Un samedi soir sur la terre des mots (11) : Benjamin Wood

Publié le 10 janvier 2015 par Adtraviata

PRELUDE

Juin 2003

Il y eut soudain le hurlement des sirènes, un nuage de poussière au bout de l’allée, et bientôt la pénombre du jardin fut inondée par la lumière bleue des gyrophares.
C’est seulement au moment d’indiquer aux ambulanciers où se trouvaient les corps que tout leur parut réel. Il y en avait un dans la maison à l’étage, un autre dans l’ancienne chapelle, et aussi au fond du jardin. Celui-là respirait encore, mais faiblement. Il était sur la berge, dans un nid de joncs couchés, l’eau froide clapotant à ses pieds. Quand les ambulanciers demandèrent son nom, ils répondirent Eden. Eden Bellwether.
L’ambulance avait mis longtemps à arriver. Ils s’étaient réunis sur la terrasse à l’arrière du presbytère pour réfléchir, avant de céder à la panique, sans pouvoir détacher le regard des vieux ormes et cerisiers qu’ils avaient contemplés des
centaines de fois en écoutant le bruit du vent dans les branches. Ils se sentaient tous responsables de ce qui s’était passé. Chacun se le reprochait. Ils s’étaient même disputés pour savoir qui était le principal responsable, qui devait se sentir le plus coupable. Oscar fut le seul à ne rien dire. Adossé au mur, il fumait, tandis que les autres se chamaillaient. Lorsqu’il finit par prendre la parole, sa voix était si
calme qu’elle les avait réduits au silence.
« C’est terminé maintenant, avait-il dit en écrasant sa cigarette sur la rambarde. On n’y changera plus rien. »

Benjamin WOOD, Le Complexe d’Eden Bellwether, traduit de l’anglais par Renaud Morin, Zulma, 2014

Un magnifique roman anglais dont le début vous fait déjà dresser le poil sur la tête…

Le rendez-vous des premières pages et du samedi soir avec Le carré jaune et Mina


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