Alors qu'elle bénéficiait d'une pension d'invalidité versée par l'Etat polonais aux anciens déportés, elle choisit, en 1985 de partir s'installer en Allemagne. La Pologne refuse de continuer à lui verser la pension, celle-ci étant versée sous condition de résidence en Pologne, décision confirmée par la justice polonaise en 2003. Seulement voilà, depuis lors, la Pologne est membre de l'UE. Mme Nerkowska réclame donc à nouveau le versement de la pension en prenant notamment argument du fait que la législation polonaise serait contraire à l'article 18 TCE.
La Cour indique tout d'abord, refrain connu, que même si, en l'état du droit communautaire, le versement de pension de guerre/répression reste de la compétence nationale, les Etats ne peuvent en faire usage de sorte à restreindre les libertés garantie par les Traités. Du reste, il ne s'agit pas ici d'une situation purement interne puisque Mme Nerkowska a usé de sa liberté de circulation.
Dès lors, la question qui se pose est la suivante: la législation polonaise constitue-t-elle une entrave à la libre circulation des citoyens et, si oui, peut-elle être justifiée?
En ce qui concerne le premier point, une condition de résidence constitue une entrave claire à la liberté de circulation. Une telle condition dissuade en effet le citoyen de se déplacer au sein de l'Union puisqu'il perd se faisant certains avantages sociaux.
Sur la justification éventuelle de cette entrave, "une réglementation nationale qui impose une telle restriction à l’exercice des libertés par les ressortissants nationaux ne peut être justifiée, au regard du droit communautaire, que si elle se fonde sur des considérations objectives d’intérêt général indépendantes de la nationalité des personnes concernées et est proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national" (point 34).
Selon la Pologne la condition de résidence vise à matérialiser le lien existant entre le bénéficiaire et l'Etat polonais. La loi a en effet pour objectif de "circonscrire l’obligation de solidarité à l’égard des victimes civiles de la guerre ou de la répression aux seules personnes qui ont un lien de rattachement au peuple polonais".
Cette justification ne tient pas la route: Mme Nerkowska justifie suffisamment de ses liens avec le peuple polonais du simple fait de... sa nationalité! "Le fait de posséder la nationalité de l’État membre qui octroie la prestation en cause au principal ainsi que d’avoir vécu dans cet État pendant plus de vingt ans, en étudiant et en travaillant, peut suffire à établir des liens de rattachement entre ce dernier et le bénéficiaire de cette prestation. Dans ces conditions, l’exigence d’une résidence, pendant toute la période de versement de ladite prestation, doit être considérée comme disproportionnée, dans la mesure où elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir un tel rattachement" (point 43). L'exigence est donc disproportionnée.
La Pologne soulevait également un argument tenant à la vérification des conditions d'application de la loi qui justifierait l'imposition d'une condition de résidence. La Cour n'est pas plus convaincue. Il existe selon elle des moyens moins "entravants" pour la libre circulation: "en effet, si un contrôle médical ou administratif exigeait la présence du bénéficiaire d’une prestation telle que celle en cause au principal sur le territoire de l’État membre concerné, rien ne s’oppose à ce que cet État membre invite ce bénéficiaire à se rendre dans cet État aux fins de se soumettre à un tel contrôle, y compris sous peine de suspension du versement de la prestation en cas de refus injustifié de la part dudit bénéficiaire" (point 45).