Tout le monde le sait, le voit, le ressent dans sa vie de tous les
jours. Le pognon a pignon sur rue et y'en a qui s'en foutent plein
les pognes sur le dos des autres, ces autres qui se retrouvent sur la
paille sans avoir le temps de dire bye bye. Pas une radio, pas une
télé ne s'allume sans que le mot « économie » ne
soit prononcé, sans que la dette ne pèse un peu plus sur nos
épaules, sans que la crise ne se rappelle à nous sous de multiples
fards. Et pendant ce temps, il y a les paradis fiscaux, les
parachutes dorés, les courses au profits, les "Gatazeries"
dont on aimerait qu'elles ne soient que des plaisanteries issues
d'une fiction improbable, ou même les petites phrases d'un jour qui
soufflent de navrantes et peu glorieuses polémiques, l'une chassant
l'autre avant de retomber dans l'oubli.
Alors plutôt que de sombrer dans la morosité la plus totale,
Pothier et Chauzy ont décidé de recontextualiser les travers de
certains nantis, de venger leurs victimes en leur faisant croiser la
route de Thomas Revanche. Revanche a une double-casquette. Le jour il
est l'assistant de la présidente du MODEF, l'organisme des
entreprises de France, et la nuit, il se transforme en redresseur de
torts. Revanche n'y va pas par quatre chemins, il fonce dans le lard
sans oublier les gros lards, répare les injustices. En échange de
son aide, chaque personne secourue lui doit un service, toujours
utilisé pour redresser les abus qu'on ne manque pas de lui faire
remonter.
Les conditions de travail, le harcèlement moral, la mysoginie, les
parachutes dorés, l'exploitation
commerciale, ce sont là quelques
uns des aspects abordés dans cette bande dessinée. Pothier et
Chauzy auraient pu en tirer un album noir, un album très noir pour
peu qu'on prenne en compte toutes les réalités tragiques dont notre
époque se fait l'écho. Cela aurait bien entendu pu être brillant.
Mais pour évoquer ces fléaux contemporains, ils ont préféré
adopté une tonalité à dominante comique. Oui, vous allez bien rire
en parcourant cette bande dessinée. Rire, parce que la caricature
est savoureuse. Si le trait des pleins de fric hypocrites et bouffis
de suffisance est on ne peut plus appuyé, au point de les rendre
tous plus pathétiques les uns que les autres, la revanche de
Revanche est toujours jubilatoire ! On la reçoit avec un
plaisir non coupable comme on savoure une friandise aux accents
Proustiens. On se met à la place du justicier, on envoie paître les
convenances, on laisse libre court à nos épanchements les plus
primaires, et on y va de nos taloches et autres coups de crosse au
système. Ça fait du bien... Si,si, si... ça fait du bien. C'est un peu comme si
vous vous laissiez partir dans une bulle, imaginaire bien-sûr, dans
laquelle... dans laquelle, bon vous m'avez très bien compris, il
s'agit de ce que vous pourriez faire au voisin du dessus qui donne dans la boîte nuit parallèle, à votre patron ou
même à ce collègue de travail, ce boulet qui a su faire fructifier
sa connerie comme personne (entre parenthèses, Revanche de manque
pas de collègues de cet acabit au MODEF, c'est du gratiné,
croyez-moi !)
Pour conclure, ce n'est pas pour rien si, au début du deuxième
tome, Raison sociale, Revanche apparaît en costume de Superman. La
vision allégorique est là, tendant à démontrer que le poids des
injustices à atteint un poids tel que les super-pouvoirs deviennent
indispensables pour les éradiquer. J'allais dire pour les éradiquer
tous, mais bon... il faut savoir raison garder. Pour continuer sur
cette ligne du super-héros tel que nous la concevons aujourd'hui,
Revanche a ses moments de doute, relatifs au caractère vain de sa
mission. Cette approche rend sa démarche d'autant plus authentique.
A l'image de celle de ses créateurs, Pothier et Chauzy, orfèvres du
tragi-comique d'intérêt public !
Revanche, tome 1 : société anonyme, de Pothier & Chauzy, Glénat (Treize étrange), 2012, 48 p.
Revanche, tome 2 : raison sociale, de Pothier & Chauzy, Glénat (Treize étrange), 2013, 48 p.