essentiellement sur les magazines de Kodansha, avec un peu de Shôgakukan mais tu voulais développer ça…
Oui, Shôgakukan, j’ai demandé à en recevoir davantage, j’ai toute une étagère qui se remplit bien maintenant. Ils sont assez forts sur les shôjos et ont des bons auteurs : Black Bird et Area D viennent de chez eux.
Tu voulais aussi nouer le lien avec Square Enix…
Ça commence là aussi à se remplir. Je leur ai demandé de nous envoyer leurs magazines. C’est un éditeur qui a eu des succès en France et qui veut s’y développer donc forcément… On va essayer ! (Rires)
Il y a des choses qui peuvent t’intéresser chez eux a priori… Vous avez commencé à envoyer des demandes ?
Oui, nous sommes en discussion sur plusieurs titres . Après ça fait longtemps que nous n’avons pas travaillé avec eux, donc ça prendra un peu de temps.
Et qu’est-ce qui pourrait t’intéresser ?
Ils sont assez bons dans tout ce qui est fantasy, ce qui est un peu dark… Ils ont aussi pas mal d’humour car, à l’origine, ils se sont pas mal développés sur les parodies de jeux vidéo. Maintenant ils ont un catalogue très varié, mais ça reste très différent de ce que l’on peut trouver chez Kodansha ou Shogakukan.
Dans un sens, ils se prennent un peu moins au sérieux, peut-être parce ce n’est pas sur le secteur du manga qu’ils font le gros de leurs revenus, c’est plutôt dans le domaine du jeu vidéo.
Disons qu’ils n’ont pas beaucoup de gros blockbusters au Japon. Ces temps-ci, leurs titres dans les tops sont axés sur l’humour dans la vie quotidienne, comme Working !!… Ce n’est pas le genre de thématique que l’on peut facilement exporter en France. On ne capte pas toujours les références.
Dans ce genre là d’autres éditeurs français ont des choses chez Square Enix ou ailleurs : Barakamon, Jésus & Bouddha…
Pour Barakamon, je pense que les résultats ne sont pas à la hauteur de ce que Ki-oon attendait et pour Jésus & Bouddha, en raison de la parution assez lente, le coté phénomène s’est estompé et les ventes baissent. Dans Jésus & Bouddha, on enchaîne surtout des gags et ce sont plus des titres comme Ranma ½ qui ont fonctionné, avec un mix d’humour et d’action.
En France, les lecteurs apprécient souvent qu’il y ait un but, une quête quelque part.. Au Japon il y a moins d’attentes, plus de « je m’en foutisme » en quelque sorte, on prend les choses comme elles viennent.
On retrouve cet esprit dans le yonkoma par exemple…
Oui par exemple, car ce genre d’histoire ne va nulle part en particulier.
En France, on l’apprécie à la rigueur en fin d’ouvrage…
Oui voilà, en bonus, mais pas en histoire principale. Alors que le yonkoma est beaucoup plus développé au Japon. Ça révèle forcément une façon de penser différente entre les Français et les Japonais. On cherche à donner un sens à notre vie alors que les Japonais sont plus à prendre la vie telle qu’elle est.
Bilan 2014 : les réussites de Pika…
Si on prend un peu de recul maintenant : qu’est-ce que tu retiens de 2014 pour Pika Edition ?
Nous avons une année très positive. Nous avons gagné des parts de marché (+ 2 points de part de marché, à 19%) et nous avons renforcé notre position de second. Nous avons eu des titres forts, comme l’Attaque des Titans qui a été lancé en 2013 et qui a pris de l’ampleur : il y a eu le spin-off, le guide book et ce n’est pas fini, puisque d’autres choses arrivent pour 2015. C’est aujourd’hui la cinquième série du marché devant Dragon Ball et elle devrait logiquement passer 4e avec la fin de Naruto, et le succès croissant de la série. L’Attaque des Titans est la deuxième série de notre catalogue, et son chiffre d’affaire a progressé de 240% par rapport à 2013.
L’auteur avait évoqué une vingtaine de tomes au total, dans une interview qui commence à dater. Est-il toujours dans cette optique ?
En fait, il a dit ça dans une interview mais plus tard il a aussi dit qu’il en ferait davantage. La seule vérité c’est qu’à l’heure actuelle, on ne sait pas. Il a juste dit qu’il avait en tête les grandes étapes de l’histoire et vers où il allait. Je pense qu’avec son succès il est assez libre de rajouter des chapitres s’il le veut ! (Rires)
Effectivement ! Et sinon, pour 2014, quoi d’autre ?
Il y a eu Seven Deadly Sins… Qui n’était pas forcément gagné au départ car il n’était pas si connu que ça sur la toile, il n’y avait pas eu d’anime ou de merchandising. Donc nous avons pris un risque et le pari s’avère réussi, nous en sommes ravis. Le tome 1 a été tiré à 40 000 exemplaires et si je remonte au mois d’octobre il s’agissait du meilleur lancement 2014, classée à l’époque 22e au top des ventes globales (source Ipsos).
Je le vois depuis le début comme un potentiel second Fairy Tail, sur le long terme. Pour l’instant, nous n’y sommes pas encore mais quand l’anime sera arrivé en France ça peut donner un bon coup de boost.
Sur les shônens, on a eu un titre très important : UQ Holder, le nouvel Ken Akamatsu (Love Hina, Negima !). La force de ce titre est que l’auteur a fait face aux critiques sur la fin de Negima !, avec ce coté harem très chargé où il est parfois difficile de comprendre tout ce qui se passe. Dans UQ Holder, on est sur du shônen pur et l’action est plus lisible. Il a réussi à faire un reset et s’est montré très malin, je pense qu’il peut toucher une nouvelle génération et pas uniquement ceux qui le suivent depuis ses débuts.
Puisqu’on évoque Ken Akamatsu, il fait partie des auteurs à succès de votre catalogue qui ont bénéficié d’une réédition en volume double, comme CLAMP ou d’autres. Quel succès rencontrent ces éditions chez Pika ?
C’est très variable. Ça a très bien pris sur le Nouvel Angyo Onshi, sur Sakura, GTO… Nous en avons fait plusieurs comme ça. Ça a moins bien réussi sur Negima ! ou Tsubasa mais nous sommes contents de l’avoir fait car sinon ces séries auraient tout simplement disparu des librairies. Les versions doubles c’est donc utile mais à prendre avec des pincettes…
Comment vous décidez-vous justement ?
L’idée de base, c’est de faire vivre le fond de catalogue. Après, il y a plusieurs critères : la longueur de la série, le succès de l’édition d’origine – si ça n’a pas marché en édition simple ça ne marchera pas en double -, on regarde si nous avons du matériel pour le faire puisque généralement nous réalisons de nouvelles couvertures pour éviter le copier-coller et enfin nous vérifions s’il y a de nouvelles actualités concernant l’auteur, comme c’était le cas sur GTO et comme c’est le cas sur Negima !… C’est un peu tout ça qui joue.
Cette sortie Japan Expo marche très bien. Le premier tome a été tiré à 29 000 exemplaires, c’est notre meilleur lancement seinen de l’année et déjà une valeur sure de notre catalogue. C’est un auteur que nous suivons depuis longtemps (le Nouvel Angyo Onshi, Defense Devil) et qui a réussi à sentir l’air du temps. Il y a une convergence des goûts sur certains points avec les comics américains qui prennent de l’ampleur…
Avec des histoires de pouvoirs …
Exactement. Je pense que ce n’est pas un hasard si on retrouve de plus en plus de dark héroes dans les mangas ou ailleurs : internet et l’internationalisation de l’entertainment fait qu’il y a des histoires qui se recoupent. Area D propose justement un bon mélange des genres, avec de superbes dessins, de très bons personnages et une histoire qui ne perd jamais en souffle…
Enfin, du coté des shôjos, nous avons toujours Love Mission, qui se défend très bien : c’est l’un des seuls shôjos qui arrive à se hisser dans les tops français. En France, nos classements ne sont pas très variés donc c’est bien que l’on puisse trouver un petit shôjo qui y fait son nid. Là encore, c’est le cocktail dessins, personnages et narration – avec des cliffhangers de fou – qui fait que ça sort du lot. Au global, en 2014, nous a vendus 80 000 exemplaires de la série, qui fait partie des notre Top 5 ventes.
… et les difficultés du marché français
Puisque l’on parle des secteurs difficiles… En France, le shôjo perdait des parts de marché en volume de ventes en 2013 et passait derrière le seinen… La tendance continue ?
De notre coté, nous avons lancé des séries attendues comme Le garçon d’à coté et Say i love you. Les résultats sont corrects mais ce n’est pas Love Mission… Pendant que le seinen se renforce, le shôjo continue de perdre des lectrices. Peut-être parce qu’elles vont vers le shônen à l’heure actuelle. Dans Seven Deadly Sins et L’Attaque des Titans, il y a pas mal de personnages qui peuvent parler au lectorat féminin.
C’est au final plus facile de séduire le lectorat féminin avec un shônen qu’avec un shôjo en fait…
À l’heure actuelle, c’est l’impression que j’ai. En plus, les shôjos ne bénéficient pas de la même couverture médiatique, il n’y a pas autant d’adaptations en anime ou alors elles ne passent pas à la télévision chez nous, pas à des heures de grande écoute en tout cas. Il y a moins de merchandising sous la main pour promouvoir les titres également. Alors que le shônen, c’est là-dessus que vit le marché du manga au Japon comme en France.
Est-ce que ce déclin du shôjo est visible au Japon ?
En fait, il est plus facile de vendre du shôjo au Japon. Plutôt que des adaptations animées, ces titres sont souvent adaptés en films live ou en série, qui ne coûtent pas beaucoup d’argent à produire. Ils se déroulent dans la vie quotidienne, il n’y a donc pas besoin de créer des décors ou des costumes particulier, ou alors un coup de colle à droite ou à gauche suffisent. Ce genre d’adaptations leur permet de maintenir leur marché, mais on ne les a pas en France.
Tu as évoqué les nouveautés 2014 mais quid de l’un de vos gros lancements 2013, Chihayafuru ?
Ça n’a pas pris, ou du moins ça n’a pris que dans une petite communauté qui l’apprécie et le soutient vraiment, une communauté dont je fais partie. Analyse à a posteriori : nous aurions peut-être du lancer les volumes un et deux ensemble car le premier ne montrait pas assez qu’on était dans un univers lycéen. Je me dis que la partie karuta avec des explications assez poussées a peut-être rebuté des gens. Troisième facteur : l’histoire entre shôjo et shônen sort un peu des cases et il est possible que pas mal de lectrices n’aient pas trouvé ce qu’elles attendent habituellement dans un shôjo. Il n’y a pas de grande histoire d’amour pour le moment… On sent bien que l’héroïne ne s’intéresse pas du tout au garçon ! (Rires)
Si ça avait marché, on aurait dit que c’était ça la force de Chihayafuru, car pour moi c’est ça qui fait son succès au Japon : une héroïne qu’on n’a jamais vu ailleurs, qui ne centre pas sa vie sur ses romances. Mais ce n’est pas passé en France.
Après, pour voir le positif, ça a montré que Pika n’est pas un éditeur qui n’est là que pour faire du papier et tout le temps la même chose : la traduction était vraiment de qualité, nous nous sommes cassés la tête en fabrication avec les cartes fournies en fin d’ouvrage, etc. Nous avons pris un risque et nous nous sommes investis dedans. Nous avons fait le même genre d’effort en 2013 sur Space Brothers…
Ah justement, comment se porte ce titre ?
Au niveau des ventes moyennement, même si ça reste pour moi l’un des meilleurs seinen du moment. Les libraires l’ont beaucoup soutenu et continuent toujours, les médias aussi. La série a d’ailleurs été sélectionnéee par plusieurs prix. Mais ça n’a pas spécialement décollé.
Pour finir la revue de détail… Et Fairy Tail ?
Si on s’intéresse au marché français dans sa globalité maintenant, qu’est-ce que tu retiens de 2014 ?
Que ça a été encore une année difficile. Ça fait plusieurs années que ça baisse et la tendance se confirme. Les causes sont cependant multiples : diversification des divertissements, crise économique… Pour le manga, ce qu’il y a de spécifique, c’est le piratage, qui a tendance à se développer avec la montée en puissance des tablettes, car c’est beaucoup plus facile d’y lire un manga que sur un pc. C’est donc quelque chose qui nous inquiète.
Après…Tout ce que nous pouvons faire c’est essayer de faire notre travail au mieux en trouvant des titres intéressants et motiver le public de les découvrir.
Il y a deux – trois ans des éditeurs comme Kazé Manga ont fait un gros travail de pédagogie, en prévenant qu’ils taperaient peut-être sur les récalcitrants… Quid pour Pika actuellement ?
La pédagogie est super importante mais les éditeurs français sont toujours en position délicate pour se saisir de ce problème. Nous sommes des éditeurs de deuxième niveau, nous ne sommes pas Kodansha ou Shueisha et nous ne sommes pas propriétaires des droits. Nous sommes d’ailleurs critiqués là-dessus, comme quoi nous ne sommes là que pour faire de l’argent face à un public qui fait seulement ça par passion… ça reste difficile de faire de la pédagogie sans passer pour des donneurs de leçons.
Pour moi une des clés serait de mettre dans les programmes scolaires des plus jeunes la question du droit d’auteur, et ça bien au-delà du manga d’ailleurs. C’est valable pour toutes les industries où des artistes passent leur vie à créer. Parce que créer, ce n’est pas quelqu’un qui gribouille de temps en temps sur un bout de papier, c’est passer sa journée à réfléchir pour essayer de gagner sa vie à partir de jus de cerveau. Dans tout l’entertainment c’est pareil. On crache souvent sur la Chine car elle bafoue les droits d’auteur mais nous n’avons pas forcément une culture très développée là-dessus non plus.
C’est l’un des enjeux du 21e siècle. Comme on évoque le transfert des enseignements du papier vers le numérique, des cours sur le droit d’auteur pourraient totalement y avoir une place.
Par définition, ça ne peut pas l’être. Ce que l’on sait par contre, c’est que Fairy Tail est l’œuvre la plus piratée de tout le catalogue Hachette, qui est un catalogue relativement conséquent donc ça va veut forcément dire quelque chose. Même si ce n’est pas chiffrable, pour des titres similaires nous ne faisons plus les mêmes ventes qu’il y a 10 ans avant que le piratage massif ne s’installe.
Mais ça reste une question très délicate à traiter : dès qu’un sujet sur le scantrad est lancé dans un forum, des réactions arrivent de tous les côtés et il s’agit souvent des débats enflammés. Ça prouve d’ailleurs que les lecteurs eux-mêmes s’interrogent sur ce sujet et sur ce qui signifie le droit d’auteur.
Pour finir qu’est-ce qu’on peut souhaiter à Pika pour 2015 ?
D’être les premiers du marché ? (Rires) C’est le rêve de mon boss ça ! (Rires)
L’écart entre vous et Glénat se resserre ?
Oui, si tu regardes les courbes Pika monte et Glénat baisse (Pika a gagné deux points de part de marché et Glénat en a perdu 2), car One Piece est moins fréquent et recrute moins, or l’influence des blockbusters est énorme dans nos ventes.
On dit depuis des années que la moitié des ventes du marché français se fait sur 8-10 séries…
J’aimerais bien justement qu’on ait un peu autre chose dans les tops français, et qu’il y ait meilleur équilibre entre shônen, shôjo et seinen à l’image des tops nippons. Un tiers shônen, un tiers shôjo et un tiers seinen ce serait le rêve !
Ça nous changerait c’est sûr ! Vœux notés en tout cas, ça nous promet une année 2015 intéressante !
Vous pouvez retrouver Pika sur leur site internet, ou les suivre sur Twitter et Facebook.
Remerciements à Kim Bedenne pour son temps et sa gentillesse, ainsi qu’à Laure Peduzzi pour la mise en place de cette interview.
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