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Deux amis de classe

Publié le 16 janvier 2015 par Dubruel

d'après L’AMI JOSEPH de Maupassant

Mme de Mérole ressemblait

À son mari, comme s’ils étaient

Frère et sœur. Par tradition,

Ils respectaient le roi et la religion

Et se montraient charitables,

Justes, irréprochables.

Lorsque le comte de Mérole invita

Joseph Moradour,

Son meilleur camarade de cours

À l’école,

Il éprouva

Une joie naïve et folle.

Moradour, un vrai méridional,

Était devenu Conseiller général,

Un républicain convaincu

À la langue bien pendue.

Il parlait vivement

Disant sa pensée sans ménagement.

À peine était-il arrivé chez son ami

Qu’il fut tout de suite admis

Malgré ses opinions progressistes.

Par convenance,

Le comte lui avait dit :

-« Puisque tu passes tes vacances

Avec nous, sache que tu es chez toi, ici. »

Mme de Mérole voulant aussi

Se montrer accueillante, commit

Cette stupide maladresse :

-« Cher Joseph

Vous êtes intelligent et sympathique.

Pourquoi défendez-vous des idées politiques

Qui ont tant de révolutionnaires répercussions

Sur l’état de votre, de notre Nation ? »

Moradour blaguait ses amis.

Saugrenu,

Il les appelait ’’ses aimables tortues’’.

Il leur avait dit,

En de sonores déclarations,

Ses préjugés contre les traditions

Et sa haine des ’’réac’’ et des catholiques.

Il déversait

Des flots d’éloquence démocratique.

Par savoir-vivre, Mérole se taisait

Ou détournait la conversation

Pour éviter

Tout motif d’irritation

Pour son invité

Un matin, Moradour descendit

Vêtu en paysan et dit

D’un air décidé :

-« Méroul, allons visiter

Votre exploitation agricole ! »

…Et il choqua les cultivateurs

Par le ton camarade de ses paroles.

Un soir, les Mérole avaient invité

Le curé à diner.

L’ecclésiastique arriva vers sept heures.

Joseph Moradour

Grimaça

Et ne le salua pas.

Dès la fin du bénédicité,

Il l’appela : ’’Monsieur’’, tout court.

Et non ’’Monsieur le curé’’.

Les Mérole se montraient désespérés.

Moradour disait à l’abbé :

-« Votre dieu est de ceux qu’il faut respecter

Mais aussi de ceux qu’il faut discuter.

Le mien s’appelle Raison.

Il est l’ennemi de votre poison. »

Mérole changea la direction

De cette conversation ;

Néanmoins, le curé partit de bonne heure.

Le comte fit part à son ami de sa stupeur :

-« Tu as peut-être exagéré

Avec monsieur le curé… »

Mais aussitôt Joseph déclara :

-« Elle est bonne, celle-là !

Je me gênerai avec un calotin !

Ce sont tous des crétins. »

Quand ces gens-là respecteront

Mes convictions,

Je respecterai les leurs

Ou je ferai un nouveau malheur !

Mais, fais-moi le plaisir, s’il te plait,

De ne plus m’imposer

Ce bonhomme-là

Pendant nos repas. »

Le lendemain quelle ne fut pas la surprise

De Mérole de voir son ami lire la Justice

Et brandir le Voltaire.

Le comte fit aussitôt un pas en arrière.

Moradour, hautain, recommanda :

« Huit jours de cette nourriture-là

Et je te convertis

À mes théories.

Il y a là-dedans

Un fameux article de Malavoy.

Ce gaillard est surprenant. »

Il le lut à haute voix

Et conclut : -« Cela, c’est tapé ! »

Au bout d’une semaine,

Moradour gouvernait tout le domaine.

Il avait fermé la porte au curé,

Dirigeait les travaux des champs,

Réorganisait l’exploitation des bois,

Ordonnait de dévaser les étangs,

…Et interdisait aux Mérole

La lecture du Clairon et celle du Gaulois.

Le lundi suivant, excédé, Mérole

Prétexta : -« Mon cher Moradour,

Nous devons nous absenter.

Acceptes-tu d’être abandonné

Quelques jours ? »

Joseph ne s’émut pas et répondit :

-« Très bien. Je vous attendrai ici.

Je vous l’ai déjà dit :

Pas de gêne entre amis.

Je ne me formalise pas, bien au contraire.

Allez tranquillement régler vos affaires. »

Les Méroul partirent. Mouradour

Attendit leur retour.


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