Après Charlie Hebdo, le sursaut national.

Publié le 12 janvier 2015 par Juan


Ce n'était plus une manifestation en hommage aux morts de Charlie Hebdo. Ce fut une marche pour la liberté d'expression, et un défi contre la menace et la peur.La séquence de la semaine écoulée était tristement simple: un assassinat politique d'abord, un attentat antisémite ensuite. Et au passage, des victimes sans rapport dont trois policiers.

Le succès de ces marches républicaines a emporté l'adhésion, et effacé les polémiques, provisoirement.


Après quelque 700.000 personnes rassemblées dans toutes la France samedi, la journée de dimanche fut occupée, immensément occupée par quelque quatre millions de participants, dont plus de 2,5 millions en province. Une immense marche, partout en France, 230 lieux différents, aucun incident, aucun dérapage, aucun problème.
On a entendu, malheureusement, beaucoup d'arguments pour boycotter le déplacement. La France s'est montrée diverse, contradictoire jusque dans ses invitations ou ses accueils.
Il y a eu des images fortes, innombrables: imams et rabbins cote à cote, la tête d'Anegal Merkel sur l'épaule de Hollande, l'embrassade de Hollande et de Patrick Pelloux devant le dessinateur Luz, les cortèges de gauche, de droite, de tout et de rien avec le même silence et les mêmes salves d'applaudissements.

Ailleurs, il y avait des opposants à ces marches, marginaux. 
Voici les 5 arguments, parfois cumulatifs.

1. Les participants
Il y avait du beau monde, et du moins beau monde, pour rendre hommage aux disparus, de l'assassinat politique à Charlie Hebdo à l'attentat antisémite de vendredi. Même la présence d'Angela Merkel, symbole de l'austérité en Europe, était de trop pour quelques grincheux inconscients: les morts de Charlie Hebdo, l'austérité en Grèce... l'instrumentalisation des émotions n'avait pas de limite.
La Süddeutsche Zeitung a déjà surnommé ce moment "l'étreinte" http://t.co/OEOL0EaX3M pic.twitter.com/zPdIJ4ZYdB
— Courrier inter (@courrierinter) January 11, 2015

Pour d'autres, il y avait pire qu'Angela Merkel. Le président turc n'était pas venu, mais son premier ministre était là . Mais le premier ministre israélien était là. Tout comme le président de l'Autorité palestinienne. Il y avait aussi Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de Russie, (mais sa présence de suscita pas d'émotion particulière parmi les promoteurs du boycott des marches de dimanche). Près de soixante chefs d'Etat et de gouvernement et représentants de pays étrangers étaient présents. Il n'y avait pas que de grands démocrates. Imaginez comment la France aurait pu refuser l'hommage d'un chef d'Etat, faire le tri en pareil circonstances.
Imaginez.
Il y avait pourtant d'autres images, plus nombreuses.
Des drapeaux israéliens, palestiniens, algériens, français, danois, et bien d'autres encore.
Des panneaux oecuméniques en tous genres, un grand moment citoyen qui dépassait très largement l'opération politique.
2. La récupération politique Que le parti socialiste ait lancé les invitations pour organiser cette manifestation était une erreur. Mais dimanche, on ne savait plus qui avait organisé la chose.On savait juste que Marine Le Pen n'avait pas osé venir à Paris. Elle préféra se réfugier dans une commune dirigée par l'un de ses proches. Elisabeth Levy, reprise avec délectation par le site fascisant fdsouche, raillait la démarche du jour: "le grand rassemblement républicain commence à avoir un air de manif de gauche".
L'isolement de l'extrême droite était marquant. Sur les réseaux sociaux, la fachosphère s'en livrait encore une fois à coeur joie contre l'unanimisme de la manifestation: trop de Blancs, pas assez d'Arabes. Jean-Yves Le Gallou s'en inquiétait.
Pendant ce temps-là... Marine Le Pen :) pic.twitter.com/x4ae4gB7Pj
— Benjamin Sauzay (@BenjamSauzay) January 11, 2015

3. L'union nationale. 
Certains fustigèrent la marche comme si elle était le prélude à justifier le pire - la guerre générale au proche Orient, un Patriot Act en France, ou la revitalisation de quelques dictateurs et autocrates en France. Certains accusaient même l'OTAN forcément de mèche puisque tous ses dirigeants (sauf Barack Obama) étaient présents. D'autres, peut-être les même, nous promettaient uen guerre prochaine et générale au Proche Orient.
Que les dirigeants israéliens et palestiniens soient présents le même jour à Paris ne les interrogeaient pas.
4. Un complot.
Le plus drôle et pitoyable émanait, comme souvent, de l'extrême droite la plus violente. Alain Soral voyait dans toute cette affaire un gigantesque complot de "l'Empire". L'organisation soudaine, rapide et réussi des marches dominicales était la preuve ultime de l'existence de ce grand complot.
@Sarkofrance Soral ne pense pas. Il a de la gelée de porc là où nous avons un cerveau.
— Hervé Zede (@Elzede72) January 11, 2015
5. Un manquement à la laïcité ?
On critiqua enfin la présence de François Hollande dans une synagogue. Hollande s'était déjà déplacé dans des églises ou des mosquées pour des hommages plutôt graves, mais ce soir-là, c'était sa présence dans une synagogue qui en énervait certains.
Pourtant, vendredi, quatre citoyens français ont été tués parce qu'ils étaient juifs, et pour aucune autre raison.
Le mot de la fin, provisoire, fut de Robert Badinter:
"une journée porteuse d’espérance, même si l’espérance est parfois déçue."