Chronique Silas Corey T3
Le dandy est de retour
Scénario de Fabien Nury, dessin de Pierre Alary,
Public conseillé : Ado/Adultes; Style : Espionnage
Paru chez Glénat, le 14 janvier 2015, 64 pages couleurs, 14.95 euros
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L’histoire
Paris, 11 novembre 1918. Alors que la France célèbre l’armistice, un homme est poignardé, au milieu de la liesse générale, place de l’Opéra. Avant de s’éteindre, il se traîne jusqu’au domicile du détective Silas Corey. Nam, son fidèle assistant s’en va alors avertir son “maître”. Il le retrouve après trois jours de débauche dans l’hôtel de passe “Le Chabanais”.
Après une explication musclée autour d’une table de poker, Silas revient pour prendre en main l’enquête. Il s’agit d’Albert Percochet, un excellent détective, chez qui il se rend pour en savoir plus. Accueilli sous la menace d’une arme par Maître Albertini, avocat à la cour, il apprend que l’ex détective travaillait, par cet intermédiaire, pour Mme Zarkoff, sa plus vieille ennemie (voir “Silas Corey”- Le réseau Aquila T1 et T2). Puisque Percochet est mort, Silas s’auto-proclame remplaçant !
Ce que j’en pense
Chouette, chouette, chouette, Silas Revient !
Après un premier diptyque très apprécié du public (50.000 exemplaires vendus) et des critiques (prix de la BD Fnac Belgique 2014), Fabien Nury et Pierre Alary nous offrent un second cycle que j’espérais.
Dès le premier tome de la série, j’avais été impressionné par l’intrigue cuisinée aux petits oignons, par un Nury en très grande forme. Entre le contexte historique documenté (la première guerre mondiale, vu du côté des services secrets français et des vendeurs d’armes) et la personnalité aussi attachante que puante du “héros”, ils inauguraient une série de grande classe.
Ce second cycle (« Le testament Zarkoff”) n’en est pas moins bon. Situé quelques années après, (l’Armistice), Fabien Nury situe sa nouvelle intrigue dans la montée du communisme en Allemagne. Ce contexte, fruit de conflits dramatiques évidents et terribles, sert d’écrin à une enquête musclée, comme savent si bien nous faire vivre Nury et Alary.
Comme un bon feuilletoniste, Fabien Nury reprend les personnages clés des précédentes aventures. “La méchante” Mme Zarkoff réapparaît donc (en contre-emploit), sans oublier son amour de jeunesse, Marthe Richer.
Jouant aussi bien sur l’histoire personnelle de Silas, que sur la Grande Histoire, il construit un album en trois actes, particulièrement dense et mouvementé.
ATTENTION SPOILER – Après avoir exposé le conflit initial (Mme Zarkoff va mourir et elle cherche son fils biologique pour lui succéder), il développe un second acte musclé ou l’action se succède sur plusieurs fronts. Enfin, il entraîne Silas dans l’enquête à proprement dite jusqu’au Cliffhanger final.- FIN DE SPOILER
Difficile de faire plus méthodique et construit, comme scénario. Une fois de plus, Fabien Nury prouve toute sa science (et son inspiration) dans une aventure Grand public musclée et exigeante.
Son anti-héros, un peu moins présent que dans le premier cyle, est toujours aussi puant et infantile. Provocateur, mais aussi excellent combattant, et douée d’une force de déduction peu commune, c’est un mélange entre “James bond” et “Arsène Lupin”. Grand seigneur, agaçant, amusant, il n’en est que plus attachant. L’emmerdeur idéal, quoi !
Le dessin ?
“Silas Corey” marque un vrai tournant dans le travail de Pierre Alary. Le décorum historique précis et le personnage encré dans le réel du récit de Nury l’ont obligé à faire mûrir son dessin. Plus réaliste, plus précis que dans “Simbad”, “Belladone” ou “Les échaudeurs des ténèbres”, il est resté hyper-lisible et d’une belle efficacité.
Particulièrement à l’aise dans les scènes d’actions (à l’épée comme aux armes à feu), son dessin s’épure quand il le faut sans rien perdre de son dynamisme. Exploitant souvent de grandes cases panoramiques, Pierre Alary varie les plans, en restant dans une construction de page assez classique.
Son trait semi-réaliste très expressif, fait vivre les émotions de ses personnages, superbe !
Enfin, les couleurs, confiées à Bruno Garcia accompagnent parfaitement le dessin d’Alary. Les traitements en camaïeux bleus, jaunes ou vert renforcent une ambiance “surannée” mais moderne à la fois.
Pour résumer
Un héros affreusement puant, un récit d’une grande richesse narrative et une mise-en-image aussi riche qu’exigeant, le cocktail « Silas » est toujours d’un goût exquis ! Vivement la fin de ce diptyque qui se déguste cul-sec, Prosit !