cartes postales d'Italie ?

Publié le 14 janvier 2015 par Dubruel

Elle pimentait tant sa tendresse

Que je la rencontrais sans cesse

Avec la même joie

Sans voir passer les mois.

Un soir, à mon arrivée, elle pleurait.

Je lui demandai ce qui la torturait

" Je suis...je suis enceinte, chéri. "

Oh ! Qu'elle sanglotait sur le lit !

J'eus une grimace abominable

Comme on fait à des annonces semblables.

Toutefois, je bégayais :

-" Mais...mais ...tu es mariée... "

-" Oui, mais depuis six mois, mon mari

Effectue en Italie

Une mission de longue durée. "

-" Tu dois le rejoindre sans tarder. "

Elle rougit : " Oui...mais..."

Je comprenais

Et lui donnais suffisamment

D'argent

Pour payer son voyage.

Trois jours après, je recevais un message.

Elle était bien arrivée.

La semaine suivante, je recevais

Une missive de Gênes.

Elle avait visité une belle arène.

Le temps passa.

De Florence, elle m'adressa

Une lettre fort délicate.

Puis enfin de Rome, deux cartes

Dans l'une : ''Ton amoureuse

Va bien, mais elle est affreuse ! ''

Dans l'autre : ''Mon cher amour,

Saches que je t'aime pour toujours.

Mon mari ne s'est douté de rien.

Je reviens

En France

Juste après ma délivrance.''

Puis enfin, elle m'envoya sans façon

Ce simple mot : ''C'est un garçon ! ''

Peu de temps après,

Au Ministère,

Elle débarquait dans mon cabinet.

Et nos amours se ranimèrent.

Mais sans arrêt elle me parlait de son fils :

''Veux-tu venir voir Barnabé aujourd'hui ?''

Or un jour, mon frère m'apporta

Une lettre anonyme :

''Alertez votre frère, le comte Jean de Bréda :

La femme de la rue des Minimes

Se moque de lui effrontément.

Qu'il prenne des renseignements.''

Je contai toute l'histoire

À mon frère et lui déclarai :

" Je ne veux plus la voir,

Jamais ! "

Mon frère s'est rendu à son domicile.

Faire jaser une concierge est facile :

-" Oh ! Une brave femme, Jeanne Mulière ;

Des gens pas riches, pas fiers. "

-" Quel âge a son bébé maintenant ? "

-" ...Mais, elle n'a pas d'enfant. "

-" Comment ? Et, Barnabé ? "

-" Non, vous vous trompez. "

-" Celui qu'elle a eu en Italie... "

-" Elle n'a jamais été en Italie.

D'ailleurs, elle ne s'est jamais absentée. "

Qu'avait-elle raconté ?

Je ne comprenais rien à cette histoire.

-" Fais-la venir demain soir

Ici même au Ministère. "

Dis-je à mon frère.

" Tu recevras cette rouée.

Si elle m'a joué,

Tu lui remettras cette somme. Veux-tu ?

Et que je ne la revois plus. "

Le lendemain, mon frère la reçut à midi :

-" Vous n'avez pas d'enfant, vous avez menti. "

Prise de stupeur, elle répondit :

-" Non, je n'ai pas de petit ;

Non, je n'ai jamais voyagé "

-" Le Ministre, mon frère, m'a chargé

De vous remettre ceci

Et de vous dire que tout est fini. "

Elle empocha l'argent

Et demanda naïvement,

Sans aucune honte :

-" Je ne reverrai donc plus le comte ? "

-" Non, madame. "

Elle ajouta alors d'un ton calme :

-" Je l'aimais bien, M. de Bréda. Je m'excuse. "

-" Pourquoi avez-vous inventé cette ruse

Du voyage et de l'enfant ? "

-" Comment aurais-je pu autrement

Retenir pendant trois ans

Un ministre, un comte, un riche ? Tant pis.

C'est fini. "

-" Mais...vous avez un...petit ? "

-" C'est celui de ma sœur. Je l'aurais montré si..."

-" Hum !... et toutes vos lettres d'Italie ? "

En riant, elle répondit :

-" J'ai connu ici au Ministère

Des Affaires Étrangères

Une employée du courrier diplomatique.

Je l'ai payée... C'était pratique ! "

Elle salua et sortit

En actrice dont le rôle est fini.

Le comte déclara :

" Fiez-vous donc à ces oiseaux-là ! "