Le pitch : Chaque matin, Monsieur part pêcher au large des côtes bretonnes. Mais ce jour-là, c’est lui qui est pêché par un effrayant bateau-usine. Pendant ce temps, Madame attend. Sourde aux complaintes des bigoudènes, convaincue que son homme est en vie, elle part à sa recherche. C’est le début d’un périlleux chassé-croisé, sur un océan dans tous ses états. Une histoire muette avec moult mouettes.
Wilfrid Lupano est sans doute l’un des scénaristes en vue actuellement, particulièrement remarqué pour sa dernière série Les vieux fourneaux avec ses dialogues qui en font tout l’attrait, il est donc surprenant de le retrouver avec un récit totalement muet. Le scénario est pourtant particulièrement intéressant, sous une apparence de simplicité, il n’en délivre pas moins des messages percutants. Le fil conducteur étant la séparation de notre petit marin et de sa grande bigoudène, et des moyens mis en œuvre par chacun pour se retrouver. L’alternance des séquences concernant soit l’un soit l’autre donne tout le rythme du récit. On trouve d’un coté notre marin empêtré dans les filets d’un énorme bateau, voguant à la dérive sur fond de dégradation écologique, et de l’autre, le vague à l’âme d’une femme s’imaginant déjà veuve et l’angoisse de devoir se frotter à un monde inconnu pour retrouver le cher petit être aimé. Dans cette œuvre pleine de rebondissements, le fond est aussi riche que la forme ! On trouve plusieurs références au folklore breton, et surtout un extraordinaire clin d’œil à la mouette de Gaston, qui ravira tout amateur de l’œuvre de Franquin. C’est au point du vue du scénario, une vraie réussite, on navigue du début à la fin de récit avec une rare fluidité, au point d’oublier qu’il s’agit d’un récit muet, et qu’il s’agit d’un vrai tour de force.
Graphiquement, je ne pouvais espérer mieux pour ce récit ! Grégory Panaccione réalise un travail de cadrage et de découpage des cases qui permettent la fluidité du récit. S’agissant d’une bande dessinée muette, la narration repose énormément sur les expressions des personnages, là encore c’est bluffant ! Les couleurs sont magnifiques, notamment celles du crépuscule qui plongent cette œuvre dans une sorte de poésie.
Une vrai réussite pour ce duo d’auteurs, qui propose ici, une œuvre, presqu’un conte, burlesque touchant et poétique. Sa sélection dans le prix du public d’Angoulême, il me semble une première pour une œuvre muette, montre bien toute la réussite d’un Océan d’amour…