Khaled Bentounès est le chef spirituel de la confrérie soufie Alawiyya, établie à Mostaganem (Algérie), qui compte des milliers d’affiliés dans le monde. Il est notamment le fondateur des scouts musulmans de France.
Le Point: N’est-il pas temps pour les musulmans de réagir fermement contre la violence djihadiste?
Khaled Bentounès: Le problème dépasse l’islam. C’est notre société qui tourne à vide. Nos jeunes sont consumés par le consumérisme. Parce qu’on n’entend parler que de violence, les gens vivent dans la peur, se replient sur eux-mêmes et finissent par refuser l’autre. Les extrêmes cultivent cette peur, et en tirent prétexte pour appeler à l’exclusion.
Iriez-vous jusqu’à dire que l’extrême droite populiste et xénophobe a finalement les mêmes intérêts que l’islam radical ?
Non, mais ils ont un point commun : tous appellent au sang en poussant les communautés à s’opposer. Il faut s’interroger sur ce que nous faisons pour vivre ensemble et cultiver les valeurs qui nous protègent de la démence.
Quelles sont les valeurs du futur, selon vous?
La plus essentielle est l’humanité. Il faut absolument réapprendre où est la ligne rouge entre humain et inhumain. Et enseigner à nos enfants la sacralité de la vie. Tout être humain, quel qu’il soit, croyant ou non, musulman ou non, quels que soient sa religion, sa philosophie, son peuple, son sexe et sa race, doit être respecté. C’est une obligation fondamentale pour chacun de nous. Mais il est aussi essentiel de refuser la violence et tout ce qu’elle implique. Il faut s’unir en tant que citoyens pour défendre les
principes d’égalité et de fraternité. C’est en étant unis que nous pourrons donner du sens à la vie. C’est pour cela que nous avons demandé à l’Onu la création d’une journée mondiale du vivre-ensemble.
Une journée des femmes, une «pour vivre ensemble»... Ce genre d’initiative n’est-il pas vain?
Non, car j’en suis convaincu, c’est un moyen de poser le problème de la vie en société, de marquer la frontière entre ceux qui ont confiance dans l’humanité, qui se battent pour elle, et ceux qui n’ont qu’un désir, la détruire