Il était temps de se réveiller ! Nous ne faisons pas société ensemble au nom de la sécurité, au nom du marché, au nom du Parti, au nom d'une foi... Nous ne vivons pas ensemble pour nous protéger de l’étranger, de l’obscurantisme ni même de la finance. Ni pour réduire les inégalités, ou encore pour le droit d’informer, le droit d’offenser, le droit de se marier... Notre République n’est pas le produit d’une indignation, mais d’une prise de conscience, gravée au cœur de nos textes constitutionnels et dans la lointaine mémoire d’un toujours plus petit nombre d’entre nous.
Nous vivons ensemble parce "qu'au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés". Le reste, c'est de la littérature. Nous vivons ensemble parce que nous sommes blancs, noirs, arabes, juifs, chrétiens, musulmans, bretons, corses ou basques, homos, hétéros, mariés, divorcés… et qu’on s’en fout.
C’est ainsi. Nous ne sommes pas émus par hasard de ce qui s'est déroulé dans nos rues cette semaine. Nous ne sommes pas émus parce que nous connaissions ces gens, ni parce que nous lisions chaque semaine un journal satirique souvent outrancier et au bord de la faillite. Nous n’avons pas convergé spontanément vers nos places publiques depuis mercredi parce que nous sommes manipulés ou effrayés.
Nous sommes debout, nous prions ou nous marchons aujourd'hui parce que nous voulons dire à ceux bafouent notre démocratie qu'ils ne contestent pas un système ou des institutions, pas la laïcité ou la liberté d’expression.
Nous sommes debout, nous prions ou nous marchons aujourd'hui parce que notre vie a un sens, parce que nous avons choisi de vivre ensemble avec nos différences (et pas malgré !), parce qu'un enfant est le fruit de l'amour de ses parents (si si, après, des fois, c’est difficile), parce que face à la guerre nous savons proposer la paix, parce que face à l'outrance nous opposons le mépris ou la justice, pas les armes. Parce que nous avons une responsabilité : celle de transformer le monde qui nous a été confié pour qu'il soit sans cesse meilleur.
Nous sommes émus parce que nous sommes des personnes humaines, pas des animaux pensants ou civilisés, pas des amas de cellules. Il faudra s’en souvenir dans tous les combats du quotidien, dès lundi, en étant le premier à tenir la porte dans le métro, en demandant pardon lorsqu’on bouscule un passant, en s’arrêtant pour laisser traverser les gens, en apprenant sa leçon…
Parce que c’est dans ces gestes de chaque jour que notre civilisation s’est peu à peu laissée envahir par la médiocrité, et qu’il n’aura servi à rien de se sentir citoyen ce matin si dès lundi nous nous laissons remettre dans les rails de l’indifférence qui fait de nous des consommateurs serviles plutôt que des femmes et des hommes libres.
Je pense donc je suis. Et pas je pense, et donc tu suis.