[évènement] Hommage à Claude-Michel Cluny, par Alexis Pelletier

Par Florence Trocmé

Claude Michel Cluny nous a quittés dimanche 11 janvier. Son œuvre poétique et romanesque, publiée pendant un demi-siècle depuis Désordres (1964), invite à mesurer la multiplicité des énergies et des formes qui président à l’écriture. Claude Michel Cluny abordait l’art, l’histoire, la mythologie, le voyage avec une virtuosité qui montrait un appétit toujours en éveil pour les figures de l’autre. Il me revient une citation dans laquelle je vois toute la malice du poète en même temps que sa profondeur : « Depuis toujours, l’éternité / ne sera / que le rêve du temps. » C’est l’exergue des Odes profanes (1989) On lit dans ce livre de poèmes, une « Ode à Paolo Uccello » qui s’achève sur un vers qui me semble porter un regard très vif sur les incroyables crispations, bouleversements et drames contemporains : « Nous sommes l’Esprit meurtrier du Beau ». Claude Michel Cluny n’accordait aucune confiance aux pensées –religieuses ou non – qui prétendent à l’universalité. Dieu devient avec lui, dans les Poèmes d’Italie (1998) : « l’Éternel Sadique ». Et les certitudes avec lui –  « celle d’avoir été », par exemple – font signe rapidement vers « le plus beau de nos leurres, peut-être » (Feuilles d’ombre, 1987). L’œuvre complète de Claude Michel Cluny est aussi indissociable d’un éditeur – La Différence – qui a publié en son Œuvre poétique (en deux volumes, 1991 et 2010), son Œuvre romanesque (1994) ainsi que, depuis 2002 et sous le titre L’Invention du temps,les dix premiers volumes de son Journal littéraire qui mènent le lecteur jusqu’en 1990. On ne saurait évidemment oublier la création, en 1989, toujours chez le même éditeur de la collection « Orphée » qui a permis d’avoir accès à des paroles poétiques rares , ouvertes sur la multiplicité du monde, avec le soin, dans la poésie étrangère de donner accès, quelle que soit la langue, à l’original. Claude Michel Cluny s’est toujours effacé devant l’écriture et devant l’œuvre des autres. On peut penser qu’il aurait souhaité que sa mort ne fît aucun bruit dans le monde des lettres. J’espère que ces lignes ne viendront pas troubler le silence qui est maintenant son éternité.  
 
[Alexis Pelletier, 12 janvier 2015]