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La magie des mots, par Francesca Tremblay…

Publié le 10 janvier 2015 par Chatquilouche @chatquilouche

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La Forêt de Fontainebleau (1867) de Narcisse Diaz de la Peña

Ces temps-ci, j’affectionnais beaucoup ces balades que je faisais sur les berges de la rivière et chaque fois que le temps me le permettait, j’atteignais cette saulaie que je croyais imprégnée de magie. Les passants devaient ressentir le même émoi puisque les sentiers étaient fréquemment empruntés, malgré la saison tardive. Un couple âgé fit une halte sur le ponceau et observait les envoûtants remous de l’eau à cet endroit. Assise sur un banc, sous les branches frivoles d’un saule, je me surpris à rêvasser à propos de l’amour. Vous occupiez donc toutes mes pensées.

Un rossignol cherchait désespérément un vers sous cette terre qui gelait et moi, je cherchais les mots pour vous aborder. L’amour c’était attendre que cette vie passe pour que dans l’autre vous me rencontriez.

Pour que vous ouvriez les bras quand vous me verriez. Pour que vous posiez vos lèvres sur les miennes sans avoir peur de ce que diraient ces autres qui épiaient. Pour que vous puissiez dire : « Je suis libre d’aimer qui je veux ! » et que cet amour ne vous effaroucherait guère. Peut-être était-ce foncer vers l’inconnu et raconter de l’étincelle dans les yeux le secret de la vie ?

L’amour, ce serait attendre que vous acceptiez d’aimer la personne que j’étais parce que je savais très bien qu’il me faudrait du courage et de la patience pour continuer d’espérer. L’amour, ce serait de tomber vers le ciel tandis que le monde était à l’envers. Ce serait ouvrir son âme à des jours meilleurs et la nourrir de beauté.

Ce serait aussi nager sur les vagues immenses tout en s’enlaçant sur la plage. Et compter les nuages en effeuillant les marguerites de nos couronnes. Ça serait sans doute apprivoiser la tempête quand celle-ci gronderait. Ce serait aimer le silence des cœurs qui battent des ailes à deux.

L’amour serait de reconnaître derrière le miroir, la femme que je suis. Et traverser le vôtre pour commencer la vie.

L’amour, au fond, serait votre main dans la mienne. Et que toutes ces certitudes s’effondrent.

Derrière les immenses montagnes, le soleil s’en alla dormir. Il se mit à faire froid et un frisson fit naître en moi le désir de partir. Tandis que les derniers rayons de cet astre heureux effleuraient la peau de mon visage, la rivière en contrebas murmurait dans l’ombre. Je quittai ce banc trop grand et je traversai le rideau de feuilles jaunes qui se garnissaient de cire à l’approche de l’automne. Retroussant le collet de mon coupe-vent, mains dans les poches, j’arpentai le même sentier pour revenir à la maison, ne rencontrant nulle autre solitude que la mienne.

Hélas, je n’ai pas trouvé les mots pour vous aborder. Cependant, j’ai trouvé les couleurs pour vous peindre en lettre d’amour. Dans ce tableau que je composai, il y avait cette rivière pour nous y baigner. Vos yeux s’animaient dans des éclats de rire que partageaient les soleils d’été et l’ombrage des saules penchés dessinait des nids de porcelaine pour accueillir vos lectures. Et il y avait, bien sûr, ce banc. Ce banc où je vous ai rencontrée. Où tout a commencé.

En pleine nuit, je suivis le sentier bordé de lanternes et je revins dans cette saulaie. Sur ce banc, à votre attention, je déposai le tableau emballé d’un papier brun et avec pour seule couleur les lettres en rouge de votre nom. Lorsque vous le verrez, oserez-vous déballer ce présent ? Oserez-vous le contempler et vous voir comme je vous vois ? Je l’espérais. Et avant de m’en retourner sur le sentier, une brise légère se leva. Leurs longues branches dans le vent, les saules me firent le serment de vous révéler ce que je n’avais osé peindre. N’étaient-ils pas seigneurs de l’endroit et de leurs ravissants parfums, n’avaient-ils pas fait se réunir deux personnes que leur présence avait émues ? Alors que le soleil ouvrait les yeux sur un jour nouveau, sous un rideau de saules se cachait un tableau qui vous attendait.

Notice biographique

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En 2012, Francesca Tremblay quittait son poste à la Police militaire pour se consacrer à temps plein à la création– poésie, littérature populaire et illustration de ses ouvrages.  Dans la même année, elle fonde Publications Saguenay et devient la présidente de ce service d’aide à l’autoédition, qui a comme mission de conseiller les gens qui désirent autopublier leur livre.  À ce titre, elle remporte le premier prix du concours québécois en Entrepreneuriat du Saguenay–Lac-Saint-Jean, volet Création d’entreprises.  Elle participe à des lectures publiques et anime des rencontres littéraires.

Cette jeune femme a à son actif un recueil de poésie intitulé Dans un cadeau (2011), ainsi que deux romans jeunesse : Le médaillon ensorcelé et La quête d’Éléanore qui constituent les tomes 1 et 2 d’une trilogie : Le secret du livre enchanté.  Au printemps 2013, paraîtra le troisième tome, La statue de pierre.  Plusieurs autres projets d’écriture sont en chantier, dont un recueil de poèmes et de nouvelles.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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