Je suis là, face à ma feuille blanche de 224 mg, mon taille crayon en action. La mine taillée, serrée dans mes doigts, ma main droite pose et enchaîne les traits. Au fil du temps, se dessine un premier plan puis un second. Je souris à chaque coup donné. Je lâche mon crayon et je prends ma gomme pour effacer un trait dépassant. Bêtement, je souris, car le décor qui m’entoure pourrait prêter à sourire. Assis sur la marche d’un escalier parisien, je suis dans ma bulle. De toute façon, les gens passent sans me voir, alors je continue dans mon monde.
Les traits forment un dessin, mon dessin, ma caricature personnelle raisonne à la pointe de ma liberté d’expression.Les gens passent sans se soucier de ma présence.
Soudain, un jeune ado, la casquette en arrière, regarde mon oeuvre par dessus ma tête et me dit :
« Wesh, Monsieur ! C’est trop beau ! Vous avez du talent !
- Merci jeune homme, répondis-je, souriant, flatté d’être sorti de mes rêves par ce compliment.
- Wesh, c’est pas un dessin de bouffon, me dit-il en riant. »
J’éclate de rire, suivi d’un fou rire incontrôlable. Mes yeux pleurent de larmes rieuses. Le jeune me regarde sans un mot, un sourire gêné aux lèvres.
« Ca va, monsieur ? Pourquoi vous rigolez comme ça ?
- Tu sais petit, si je montrais mon dessin à quiconque, ils ne comprendraient pas, et je serais un bouffon.
- Ben, moi je comprends, M’sieur. C’est un mélange de personnes qui se tiennent la main dans une rue. Vous croyez, M’sieur que l’individualité a comme ami la solidarité ?
- Mon petit, je peux te dire que le respect s’applique déjà à soi, pour être donné à l’autre.
- C’est sûr ça, M’sieur. D’un coup de crayon, ça a donné le sourire au dessin.
- C’est joliment dit, mais ça pourrait emmener la colère à certains regards. Comment t’appelles-tu, mon garçon ?
- Charlie, M’sieur, me répond-t-il en partant ! »
Ma première escale