d'après CONFESSION D’UNE FEMME de Maupassant
Nous avions deux domestiques :
Un garde forestier, Éric,
Particulièrement fidèle
À mon mari, Jean-Noël
Et pour mon service
Une servante, ramenée de Galice
Il y a cinq ans.
Elle n’avait alors que seize ans.
Mon mari et moi, nous chassions beaucoup
Chez nos voisins et chez nous.
Un jour,
L’un des invités,
Le baron Victor de La Ferté,
Me fit un brin de cour.
Quand Jean-Noël partait
Voir ses métayers,
Victor me rendait des visites
Charmantes et fortuites.
Mon mari se montra anxieux,
Jaloux et sourcilleux.
Je m’en suis aperçu :
…Car il ne m’embrassait plus !
Un soir, après le diner,
Il m’a questionné:
« Vous plairait-il
De venir avec moi tuer ce Goupil
Qui cherche sa pitance
En permanence
Dans mon poulailler. »
Surprise, j’allais m’habiller.
Jean-Noël ne disait plus un mot.
Nous partîmes aussitôt
Et atteignîmes en un instant
Le bord de l’étang.
Il me sentit frémir et m’a dit :
-« Est-ce que cette épreuve vous suffit ?
Si oui, rentrez ! »
-« Non. Vous m’avez demandé
De vous accompagner. »
Alors il m’a signalé :
-« Le voyez-vous sous la futaie ? »
Une ombre en effet s’agitait.
Une flamme passa devant mes yeux.
Et sur le sol caillouteux,
À dix mètres, un homme s’écroulait.
J’étais affolée.
Mon mari m’empoigna
Me traina
Jusqu’au corps étendu
Et allait me jeter dessus.
J’ai cru qu’il allait me tuer.
C’est alors qu’il distima
Ma servante Paquita
Amoureusement couchée
Sur le cadavre du garde-forestier.
Elle baisait sa bouche, ses yeux.
Comme un chat furieux.
Mon mari aussitôt comprit
Et s’est excusé :
-« Oh ! Pardon, ma chérie,
Je t’avais soupçonnée. »
Mais moi, au-delà
Des baisers de Paquita,
De ses douloureux sanglots,
De ses vibrants sursauts,
Je me suis juré :
’’Jamais plus, je ne serai
Fidèle
À Jean-Noël.’’