d'après UNE PASSION de Maupassant
En poste à Toulouse, le jeune capitaine
Jacques Renaldi avait la réputation
De ne pas aimer les mondaines.
Aussi évitait-il, dans les salons,
De rencontrer la comtesse de La Rouvraye.
Or, lors d’un dîner chez B. de Meriel,
Il se trouva assis à côté d’elle.
Non seulement la comtesse
Regardait Renaldi sans cesse,
Mais sa main vint effleurer
La sienne et leurs doigts se sont serrés.
Le capitaine espérait en rester là
Mais à minuit, elle s’écroula dans ses bras.
Le lendemain
Il la revit et devint,
Malgré lui, son amant.
La comtesse l’aima d’un amour haletant
Au risque de perdre sa réputation sociale
Et sa situation familiale.
Sans se soucier d’être vue,
Comprise ou perdue,
Dans ses bras elle se blottissait
Et lui déversait mille tendres baisers.
Mais six jours après,
Renaldi, ne supportant plus la comtesse,
Demanda à son ami Pagès :
-« Tu sais, Henri, j’en ai assez.
Que me conseilles-tu ? »
-« Tu dois rompre, bien entendu ! »
Le capitaine haussa les épaules :
« Que tu es drôle !
Comment rompre avec une maîtresse
Qui vous persécute de tendresse ? »
Quelques jours plus tard,
Rinaldi était informé
Par le général Comar
Que le régiment allait être déplacé
Dans deux semaines
En Lorraine.
Le vœu de Renaldi
Allait être exaucé.
Sa liaison prendrait fin !
Mais dès le lendemain,
À midi,
Le capitaine recevait
La visite de la comtesse :
-« J’ai appris
Que tu partais à Metz.
Alors, mon chéri,
J’abandonne enfants et mari
Et je pars avec toi pour toujours. »
Le capitaine lui répondit :
-« Je n’ai nul besoin de ton amour
Et je ne veux pas t’emmener. »
La comtesse rentra chez elle désemparée.
Elle tenta de s’empoisonner.
On la crut perdue à jamais…
À peine installé à Metz,
Rinaldi reçut la visite
De la sœur de sa maîtresse :
-« Elle a prononcé un ultime désir :
Vous revoir avant de mourir.
Et j’insiste, vous devez faire vite. »
Il prit le train pour Toulouse.
À la clinique, il s’approcha du lit
De sa maitresse et lui dit :
-« Non, tu ne vas pas mourir ;
Tu verras, tu vas guérir. »
Puis il regagna Metz.
Et en effet, huit jours après,
La comtesse,
toute enamourée, le rejoignait
Un mois s’écoula en vie sereine.
Mais un matin, le capitaine
Vit arriver M. de La Rouvraye :
-« Je ne viens pas vous importuner,
Mais la situation vient de changer.
Ma fille aînée va se marier
Et la famille de son fiancé
Exige qu’avant leur union
La mère de ma fille revienne à la maison,
Chez elle…chez moi. »
Renaldi, inondé de joie,
Gravit l’escalier en bondissant :
« Chérie, s’il te plait, descends !
Ton mari est là.
Il veut te parler. »
Toute étonnée,
La comtesse arriva.
Son mari
Lui dit :
-« Jeanne va se marier…
Vous devez rentrer. »
-« Non, je ne rentrerai pas.»
Renoldi se leva,
Plaida la cause de la jeune fille,
Celles du mari, de l’autre famille,
…Et la sienne.
La comtesse, les yeux pleins de haine
Les enveloppa tous deux
D’un regard méprisant et furieux :
-« Misérables, que vous êtes ! »
Puis remonta à l’étage, fort satisfaite.
M. de la Rouvraye prit son chapeau, salua :
-« Nous sommes bien malheureux,
Mon cher monsieur. »
Et il s’éloigna.