{Nicolas}
Punk Rock Jesus
Origine : Etats-Unis
Auteur & dessinateur : Sean Murphy
Genre : Anticipation
Nombre de pages : 252
Date de sortie : 20 septembre 2013
Editeur : Urban Comics
Prix : 19€
Pitch :
2019, la société OPHIS (sorte d’ENDEMOL du futur) lance J2, un nouveau programme de télé-réalité filmant la vie de Jésus Christ. Recréé génétiquement à partir des traces ADN du suaire de Turin, le clone du Messie, prénommé Chris, naît et grandit sous les yeux d’une Amérique qui croit en une troisième venue du Christ. Quelques années plus tard, l’expérience est un échec lorsque l’adolescent entre en révolte et rejoint la rébellion d’une autre Amérique.
La Critique :
Avant toute chose, je dois avouer que je n’ai pas une culture comics über développée. Vous pouvez me lyncher, mais je n’ai vu que quelques adaptations de comics (au cinéma quand j’étais petit avec Batman de Tim Burton, à la télévision avec Batman, le Défi, Superman 1, la série Flash). Ce n’est que récemment que je m’y suis mis avec l’adaptation du roman graphique Sin City l’année de sa sortie, Watchmen, The Dark Knight et l’an dernier Hellboy 1 & 2 et quelques Marvel. Autant dire qu’on peut parler de néophyte. Aussi, quand je suis tombé sur Punk Rock Jesus, j’ai été tout de suite attiré par son pitch novateur.
Pour ma première incursion dans le genre, j’ai choisi un auteur qui monte. Sean Murphy a contribué à la série Batman/Scarecrowpour DC Comics, puis à American Vampire (American Vampire Legacy tome 1),Hellblazer(Hellblazer – Mauvais Sang) et Joe, l’Aventure Intérieure pour Vertigo. Il est également auteur de Off Road. Il est reconnu pour son trait précis et détaillé. Chaque bulle est à regarder dans les détails. Son écriture est également cinématographique, ce qu’on ressent dans la fluidité des mouvements. Punk Rock Jesus est d’ailleurs sec, nerveux, rapide, comme si elle avait été écrite pour répondre à une urgence de son auteur. C’est d’ailleurs l’œuvre la plus personnelle de Murphy, elle fait suite à son cheminement religieux, lui qui, croyant, est devenu profondément athée en 2003. Ce basculement, on le retrouve dans celui de Chris (le clone du Christ), personnage principal, lui qui est nourri à la musique religieuse et aux récits bibliques durant son enfance, opte pour des écrits scientifiques et la musique punk à l’adolescence, jusqu’à se retourner contre tous ceux qui l’ont adulé pendant toutes ses années. Ce revirement, on le note aussi dans les autres personnages, notamment Thomas McKell, ancien de l’IRA passé dans les forces spéciales avant de devenir chef de la sécurité de la société de production OPHIS puis ange gardien de Chris lorsque ce dernier entre en rébellion. Punk Rock Jesusrefuse tout manichéisme en conférant aux personnages cette capacité de changement, ainsi qu’une profonde richesse de caractère. Ici, pas de supervillain, juste Rick Slate, un producteur de télévision, parfait salopard avide d’audimat et extrêmement cynique, ainsi que des hordes de fanatiques religieux armés jusqu’aux dents, outrés, en premier lieu, de l’existence d’un tel programme de télévision puis, dans un deuxième temps, du revirement « blasphématoire » de Chris. Face à eux, un casting riche en gueules : Chris, un clone de Jésus devenu leader d’un groupe de punk et prophète anarchiste ; Thomas, enfant de l’IRA devenu chef de la sécurité, taciturne, brute au grand cœur ; Gwen Fairling, jeune vierge qui enfante Chris, mère courage poussée à sa perte par Slate et Sarah Epstein, généticienne de renom qui recrée le clone du Christ et devient la confidente de Gwen et une protectrice pour son enfant. Tous ces personnages sont approfondis, détaillés comme le trait de Sean Murphy.
Dans Punk Rock Jesus, rien n’est gratuit, de sa radicalité au découpage de son récit, en 6 chapitres, illustrés à chaque fois par une chanson qui reflète l’atmosphère mise en place. Et cette « BO », Murphy l’a voulue très rock n’ roll, du punk Irlandais de StiffLittleFingers au shock rock de Marilyn Manson. Le choix des six chansons, l’auteur l’explique en annexe. Des annexes très sympas où on trouve aussi les couvertures alternatives ou encore des cartes promotionnelles expliquant chaque personnage.
Radical et documenté, souvent violent mais jamais gratuitement, Punk Rock Jesus est aussi intelligent dans son propos comme dans sa volonté de questionner les lecteurs. Fruit d’une réflexion sur l’Amérique, sa culture, sa manière d’aborder la religion, Punk Rock Jesusest un pavé lancé à la figure de la société des médias et des fanatiques de tout bord. On reste accroc et on la dévore assez rapidement, mais au final on se prend une claque magistrale et on ne ressort pas indemne. Sean Murphy prouve là qu’il a tout d’un grand en devenir.
Je dédie cet article aux victimes des attentats de la semaine dernière.
@Nicolas