Je n’étais pas certaine que ce silence nécessite une explication. Après tout, face à la peine et la tristesse, nous avons tous des réactions différentes et la faculté de se ressaisir plus ou moins rapidement.
Aujourd’hui j’ai pensé que j’étais capable de reprendre mon clavier pour vous parler d’un cosmétique testé, photographié et prêt à être chroniqué sur le blog. J’ai ouvert ma page vierge. Je n’ai pas pu écrire un seul mot et suis restée coite pendant de longues minutes.
Donc non. Je n’y arrive toujours pas. Voilà maintenant 4 jours que je n’arrive pas à sortir de ma torpeur, de mes larmes, que je ne cesse de penser aux victimes et de réfléchir, que je trouve des soubresauts d’énergie pour m’insurger contre certains agissements des médias ou contre les paroles de certains « citoyens » qui se félicitent que le pays soit plongé dans l’horreur et la terreur depuis mercredi.
Je sais que mon envie de parler futilités avec vous reviendra tout doucement, peut-être plus rapidement que je ne le pense. Mais aujourd’hui non, je n’y arrive toujours pas. Ces derniers jours, je suis passée par plusieurs phases comme certainement bon nombre d’entre vous : ahurissement, stupéfaction, torpeur, tristesse, colère, empathie, unisson, peur, inquiétude viscérale.
Dans le désordre et dans un bordel le plus total, voici le « résumé » de mes pensées. Je sais d’avance que je vais oublier d’en écrire la moitié. Quant à l’autre moitié je ne parviendrai pas forcément à l’exprimer comme je le souhaite. Je m’excuse car c’est vraiment très décousu et certains jugeront certainement mes réactions excessives. Ce sont mes pensées, je vous les livre, libre à vous de me juger. Ou pas.
Ces attaques morbides et barbares étaient prévisibles. Voilà plusieurs mois que ceux qui sont en contact quotidiennement avec les populations « sensibles », « vulnérables », « en rejet de la société » rapportent que la situation se dégrade de jour en jour et que l’irréparable pourrait bien se produire si les moyens humains, matériels et surtout juridiques ne sont pas débloqués par nos dirigeants. Mercredi 7 janvier, ces hommes qui avaient senti et prévu ce massacre n’ont évidemment, pas pu se réjouir même s’ils avaient raison, même si personne ne les écoute depuis des mois. Une fois de plus, on attend « l’accident », on préfère guérir que prévenir. QUAND, enfin, la France prendra-t-elle la mesure de dizaine d’années de laxisme ? Je me suis toujours demandé comment la France faisait pour ignorer depuis 2001 la menace qui pesait sur nous. Et là BAM, on se prend ça dans la gueule. Est-ce normal? NON . Etait-ce prévisible? OUI. La France n’est pas invincible. La France représente à bien des égards ce que l’extrémisme islamisme veut exterminer et envahir. Ce n’est pas nouveau, ce n’est pas une supposition, c’est un fait avéré. Est-ce normal que 1300 à 3000 français soient partis faire le Djihad et rentrent, peinards, en France comme si de rien n’était, sans être inquiétés outre mesure ?
Je suis en colère. Contre nos dirigeants. ( pas seulement les actuels, je ne fais aucune distinction politique )
Dix-sept personnes ont été assassinées en trois jours. Lâchement. Parce qu’ils étaient journalistes, parce qu’ils étaient policiers, parce qu’ils étaient juifs. Je conchie les personnes racistes, est-ce pour autant que je décide un beau jour de dézinguer un collègue bien trop raciste à mon goût ? Parce que je suis une femme, parce que je travaille, parce que je tiens un blog, parce que j’ai des rapports sexuels avec Musclor bien que nous ne soyons pas mariés, cela signifie que j’ai moi aussi des dizaines de raisons de me faire buter.
Je suis écoeurée et le mot est faible. Qu’ on choisisse de dessiner et de faire rire en utilisant la satire, qu’on choisisse de protéger les populations et de maintenir l’ordre public, qu’on choisisse de fêter Hanouka et de se rendre prier à la synagogue, AUCUN prétexte ne justifie qu’on s’attaque à telle ou telle population sous couvert de profession, d’opinion ou de confession.
Pour ceux qui me connaissent personnellement, vous savez que j’ai également de bonnes grosses raisons d’être très inquiète. Quotidiennement. Je n’étais jamais complètement tranquille avant ce 7 janvier, je suis juste anéantie depuis. Parce que j’ai toujours les entrailles nouées tant que Musclor n’est pas rentré à la maison. Je m’interroge même sur le fait ou non de continuer ce blog par peur de livrer trop d’informations. Parce que ces terroristes visent non seulement les représentants de l’Etat mais aussi leurs familles. Je vais attendre encore quelques semaines pour prendre une décision concernant mon blog. Je sais bien qu’il ne faut pas avoir peur, que c’est donner raison à ces terroristes ( ce mot à lui seul veut tout dire ) et que la peur n’évite pas le danger. Mais on peut être vigilant sans pour autant avoir peur. C’est ce que je vais m’employer à appliquer.
Demain la grande marche républicaine parisienne aura lieu. Dès son annonce, j’avais décidé de m’y rendre même si j’étais étonnée qu’en plan Vigipirate Attentats, un tel rassemblement puisse être autorisé… Musclor m’a interdit d’y aller, ce qui nous a valu une belle engueulade ! J’ai finalement changé mon fusil d’épaule le lendemain devant l’empressement de nos dirigeants et des différents partis politiques à vouloir s’approprier ce rassemblement. Et j’ai pas été invitée et gnagnagna et faut pas que le FN se pointe et blablabla. PUTAIN mais qu’est-ce qu’on s’en FOUT sérieusement de vos jérémiades à deux ronds ? Si tu viens c’est pour défendre la liberté d’expression et éventuellement pour te recueillir et penser à ceux qui ont donné de leur vie ces derniers jours. LE RESTE C’EST DU FLAN. Bref je n’irais pas à Paris mais dans une ville de taille plus modeste qui organise elle aussi une marche. Bien moins politisée cette fois.
Je suis choquée et me sens ( encore plus qu’avant ) désarmée face à la bêtise humaine. Ces gens qui gueulent au complot, ces andouilles qui miment des tirs derrière une journaliste en direct à la télé, ces abrutis qui hurlent par une fenêtre qu’ils vont tout faire sauter chez Mickey, ces écervelés qui jettent des têtes de cochon dans l’enceinte des mosquées, ces andouilles qui diffusent un nom pour le tueur de Montrouge sur les réseaux sociaux ( = un mec qui est derrière les verrous depuis plusieurs années ), ces journalistes qui sous couvert d’informer, trahissent la mémoire de leurs 8 collègues journalistes tombés sous les balles en diffusant les paroles des terroristes qui ne demandaient QUE cela : une couverture médiatique. Vous êtes tombés dans leur piège, honte à vous.
Du haut de mon anonymat, je pense à ces huit journalistes – Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, Honoré, Bernard Maris, Elsa Cayat, Mustapha Ourrad – à leur invité malheureux – Michel Renaud – à cet agent de maintenance - Frédéric Boisseau, à ces trois policiers – Franck Brinsolaro, Ahmed Merabet, Clarissa Jean-Philippe – aux quatre victimes juives – Yoav HATTAB, Philippe BRAHAM, Yohan COHEN, François-Michel SAADA . Je pense à eux, leurs familles, leurs proches, leurs collègues . Mon coeur est trop lourd et toutes mes larmes versées depuis mercredi sont ma ridicule, minuscule, toute petite marque d’empathie et de solidarité pour traverser cette épreuve ô combien difficile. J’ai l’impression d’être déshydratée depuis mercredi et ce n’est pas prêt d’être fini.
Je pense aussi aux nombreux blessés, policiers ou civils. Je pense à ces parents qui tentent d’expliquer à leurs enfants la situation en choisissant leurs mots avec soin. Je pense à tous ceux qui vont être victimes d’odieux amalgames dans les jours, les semaines et les mois qui viennent. Je pense à Lilian qui a réussi à se cacher et guider le GIGN dans l’entrepôt de Dammartin. Je pense à Lassana, cet employé de l’hyper-casher qui a caché des otages dans une chambre froide à Vincennes. Je pense à tous ces otages qui vont devoir vivre avec les heures de terreur qu’ils ont subies dans un coin de leur tête. Je pense aux forces de sécurité publique, pas forcément armées, qui auront toujours un regard derrière leur épaule dans la rue. Je pense à nous, à toi, à moi, qui voulons croire que nous ne cèderons pas face à la terreur, que nous n’avons pas peur même si nous savons très bien au fond de nous que désormais, les choses ont changé.
Pour conclure, je me contenterais de citer trois grands philosophes des temps modernes :
VOUS ALLEZ FINIR PAR VOUS AIMER LES UNS LES AUTRES, BORDEL DE MERDE ?
( Les inconnus – Jésus II le Retour. )