Sur les pavés, des millions à marcher pour la Liberté...

Par Kaeru @Kaeru

De l'amour et du rire par millions


La semaine dernière avait bien commencé. La première de l'année. Une visite par l'expo Ghibli pour me nourrir de magnifiques dessins, des rencontres avec des amies, prendre le temps d'écrire mes résolutions pour 2015, d'organiser mes projets. Une nouvelle année de promesses, avec cette certitude qu'elle serait encore mieux que les précédentes.

Ces humains que je ne comprends pas...


Mercredi ça a déraillé.
D'abord la fusillade dans les locaux de Charlie Hebdo. Et puis la traque, les prises d'otages. 12 morts ne suffisaient pas aux fous de dieux obscurantistes et liberticides. Les médias étaient sur les dents, parfois avec des interviews et des articles plus sensationnels qu'informatifs. J'ai regardé, la gorge nouée, les évènements d'une violence insoutenable. Je n'ai pas la TV, ça limite les dégâts.

Lutter avec des crayons


Hélas, j'ai quand même vu passer - sans jamais la visionner - la vidéo de l’exécution de sang froid du courageux policier, abattu comme un chien. J'ai été choquée. L'acte est hors de ma portée, je ne peux même pas l'appréhender. Ce qui m'a terriblement choquée c'est la diffusion même du film. Insupportable pour les proches, insupportable pour la mémoire de cet homme, mais aussi insupportable de balancer ça dans la figure d'innocents - naïfs ? - qui comme moi se prennent cette horreur en pleine face alors qu'ils surfent sur les réseaux sociaux sans chercher à contempler la mort en directe.
Puis, il y a eu ces articles proclamant, souvent avec des arguments intelligents, « je ne suis pas Charlie ». Mon malaise grandit, sans compter la récupération marketing de certains qui ont immédiatement tenté de vendre des produits dérivés avec le design de Joaquim Roncin. Et les p'tits malins et idiots de tous poils qui pour se différencier tiennent des propos encourageant l'action terroriste ou alors totalement islamophobes.

Dans la vague solidaire...

La liberté et son respect


Nous vivons en France, un pays de libertés mais aussi de lois. Nous avons le droit, en tant qu'individu, d'être raciste, homophobe, anti-tout. Cependant, ces propos doivent rester dans la sphère privée. Nous avons le droit de penser ce qu'on veut, y compris les trucs les plus choquants, les plus barbares. Là où ça coince, c’est lorsqu'on pense que liberté signifie « droit à tout exprimer en public ». Nous vivons dans un état de droits. Il y a des lois qui sont là pour faire en sorte que la société puisse exister sans que nous nous étripions gaiement. Si cela ne vous plait pas, partez ! Certains semblent avoir oublié que la diffamation ou l’apologie de la violence sont illégales. Nous risquons tous de payer leur idiotie avec une dérive sécuritaire !
Que le mouvement de solidarité s'accompagne de personnes prêtes à le récupérer, à s'en dissocier pour se faire remarquer, n'est pas surprenant. Cependant, je n'aime pas qu'on salisse les idées et les mouvements lumineux. A mesure des réactions allant du « je ne suis pas Charlie » au « c'est bien fait pour leur gueule » en passant par « des centaines de gens crèvent ailleurs », ma colère est montée d'un cran (sans compter les profiteurs qui se font de la thune).
Autant de preuve que l'humain est capable du pire comme du meilleur et surtout que la bêtise est une valeur en poupe. Deux denrées sont en quantité illimitée sur notre planète : la connerie humaine, et l'amour. Marcher dimanche était, pour moi, un choix nécessaire : je revendique ma capacité à l'empathie, mon droit à l'indignation, au refus de l’intolérance et de la peur.
Marcher était une évidence.
Pour autant, je ne suis pas un mouton décérébré. Je n'étais pas à la Place de la République pour soutenir la batterie de politiciens de tous poils dont certains ont des comportement absolument liberticides dans leur pays. Je n'y étais pas pour changer le monde - même moi je ne suis pas naïve à ce point ! J'y étais parce que je vis en France, un état laïc dont la devise est « Liberté, Égalité, Fraternité ».

La relève est assurée !


La douceur des anciens


Les dieux à la poubelle !


Je suis athée.
Je pense que les religions sont une plaie même si elles ont permis l’édifice de magnifiques bâtiments. Je n'ai pas beaucoup de respect pour les religions. Par contre, j'ai du respect pour les personnes, quelque soit leur croyance et leur foi, tant qu'elles ne l'imposent pas aux autres. Étant de culture judéo-chrétienne, j'avoue avoir une plus grande tolérance sur les aberrations du christianisme et du judaïsme puisque je les côtoie depuis ma naissance.
Notre capacité à aimer, à s'élever, à rendre les autres heureux est indépendante de toute appartenance à une quelconque religion ou système de pensée réglementée. Je suis férocement attachée à la laïcité. Attention, je fais un distinguo entre religion (comme système de culte) et spiritualité. La première étant, grosso modo une secte qui a réussi à avoir pignon sur rue, la seconde étant indépendante, libre et en perpétuel mouvement. Pas besoin de croire en dieu pour comprendre les notions de Bien et de Mal, de lumière et de noirceur.

Salam = Paix


Je suis athée. Cependant, je comprends le besoin d'appartenir à quelque chose de plus grand que soi, d'avoir des certitudes face à notre mortalité. Je comprends que certains trouvent dans une religion des réponses aux angoisses existentielles de nos vies.
Je suis athée et j'apprécie de vivre dans un pays cosmopolite où la richesse naît des différences. L'intégration de ces différences est, malheureusement, souvent délicate et tend en période de crise à jouer sur des peurs animales, à créer des replis où l'autre devient l’ennemi. En matière d'horreur et de massacre, je ne sais qui, des fanatiques religieux ou idéalistes, gagnent le grand prix du génocide.

Au crépuscule, l'éveil des espoirs...

Marcher pour elle


En marchant dimanche, au milieu de millions d'humains, tous différents, tous uniques, j'ai remarqué le nombre de musulmans qui se dissociaient des terroristes fanatiques et revendiquaient leur fierté d'être français. Peut-être que cet attentat aura une conséquence heureuse : celle d'une intégration enfin réussie des musulmans. Peut-être que cela permettra une séparation claire entre ceux qui ont l'Islam comme religion et ceux qui flirtent avec l'intégrisme jusqu'à croire que tuer est une solution valable pour imposer leur croyance.
Nous vivons dans un pays laïc.
La religion est un choix de vie individuel qui ne doit jamais se substituer aux lois de la République (et mon propos est aussi valable pour les crétins qui refusent de soigner leur gosse ou de les scolariser sous prétexte que leur Dieu leur interdit).
En marchant dimanche, j'ai eu le sentiment que l'intelligence gagnait. Que la tolérance gagnait. Je me fous de ceux qui tentent de « récupérer » des millions de Français qui, partout dans le pays, de la capitale aux petits villages, se sont rassemblés, émus par le sort de ceux tombés sous les balles des intégristes, conscients de la peine des familles en deuil, choqués de cette déferlante de violence froide et systématique. Ces Français ont choisi de montrer leur solidarité plutôt que d'être apeurés. Je suis fière d’être des leurs.
Nous avons de la chance de pouvoir marcher ainsi sans risquer notre vie. Marcher sans risquer d'être abattus, lapidés, massacrés. Marcher pour la liberté. Marcher pour la vie.

Marcher avec amour


Dimanche 11 janvier , j’ai marché aux côtés de La Moustache et de Anne, une amie très proche.
J’étais là où je devais être.
Et vous, avez-vous marché ?
Copyright : Marianne Ciaudo