Il y a des leçons qui ne peuvent être oubliées. Elles sont ancrées en nous tels des tatouages du cœur et de l’esprit.
Il est souvent difficile de remonter en selle lorsque nous sommes tombés de cheval. Cela m’est arrivé lorsque j’étais jeune et j’en garde une leçon qui me servira toute ma vie. Mon père voulait me faire connaître l’équitation et malgré mon jeune âge (j’avais à peine 7 ans), il m’installa sur une vieille bourrique de jument dotée d’un calme plat!
Pourtant, la vieille jument ce jour-là, se sentie rajeunir sous mon poids plume d’enfant, se mit à galoper vraiment très rapidement. Papa me criait de tirer sur les rênes, mais j’avais beau tirer, je n’avais pas la force nécessaire pour donner à ma monture un seul indice que je voulais qu’elle ralentisse le pas. Du coup j’ai pris peur et je me suis lancée sur le côté, dans le vide et j’ai atterri au sol avec le menton!
La jument qui s’était encore plus affolée devant mes cris et mes pleurs d’enfant était déjà bien loin et ce sont les gens œuvrant sur le ranch qui l’ont rattrapée sans aucune difficulté, je dois bien l’avouer. Mon père accouru vers moi qui souhaitait qu’on sèche mes larmes et qu’on m’entoure de bras solides pour me réconforter. Il n’en fut rien.
Ne jamais abandonner
C’est d’un « Alors? Tu recommences? » qu’il me souleva de terre tout en tapotant sur mes pantalons qui, au second choc de la chute, avaient mordu la poussière. Au début, je croyais bien qu’il blaguait, mais j’ai vite compris qu’il n’en était rien. Mon papa était sérieux. Il voulait me faire remonter en selle.
Il m’expliqua, devant mon refus instantané, que si je ne remontais pas immédiatement, jamais je ne le ferais parce que la peur s’emparerait de moi. J’aimais mon père par-dessus tout et je ne voulais que lui plaire. Du haut de mes 7 ans à peine, j’ai décidé de le rendre fier. Je me foutais bien de ce qu’il me disait en fait… l’important est que je voyais bien qu’il croyait vraiment en ses propos et ce n’est pas moi qui allais le décevoir.
La seconde fois où j’ai monté à cheval, c’était avec lui. Il me prit comme passagère sur sa monture fougueuse et me demanda de l’aider à tenir les rênes. Je m’appliquais à rendre mon père fier sans me rendre compte que, dans le fond, c’était lui qui dirigeait la bête.
Depuis ce jour, je suis tombée de cheval plusieurs fois et j’ai remonté en selle aussitôt de façon métaphorique bien entendu. Je n’ai jamais véritablement refait d’équitation depuis mes 7 ans. Mais j’ai « galopé » vers mes objectifs en tenant bien fermement les rênes dans mes mains. Et si par malheur je les échappais, que le galop était trop rapide ou que je tombais, j’essuyais mes larmes, je me secouais un peu et je me remettais en selle.
Mon père ne m’a pas donné énormément de leçons dans ma vie, puisqu’il était absent de ma vie. Il est décédé lorsque j’avais à peine dix-huit ans, un âge où des leçons j’en aurais bien pris davantage! Mais la leçon d’équitation qu’il me donna ce jour-là fut la plus belle leçon reçue de toute ma vie.
Grâce à elle, je peux voyager de rêve en rêve, en faire des objectifs concrets, les poursuivre et les atteindre. Et si, dans mon voyage, il m’arrive de me casser la gueule, j’imagine mon père qui me dit : « Alors? Tu recommences? » et c’est de là que me viennent tous mes élans.
Josée Durocher
Billets et portraits
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