Affiche de l'exposition
Jean et Catherine Vimenet et la rencontre des civilisationsCette exposition a le grand mérite de nous parler d’art, bien sûr, mais aussi d’un passé qui commence à passer autant que des incertitudes de notre temps. Que l’Art puisse ainsi nous éveiller à notre monde est un des grands mérites de l’exposition ! C’était un des objectifs des commissaires de l’exposition auxquels, et pour ce fait, nous voulons exprimer notre gratitude.
Il est effectivement fort judicieux d’avoir isolé, dans l’œuvre de l’artiste Jean Vimenet, la période de 1952 à 1954 où il fut en résidence à Alger, juste avant le début d’une guerre qui rompit durablement les liens entre les deux rives de la Méditerranée. Avant cela, quand la société des peintres orientalistes français crée le prix Abd-el-Tif en 1907, elle permet à de jeunes artistes talentueux de séjourner un an ou deux à Alger. De ce fait, on aurait pu lire cette œuvre comme le dernier avatar d’un orientalisme français devenu, avec la colonisation du continent africain, un art colonial, qui se célébra lors d’expositions du même nom, tout en étant dans l’imaginaire national le substitut de puissance d’une nation amoindrie par la nouvelle hégémonie allemande. On aurait pu craindre que le regard du pensionnaire de la villa Abd-el-Tif soit identique à celui de l’homme portant le salacot, hautain et méprisant, colonial et dominateur. Ce n’est heureusement pas celui de Jean Vimenet qui porte sur les choses et sur les personnes un regard droit, à hauteur d’homme. Nous avions changé d’époque et, une fois de plus, l’Histoire était en retard sur l’Art.
Par-delà Jean Vimenet, c’est aussi des relations culturelles entre l’Algérie et la France dont nous devons parlés. Plus de 50 ans après une guerre qui déchira nos peuples, le temps est venu, souhaitons-le, d’un regain d’intérêt de part et d’autre de la Méditerranée pour qu’elle puisse redevenir un trait d’union entre Etats égaux et soucieux l’un de l’autre comme peuvent l’être deux amis. Grâce à Catherine et Jean Vimenet, c’est l’amitié franco-algérienne qui est fêtée dans notre département du Jura qui accueillit les négociations secrètes entre la France et le gouvernement provisoire de la République algérienne dès février 1962. Le passé ne doit pas étouffer un avenir chargé de défis que nous relèverons ensemble beaucoup mieux que si nous laissions notre relation se teinter d’indifférence.
Que cette amitié puisse devenir le signe annonciateur du « rendez-vous des civilisations », si bien analysé par Emmanuel Todd et Youssef Courbage. Si l’orientalisme fut hier la traduction culturelle d’une domination économique et géopolitique de l’Europe, l’occidentalisme est aujourd’hui l’idéologie de la crise et du déclin de l’Europe. Or l’avenir n’est pas écrit, l’histoire est devant nous, elle sera ce que nous en ferons. Ne soyons pas les passagers passifs d’une histoire qui nous mènerait vers un choc des civilisations ! Quand on a une certaine idée de la France, on ne souhaite pas la voir borner son regard à l’Europe ou à l’Occident, enfermée dans une vision occidentaliste du monde. La France est grande quand elle parle du monde au monde entier, renouvelant ainsi chaque jour un regard universaliste qui rend tout homme égal, aimable et respectable.
Chacun pourra constater que ce regard sur le monde, ouvert, apaisé, ensoleillé, coloré fut celui de Jean Vimenet.
Jacques Pélissard, député-maire de Lons-le-Saunier Jean-Philippe Huelin, maire-adjoint chargé des politiques culturelles