PATRICK LE HYARICVENDREDI, 16 JANVIER, 2015HUMANITÉ DIMANCHE
Une loi de classe
Par Patrick Le Hyaric, directeur de l’humanité
Quelle profession de foi ! « Les jeunes Français doivent avoir envie de devenir milliardaires. » Elle est du ministre de l’Économie Macron, loin d’ici, à Las Vegas, lors d’un grand salon de l’électronique. Quelle profession de foi de la part de l’ancien banquier qui ne sait pas ce que signifie vivre dans la précarité absolue, travailler la nuit pour payer ses études, dormir dans la rue ou dans sa voiture pour certains, tout en ayant un emploi, ne pas pouvoir finir le mois pour un jeune couple.
D’ailleurs, le président de la République a expliqué sans rire, lors de ses vœux, que ce projet de loi censé donner « un coup de jeune à la France » était aussi « une loi pour le siècle à venir ». Il faut se pincer pour ne pas s’écrouler de rire devant de telles grossièretés. C’est au contraire une loi de retour au XIXe siècle. C’est la contre-révolution libérale et anti-écologique.
Le ministre de l’Économie est chargé de tenter de faire changer des législations qui relèvent d’autres ministres, comme ceux du Travail, de la Justice, du Commerce ou de l’Artisanat, des Transports, du Logement. Il tente de modifier des pans importants de notre droit du travail : travail du dimanche élargi à la possibilité de douze dimanches travaillés par an, travail de nuit modifié, facilitation des licenciements, allongement du temps de travail, juridictions prud’homales mises en cause, inspection du travail affaiblie, médecine du travail dénaturée.
Autrement dit, la régression pour les travailleurs. Il projette aussi d’introduire les logiques marchandes dans des professions qui étaient jusque-là protégées, non pas pour diminuer les tarifs, mais pour les livrer à de grands consortiums capitalistes anglo-saxons. Sa logique est de faire admettre que plus rien ne doit échapper à la loi du marché capitaliste et à sa recherche de plus-value, extorquée du travail et de la consommation.
Ni l’organisation du temps de la semaine, ni les infrastructures d’un pays. Pour y parvenir, la prétendue loi naturelle du « marché capitaliste » prime sur la souveraineté des individus, leur organisation collective fondée sur l’idéal d’émancipation, condition de l’exercice de la citoyenneté et sur l’environnement. Elle prime aussi sur la souveraineté nationale, bradée sur l’autel décrépi des instances européennes et sur celui encore plus grand des intérêts privés, y compris étrangers, comme on le voit avec la vente d’une partie d’Alstom aux Américains de General Electric ou de l’aéroport de Toulouse aux capitaux canadiens et chinois.
Jusqu’aux industries d’armement proposées à la salle des ventes des rapaces de la finance internationale. C’est en cela que les fondements de la République sont gravement fissurés, affaissés, dégradés. Cette République sociale et solidaire, dont la force était de garantir la souveraineté de la nation et celle des individus, de protéger les citoyens contre le fait accompli de la loi du plus puissant, de la concurrence de plus en plus faussée.
La loi Macron porte une certaine idée de la société et des êtres humains. Ce ne peut être la nôtre. Son sens et ses conséquences doivent être étudiés, décryptés, débattus dans des ateliers citoyens, dans les usines, les magasins, les bureaux, les quartiers. Au nom de la République et d’une certaine idée du progrès humain, unissons-nous pour la rejeter. Cette édition spéciale de l’Humanité est un outil unique pour décrypter ce projet régressif et pour mobiliser autour de soi pour le mettre en échec.
C’est un service à rendre à l’intérêt général, aux idéaux de la gauche, à vos voisins, collègues de travail, membres de votre famille. N’hésitez pas à le diffuser largement autour de vous. Il est temps de mettre un coup d’arrêt au « régressisme » en cours. http://www.humanite.fr/loi-macron-le-decryptage-des-menaces-sur-le-contrat-social-562979