Un chercheur américain a voulu aller plus loin dans l’analyse des usages de PowerPoint. Il a essayé de comprendre, grâce aux réseaux sociaux, quels contenus et composition de diapositives séduisaient le plus.
“Death by bullet point” (“mort par puce”). L’expression peut paraître exagérée, elle n’en traduit pas moins un mal de l’entreprise et de l’université : l’avalanche de listes non-exhaustives, de fragments averbaux, de mots isolés et de concepts creux. Selon beaucoup, la cause de tous ces maux s’appellerait PowerPoint. Le logiciel inciterait à ces "bullet points" infinis. Mais cela marche t-il vraiment ? Quel est le plus efficace sur une diapositive ? Ce sont quelques unes des interrogations qui ont motivé les recherches du professeur Nathan Garrett de la Woodbury Univeristy près de Los Angeles. Le spécialiste des technologies au travail a analysé en détail la composition et l’impact sur les réseaux sociaux de quelque 166 diaporamas. Il a voulu aller au-delà des études sur l’efficacité ou la perception de PowerPoint. Plusieurs enquêtes avaient en effet souligné à quel point le logiciel n’avait que peu d’impact sur l’apprentissage mais qu’il était très prisé des étudiants. Ceux-ci y voyaient un moyen de rendre les présentations plus interactives et plus claires selon un sondage de 2006. Nathan Garrett a poussé plus loin l’analyse de ce qui séduit véritablement ou ce qui rebute face à la lecture d’un slide. Ses conclusions sont plutôt surprenantes.
La concision ne séduit plus...
On s’attendrait à ce que les phrases courtes et les illustrations simples figurent en tête des contenus à privilégier pour toucher plus vite et plus efficacement un public. Or l’étude de Nathan Garrett tend à montrer l’inverse. Les présentations les plus partagées sur les réseaux sociaux sont ainsi celles qui affichent peu d’images. Mais ce sont également celles qui utilisent les images les plus complexes et avec une meilleure résolution. Cette méthode de comparaison des partages avec le nombre et la qualité des illustrations, le chercheur l’a ensuite appliquée au nombre de mots et à la longueur des phrases. Là encore le constat est assez surprenant puisque “cela indique que les pages avec le plus d’écrits syntaxiquement élaborés sont les plus partagées” explique Nathan Garrett dans son article. Les listes, les phrases courtes sans verbe, les mots isolés seraient donc à proscrire sur une présentation PowerPoint si l’on en croit l’étude. De quoi interroger professionnels et universitaires.
… L’éloge de la longueur
“Aujourd’hui, regarder une présentation en entreprise sans présentation PowerPoint c’est un peu comme regarder un film sans le son.” insistaient ainsi les chercheurs anglais David G. Levasseur & J. Kanan Sawyer. Ils soulignaient par là à quel point le logiciel est devenu un incontournable du monde du travail mais aussi de l’université. Tant et si bien que les résultats du professeur Garrett ne peuvent qu’interroger un milieu dans lequel on promeut régulièrement simplicité et efficacité notamment via les "bullet points". Or, ces derniers ne séduisent pas les internautes, loin de là selon l’étude. En fait cela confirme une tendance récente du net qui se tourne de plus en plus vers la complexité et les phrases longues. En témoigne le succès du “long-form journalism” tel que le pratiquent les sites du New York Times ou d’Aeon magazine par exemple, privilégiant les articles longs et fouillés aux brèves composées de phrases courtes. À l’instar d’autres domaines – de la smart city au luxe en passant par les wearables – qui privilégient le long-terme au court terme, le monde du travail devrait donc peut-être, qui sait, lui aussi retrouver la saveur de la complexité et de la longueur, et appliquer ce concept aux présentations PowerPoint.