Non, la caricature n’est pas une insulte. Non, le blasphème n’est pas un meurtre. Non, la critique acerbe n’est pas une entrave à l’agora. Soyons clairs. Comme toutes les libertés fondamentales, la liberté d’expression, avec son corollaire la dérision, doit être défendue jusqu’au bout, à condition qu’elle respecte le cadre des lois. Et les lois en question, qui heureusement existent, encadrent l’esprit républicain, la laïcité, l’autonomie de conscience, et protège tous les citoyens des dérives d’incitation à la haine: racisme, antisémitisme, dénonciation calomnieuse, vie privée, etc.
Ne nous étonnons pas que le Front national, Zemmour ou le sinistre Dieudonné réclament à cor et à cri l’abrogation de la loi Gayssot de 1990, qui frappe de sanctions pénales les paroles xénophobes et châtie toute contestation de l’existence des crimes contre l’humanité, donc le génocide des juifs par les nazis. Prenons garde. Il y aurait une façon aveuglée de s’extasier d’une union nationale imaginaire, surtout soumise à l’ordre social. Ce serait le plus sûr moyen de laisser échapper l’histoire dans sa réalité brutale, qui s’annonce encore difficile, très difficile même. Cette réalité appelle au contraire la subversion radicale par le combat d’idées. En refaisant de la politique. Pour de bon.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 15 janvier 2015.]