opium, haschisch, ou éther ?

Publié le 11 janvier 2015 par Dubruel

d'après RÊVES de Maupassant

C’était après un diner d’amis,

Un diner de vieux amis.

Ils étaient cinq : un écrivain,

Trois musiciens et un médecin.

Ils avaient beaucoup discuté.

Une lassitude commençait à en résulter,

Cette lassitude qui décide,

Après les agapes, des départs rapides.

-« Du matin au soir,

Les jours sont un désespoir. »

Dit le médecin.

-« Les nuits aussi », ajouta son voisin.

-« Ah ! Si l’on pouvait dormir,

Sans avoir ou chaud ou froid, dormir,

Dormir sans rêves ! »

-« Pourquoi sans rêves ? »

-« Car les rêves

Sont invraisemblables

Et rarement agréables.

On ne peut savourer les meilleurs

Qu’en étant sorti de sa torpeur. »

-« Qui vous en empêche ? »

Interrogea l’écrivain, d’une voix sèche.

-« Pour rester les yeux ouverts

Il faut de la volonté et du caractère.

Partant, on est vite épuisé.

Or, vous promener dans vos pensées,

Avoir de charmantes visions,

De délicieuses satisfactions,

Je peux vous les proposer

Mais jurez de ne pas en abuser. »

Précisa d’un air compétent

Le médecin en se levant.

L’écrivain ironisa : « j’ai expérimenté

Le haschich et l’opium ; oui, j’y ai goûté ! »

Le médecin se rasseyait :

-« Et l’éther, avez-vous essayé ?

J’en fais parfois la prescription.

Il faut une certaine adaptation

Pour en ressentir l’agissement.

L’éther étant différent

Des autres médecines,

Haschich, opium, morphine...

Son effet s’interrompt

Quand on cesse son aspiration.

Les autres restent actifs des heures.

Si vous avez de vives douleurs,

Ouvrez un flacon d’éther,

Respirez

Comme si vous aspiriez de l’air

Et vous constaterez

Que vos douleurs vont cesser.

Vous resterez éveillé.

Vous continuerez

De comprendre, de raisonner.

Mais vous ne rêverez pas comme

Si vous aviez pris

Du haschich ou de l’opium. »

Aussitôt, chacun des quatre amis

Lui demandèrent

La prescription d’un litre d’éther.

Mais le médecin leur dit au revoir

Et sortit dans la nuit noire.