Troisième long-métrage pour Jean-Paul Rouve, qui adapte, avec l'aide de son auteur lui-même, le roman Les Souvenirs. Avec son casting idéal, le film, sorte de comédie douce-amère sur le temps qui passe, séduit par son humilité et le grand sens du réalisme dont il fait preuve.
Alors qu'il avait lui-même réalisé - avec l'aide de son frère Stéphane - l'adaptation cinématographique de l'un de ses romans à succès, La Délicatesse, le jeune auteur multi-récompensé David Foenkinos a préféré confier cette fois la mise en scène de Les Souvenirs à Jean-Paul Rouve. Il a néanmoins supervisé son scénario, tout en laissant une marge de liberté à son complice/humoriste pour qu'il puisse apporter à l'histoire sa propre touche et se l'approprier. Car Les Souvenirs est bel et bien un film de l'ex Robin Des Bois, et l'on y trouve - malgré un sujet relativement dramatique - la légèreté qui caractérise le comédien.
Une touche humoristique bienvenue tant Les Souvenirs s'avère parfois franchement déprimant voire glauque. Car l'une des qualités du film est de faire preuve de beaucoup de réalisme dans les situations que le metteur en scène parvient à retranscrire avec pas mal de finesse (au détour d'un cadre ou d'une image au pouvoir évocateur indéniable, et dans un travail remarquable et pertinent sur les décors et la photographie). En revanche, l'histoire demeure convenue, et aussi touchante soit-elle, pourra parfois manquer de substance ou d'un fil conducteur mieux défini.
Ce que l'on retient avant tout, plus que les personnages en eux-mêmes, ce sont les formidables acteurs qui les font vivre avec beaucoup de naturel. Chaque interprète est à sa place, des plus expérimentés aux jeunes recrues. Doté d'un casting provenant presqu'exclusivement de la comédie, il s'agit sans aucun doute de la meilleure raison d'aller voir ce film. On ne présente plus Michel Blanc et Chantal Lauby, fidèles à eux-mêmes, Annie Cordy est troublante de naturel, Jean-Paul Rouve est génial dans le petit rôle qu'il s'est accordé. Mais il faut surtout saluer la jeune génération, Flore Bonaventura est une belle idée de casting, William Lebghil est monstrueux de drôlerie (quand est-ce que l'on se rendra compte du potentiel de ce gars !) et Mathieu Spinosi délivre une excellente performance dans un rôle tellement en décalage avec son époque qu'il aurait pu très rapidement manquer de réalisme. Il n'en est heureusement rien, d'autant que Jean-Paul Rouve a le bon goût d'essayer de casser l'image trop lisse de ce jeune personnage en essayant de le faire agir de manière crédible. Preuve en est cette jolie séquence dans laquelle, grâce au montage, l'on voit en parallèle le père et le fils accoudés à un bar, tentant tous deux vainement d'échapper un instant à leurs petits tracas quotidiens en se prenant volontairement une cuite, tandis que la voix d'Eddy Mitchell résonne derrière, comme si pour la première fois, ce gentil garçon dévoilait ses failles.
Jamais trop dans le pathos, jamais dans la surenchère comique, bourré de belles trouvailles (les tableaux, la station service, le coloc'), Les Souvenirs est juste un beau projet, très humble, et d'une réjouissante sincérité.
Titre original
Les Souvenirs
Mise en scène
Jean-Paul Rouve
Date de sortie
14/01/15 avec UGC
Scénario
David Foenkinos & Jean-Paul Rouve
Distribution
Mathieu Spinosi, Michel Blanc, Annie Cordy, Chantal Lauby é Flore Bonaventura
Photographie
Christophe Offenstein
Musique
Alexis Rault
Support & durée
35 mm/96 minutes
Synopsis : Romain a 23 ans. Il aimerait être écrivain mais, pour l'instant, il est veilleur de nuit dans un hôtel. Son père a 62 ans. Il part à la retraite et fait semblant de s'en foutre. Son colocataire a 24 ans. Il ne pense qu'à une chose : séduire une fille, n'importe laquelle et par tous les moyens. Sa grand-mère a 85 ans. Elle se retrouve en maison de retraite et se demande ce qu'elle fait avec tous ces vieux.
Un jour son père débarque en catastrophe. Sa grand-mère a disparu. Elle s'est évadée en quelque sorte. Romain part à sa recherche, quelque part dans ses souvenirs…