C'est de nouveau le moment de mon billet dans la Revue Médicale Suisse. Alors comme d'habitude un extrait et le lien. Cette fois, je vous y parle d'un voyage récent en Afrique de l'est. Évidemment, je ne m'imaginais pas quand je l'ai envoyé à quel point la planète entière allait discuter ces temps de différences culturelles. Un sujet dont on reparlera certainement sous d'autres angles, donc. Mais pour commencer, on revient à l'éthique médicale:
"Tant que l’on n’a que le strict nécessaire, et encore, les difficultés associées aux limites de la médecine revêtent un autre visage. Lorsque l’on a, on fait ; lorsque l’on n’a pas, on se bat pour avoir et parfois on pleure. L’éthique médicale est celle de la pénurie. Elle porte sur nos devoirs envers les personnes malades alors que l’on ne peut pas faire tout ce que l’on devrait.
Voilà qu’un beau jour arrive une technologie qui parfois sauve la vie et parfois la prolonge au-delà du supportable ; portant comme en elle-même la nécessité de savoir l’éteindre lorsque que l’on sait l’allumer. L’éthique n’est pas un mode d’emploi comme un autre. Les modes d’emploi ordinaires portent sur l’usage de l’appareil, partout. L’éthique, elle, porte sur le bon usage d’une technologie une fois déployée dans un contexte particulier. «Que veulent vos patients lorsqu’ils vont mourir, et comment vos hôpitaux aident-ils ou empêchent-ils cela ?» leur avons-nous demandé. Pays après pays, les professionnels de la santé se focalisent sur les interventions, les patients sur la trame biographique de leur fin de vie, l’identité qu’ils laisseront après eux. Les considérations des patients ne sont cependant pas identiques partout. Comment déployer cette technologie ici afin qu’elle soutienne les besoins des personnes et ne les entrave pas ? L’éthique comme mode d’emploi du déploiement, plutôt que de la technologie considérée «hors sol».
En médecine, ce sont nos patients qui finissent par nous apprendre cela. La leçon de nos collègues fut particulièrement rude car c’est une personne de leur équipe qui fut victime d’une hémorragie cérébrale massive durant la semaine de notre cours. «Dans notre culture, il n’y a pas le concept de la mort cérébrale…». Dans la nôtre non plus, avant que la possibilité de maintenir la circulation après la mort du cerveau ne le rende pertinent. La semaine s’est ouverte autour d’une salle de séminaire et s’est close autour d’un tombeau. C’était comme si l’on entendait une page se tourner."