Lors de mon compte rendu du dernier Festival Lumière, je vous disais que même si ce festival est là pour promouvoir le patrimoine du cinéma, Thierry Frémeaux, chaque année, continue de présenter aux festivaliers deux ou trois avant premières de films programmés quelques mois avant sur la croisette, tant que ceux ci possèdent une connexion avec la programmation du Festival.
C'est ainsi que j'ai eu la chance de voir plusieurs mois avant leurs sortie le très attendu "The Search" – en présence de Michel Hazanavicius et Bérénice Bejo – et "Les Nouveaux Sauvages" en séances spéciales, tous les deux présentés en sélection en Compétition Officielle du Festival de Cannes.
Si je vous avais promis de parler de "The Search" avant sa sortie, je n'ai pas tenu ma promesse (ouf, personne ne semble m'en avoir tenu rigueur :o), cette promesse est complètement tombée à l'eau, tant l'actu était surchargée à l'époque de sa sortie, le 26 novembre dernier, et puis il faut dire que ce film n'a pas soulevé chez moi un enthousiasme débordant, mais je me rattraperais certainement soit très prochainement, soit à l'approche de sa sortie en DVD.
En revanche, pour le second film vu à cette occasion, je tiens absolument à vous en parler avant sa sortie en salles, ce mercredi qui vient tant les "Nouveaux sauvages" nous a enthousiasmé, Michel et moi (j'avais réussi à le trainer avec moi lors de ce dernier Festival, lui qui a tendance à un peu raler dès qu'il y a un peu de monde).
"Les Nouveaux Sauvages", de l'argentin Damián Szifron, était présenté à cette occasion dans le cadre de l'hommage rendu au prix Lumière. En effet Pedro Almodóvar est parfois producteur de film et c'est le cas avec ces Nouveaux Sauvages, et ce n'est pas très étonnant lorsqu'on voit le film en question qui ressemble pas mal aux premiers films du réalisateur de la Movida, dans son côté méchant, mal élevé et fortement jouissif.
Thierry Frémaux, lors de cette présentation nous avait vendu le film comme celui qui a provoqué le plus de rires dans la compétition du Festival de Cannes, et il était tellement emballé par le long métrage qu'il s'était promis de rembourser tous ceux qui n'aimaient pas le film (bon comme j'avais été invité, je ne pense pas que cela s'adressait à moi).
Et Frémeaux avait insisté sur le coté complètement barré de ce Relatos Salvajes ( le titre original du film), qui selon lui, "mettait en scène des situations à la fois complètement folles et ubuesques, mais que tout un chacun a pu vivre à un moment ou à un autre de sa vie", des instants qui illustrent parfaitement cette fameuse phrase de Hobbes: «L'homme est un loup pour l'homme». Et dans chacune des histoires inventées par Sfizron, on redécouvre cette sensation de frustration, de cette moutarde qui monte au nez devant les inanités de nos contemporains, celle qui nous met parfois dans les rages les plus folles, même les plus paisibles d'entre nous.
Car si "Les Nouveaux sauvages" est un un film à sketchs et que le genre est souvent peu réussi, l'accumulation de saynètes ayant tendance à rendre l'ensemble peu cohérent et trop superficiel, ce film est incontestablement un des meilleurs fleuron du genre, dans la droite lignée des Nouveaux Monstres de Dino Risi, qui partageait avec ce film un même gout pour les personnages affreux sales et méchants.
Le cinéaste argentin s’amuse à filmer la bêtise humaine, l’absurde, en recourant à l’humour trash ravageur, forcément noir et politiquement incorrect. Quel talent du cinéaste de prendre de court nos attentes de spectateur, en créant des situations improbables, dans lesquelles les personnages révélent leur part animale, voire meurtrière, là où la situation initiale ne s’y prêtait guère.
Car ces Nouveaux sauvages nous propose des "histoires de pétages de plombs" à un rythme infernal et sans aucune baisse de régime. Divisé en six court-métrages à la narration parfaitement maîtrisée, Relatos Salvajes fait dérailler six situations initiales de manière complètement délirante, et même si les trois premières histoires sont peut-être très légèrement plus fortes encore que les dernières, celles ci restent de très belle tenue et rendent la vision de ces "Nouveaux Sauvages" particulièrement jouissives et surtout toujours extrêmement drôles.
Je ne dévoilerai pas le contenu de ces histoires, pour ne pas déflorer la surprise de ces saynètes souvent vraiment inattendues, mais sachez que la toute première est absolument géniale et donne d'emblée le ton de ce film qui ose tout.
Gros coup de coeur aussi pour le troisième épisode part d’un petit accrochage sur une route perdue dans les montagnes. Le chauffeur d’une limousine noire insulte le conducteur d’une petite voiture délabrée qui lui a barré la route. Suit alors un enchainement de violences d’une barbarie totale, mais tellement drôle que même des coups et l’étranglement déclenchent l’hilarité.
Ce qui est certain, c'est que Les sketches ont un point commun, celui d’être tous aboutis, réfléchis, basés sur une science du détail et du dialogue d’une maitrise et d'une acuité remarquables.
Bref, un film vraiment jubilatoire et joussif que je ne saurais recommander que très chaleureusement pour très bien commencer l'année, et ainsi se défouler par écran interposé comme les petites ou grandes contrariétés qui ont envahi notre début d'année.
Bande-annonce : Les Nouveaux Sauvages - VO