Salomone Rossi : la musique à Mantoue à la fin de la Renaissance

Par Artetvia

Ecoutez cet extrait :

En quelle langue est chantée cette belle pièce ?

C’est de l’hébreu ! Les chanteurs interprètent le psaume 137 Al Naharot Bavel autrement dit Super flumina Babylonis ou… By the river of Babylon. Ce petit bijou a été écrit par Salomone Rossi.

Hé oui, Salomone Rossi, compositeur lombard de la Renaissance, est juif. Et chose plus remarquable encore, il a écrit une partie de ses œuvres en hébreu.

Il est né en 1570 à Mantoue, d’une très vieille famille de la péninsule italienne. Mantoue accueillait alors une forte communauté juive (plus de 2 000 membres, 9 synagogues) qui s’épanouissait tranquillement, fait plutôt rare, dans le quartier qui leur était réservé. Très jeune, il a appris le violon ; ses talents furent rapidement remarqués par la cour ducale qui résidait dans le palais où un siècle avant, Mantegna a peint la fameuse Chambre des époux que tout le monde connait. En 1587, il est engagé comme musicien et chanteur par Vincent Ier (Vincenzo) de Gonzague, duc de Mantoue. Les contrats retrouvés montrent qu’il a d’abord été embauché comme choriste, puis comme violiste et enfin comme compositeur. Ayant les faveurs de la cour, il passa toute sa carrière à Mantoue et les dernières informations que l’on ait sur lui datent de 1628. On sait peu de choses sur sa mort qui survint sans doute vers 1630, de la main armée de la soldatesque autrichienne envahissant la ville, ou bien de la peste concomitante.

La renommée de Rossi est notamment due à ses compositions en hébreu, cas quasi unique à cette époque, le chant synagogal n’épousant pas les formes musicales alors en vogue. Il appartenait à un courant minoritaire qui prônait l’introduction de la musique occidentale (mesurée, polyphonique et accompagnée par des instruments) dans les synagogues. Très révolutionnaire en cela, son œuvre a suscité la perplexité ou le rejet de bon nombre de ses coreligionnaires à tel point que les offices étaient interrompus par les clameurs des opposants. Il faut d’ailleurs savoir que ses pièces synagogales n’ont été à nouveau publiées qu’en 1876. L’impression de sa musique a d’ailleurs posé problème, vu que l’hébreu s’écrit de droite à gauche… Les quelques 35 pièces sacrées s’appuient sur des textes tirés de l’écriture – de l’Ancien Testament (sans blague) – ou de compositions religieuses personnelles, harmonisées pour 3 à 8 voix. Le style est plutôt sage, les harmonies classiques dans le monde catholique de son temps. Le texte est aisément audible et l’accompagnement instrumental léger (luth, cornet à bouquin, flûte…). Et pourtant, dans sa communauté – qu’il ne reniait pas du tout d’ailleurs – Rossi a été un grand incompris.

Ces œuvres sacrées forment un peu l’arbre qui cache la forêt : Salomone Rossi a en effet écrit plus de 150 pièces profanes, très riches musicalement et parfois d’une grande virtuosité. De son vivant, Rossi était très connu pour son jeu de violon, particulièrement brillant ; il est le premier compositeur à écrire des sonates en trio, forme qui sera souvent reprise par la suite, notamment en Italie. Il a aussi écrit quantité de madrigaux, canzonette et autres gaillardes ainsi qu’un drame musical « Maddalena », malheureusement disparu. Le style de Rossi est caractéristique de son époque : de la même génération que Monteverdi, il est à la charnière entre la musique de la toute fin de la Renaissance et le début de la période baroque.

Quelques autres extraits de son œuvre :

Superbe n’est-ce pas ?

Une danse typique de la (fin de la) Renaissance.

Un autre exemple de musique de cour très en vogue au tout début du XVIIe siècle.