Avant de vous faire découvrir le travail du photographe Alain Pons, j’avais envie de vous dévoiler l’envers du décor de mes interviews. Oh, il n’y a rien de très croustillant ! Rien qui mérite en tout cas de figurer sur le blog de Jean-Marc Morandini (j’ai bien écrit Morandini et pas Moscardini ! :-).
L’envers du décor de mes interviews
Voici ce que j’ai appris au cours des nombreuses interviews que j’ai réalisées : poser des questions à un photographe animalier (le fait qu’il soit animalier ne change par ailleurs pas grand chose !), ça se prépare. Je procède toujours de la même façon. Je lance une recherche internet sur le photographe à interviewer et je compile les renseignements que je trouve dans un fichier texte basique.
Je passe aussi pas mal de temps à visionner son travail, c’est à dire ses photos, sa galerie, ses livres (s’il en a), ses vidéos (s’il en a), etc. Déjà parce que j’aime bien ! Et puis pour aussi comprendre son approche artistique. Prenez au hasard Eric Dragesco et Michel d’Oultremont, comparez leurs images et vous verrez qu’on ne peut pas leur poser les mêmes questions ! En tout cas pas toutes.
A la fin de ce petite travail préparatoire (je n’y passe pas non plus des jours entiers ) je commence à rédiger mon questionnaire. J’essaie de tenir une logique dans l’enchainement des questions. Un peu finalement comme Ronan Fournier Christol quand il crée ses documentaires : on ne passe pas du coq à l’âne en une phrase. Il faut un minimum de lien entre les idées, les questions. Je n’ai pas un nombre obligatoire à atteindre, mais une bonne dizaine de questions me permet en général de remplir les 30 minutes.
Ensuite, dans le feu de l’action, je veux dire pendant l’enregistrement (ah oui au fait, ça n’est pas en direct ! ), je coche au fur et à mesure les questions posées. Pour l’anecdote, je m’emmêle souvent les pinceaux ! Il m’arrive de poser deux fois de suite la même question (d’où l’intérêt de cocher !). Le photographe à l’autre bout de la ligne a tôt fait de me rappeler à l’ordre gentiment
Sur la vingtaine d’interviews que j’ai faites, il reste toujours 2 ou 3 questions non posées. Par manque de temps. Sauf deux fois !
La première fût avec les frères Francey. Deux jeunes photographes très talentueux, mais aussi, je pense, un peu intimidés par l’évènement (qui n’en est pas un d’ailleurs !). Leurs réponses étaient assez courtes et je devais assez vite enchainer sur la question suivante. Mon stock de sujets à aborder fut très vite épuisé ! A la fin de l’interview, j’avais zéro question sous le coude. Une première !
La deuxième fois, c’était tout récemment avec l’interview d’Alain Pons, celle là même que vous allez écouter dans une minute. Et là, ce fut exactement l’inverse. Je n’ai pas beaucoup coché. Pourquoi ? Parce qu’Alain Pons appartient à la famille des photographes bavards ++ Mon interview s’est alors assez vite transformée en une discussion. Une discussion hyper intéressante au cours de laquelle j’ai laissé tranquille ma liste de questions !
Nous avons donc abordé des sujets complètement imprévus. Et c’est ça qui est bien. Vous savez, c’est comme une randonnée. Avant le départ, on regarde la carte IGN 1/25000, on trace son parcours, on le visualise. Ce faisant, on se sécurise le parcours. Comme moi je me sécurise mon interview … Et puis une fois sur le terrain, ça ne se passe bien souvent pas comme prévu. Alors deux cas de figure se présentent :
- soit on panique et on passe un mauvais moment,
- soit on se laisse porter par cette petite incertitude ! C’est ce que j’ai choisi de faire avec l’interview d’Alain Pons. J’ai suivi les sinusoïdes de la discussion. Bon, je ne prenais aucun risque puisque j’avais mon filet : mon questionnaire, au cas où.
Tout ça pour vous dire que, lorsque qu’une interview ne se passe pas exactement comme prévu, c’est génial !
Alain Pons, un photographe entier
Vous l’avez maintenant compris, je ne découvre pas mon invité quand il décroche son téléphone. Je connais donc en partie la bio du photographe. S’il est jeune ou … moins jeune ! Pour Alain Pons, je savais de lui qu’il a bien connu l’époque de l’argentique ! Et le son de sa voix l’a bien évidemment confirmé. Je crois avoir déjà évoqué avec vous la voix et l’intonation d’un photographe comme Philippe Moës par exemple. C’est important je trouve !
Alain possède un vraie belle voix grave qui illustre bien l’expérience du personnage. On imagine facilement les dizaines de milliers de photos prises rien qu’avec le son de sa voix.
Même son de cloche avec la biographie de son site internet :
« Depuis plus de trente ans je traine mes appareils photo à travers le monde pour en rapporter des images. »
Ce qui est bien avec lui, c’est sa franchise, l’absence de langue de bois dans ses propos. Au moins on sait à quoi s’en tenir ! Ses avis tranchés méritent le détour et j’espère vraiment que vous profiterez de l ‘espace des commentaires pour rebondir sur ses propos. Tiens par exemple, Alain Pons pense que le métier de photographe animalier est carrément mort. Je parle bien du métier en tant que tel, pas de l’activité qui elle se porte très bien.
Je vous assure que cette interview ne vous décevra pas. Ce que partage avec vous Alain Pons ne vous laissera pas indifférent.
Vous apprendrez notamment :
- Pourquoi Alain Pons considère que le métier de photographe animalier est mort (ce sont ces mots !)
- Pourquoi le niveau artistique de la grande majorité des photographes animaliers est faible
- Comment faire pour se construire une véritable culture artistique
- Pourquoi il est plus facile de photographier les animaux que les modèles dans un studio
- En quoi son projet « une image sur le mur » est un concept novateur en photo
- Le secret d’une de ses plus belles photos (en tout cas pour moi )
Pour découvrir l’ensemble du travail d’Alain Pons voici son site internet. N’hésitez pas, vraiment, à faire un tour du coté de son nouveau site Une Image sur le Mur (lien non affilié) pour, pourquoi pas, vous offrir des tirages d’art d’exception.
Retrouvez ci-dessous la transcription texte de l’interview :
Régis Moscardini : Bonjour Alain Pons. Bienvenue à toi.
Alain Pons : Bonjour.
Régis Moscardini : Je te remercie d’avoir accepté de te prêter au jeu de l’interview.
Alain Pons : Oui;
Régis Moscardini : Alors peux-tu en quelques mots, s’il te plait, te présenter pour que nos auditeurs puissent te connaitre un petit peu mieux ?
Alain Pons : Alors voilà, je suis donc Alain Pons, je travaille dans le domaine et graphique et photographique depuis 45 ans, ce n’est pas tout jeune parce que je suis un vieux bonhomme de ce domaine. Et je continue aujourd’hui malgré une retraite tranquille et paisible, je continue à faire des photos, je continue à voyager, à accompagner des photographes en voyage, je continue à faire du graphisme et de la création graphique, tout simplement parce que je ne sais rien faire d’autre, et puis que ça me plait et que je ne prends la place de personne en le faisant, donc je continue.
Régis Moscardini : Très bien. Donc ça veut dire que tu es à la retraite de manière administrative, officiellement
Alain Pons : Absolument.
Régis Moscardini : Mais ton activité, finalement tu ne t’es pas arrêté du jour au lendemain, tu continues toujours à faire ce que tu fais.
Alain Pons : Je continue à faire mon travail, je continue à me faire plaisir, voilà. J’ai fait l’Ecole des Arts Déco et en sortant de là, j’ai fait de la photo naturellement parce que ça me plaisait et parce que c’était un complément direct à mon travail de graphiste.
Régis Moscardini : D’accord.
Alain Pons : Et quand j’ai monté ma propre entreprise, j’ai donc tout naturellement continué à mener deux activités qui m’étaient chères, celle de la photo et celle de la nature.
Régis Moscardini : Par rapport à ton activité professionnelle, je parcours ta galerie, notamment celle sur les safaris que tu as faits, et on trouve évidemment des images d’animaux, mais aussi des paysages et des portraits. Tu fais donc de véritables reportages photos. Et donc le reportage photo demande un vrai savoir-faire, j’imagine, car ce n’est pas seulement une succession de photos. Quels sont les grands principes pour toi à respecter dans cet exercice-là, du reportage ?
Alain Pons : Dans un cadre de reportage, on est contraint, enfin tout est en train de changer, à l’époque le reportage devait renvoyer aux lecteurs de la presse pour laquelle le reportage était fait, devait renvoyer l’image de ce que l’on avait vécu, et devait renvoyer exactement tous les éléments qui étaient les éléments, enfin qui le sont toujours, mais qui étaient des éléments forts qui constituaient la principale qualité du pays, soit par sa faune, soit par des paysages exceptionnels, soit par des rencontres qui étaient faites avec des gens. Et c’est vrai que des rencontres, de toute façon c’était tout à fait nécessaire, compte-tenu du fait que sans les rencontres on avait à cette époque-là assez peu la possibilité d’entrer en contact avec la nature.
Régis Moscardini : Tu es aussi graphiste et éditeur, tu l’as dit, en plus d’être photographe
Alain Pons : Tout à fait.
Régis Moscardini : Est-ce que c’est par passion de l’image et de la création, que tu es graphiste et que tu édites des publications.
Alain Pons : Absolument.
Régis Moscardini : Ou est-ce que c’est plutôt par nécessité ?
Alain Pons : Mais moi je suis un dingue d’images, j’ai vécu dans l’image toute ma vie, j’ai fait en sorte de continuer à la présenter. Mais pour te donner une idée, j’ai créé quand même énormément d’images pour énormément d’entreprises auxquelles tu peux ajouter les noms de Nature&Découverte, de Guy Degrenne, de Cap Gemini entre autres, simplement pour donner quelques informations, j’ai travaillé pour les plus grands laboratoires pharmaceutiques, toujours dans la recherche d’images et de leur identité. A partir de là, la photographie que je faisais sur le terrain qui était de la photographie animalière m’a permis d’aller à la rencontre d’un certain nombre d’éditeurs, et d’éditer moi-même aussi un certain nombre de photographes, et de rester dans cet univers-là jusqu’à il y a quelques années encore.
Régis Moscardini : Tu l’as dit, ça fait longtemps, 45 ans que tu es photographe.
Alain Pons : 45 ans, parce que j’ai 67 ans
Régis Moscardini : Dans le domaine de l’image. J’aimerais avoir ton avis là-dessus. Est-ce que tu penses qu’on vit en ce moment une époque un peu privilégiée avec le numérique ou à l’inverse en gros c’était mieux avant ?
Alain Pons : Non, c’est le contraire.
Régis Moscardini : Qu’est-ce que tu en penses, toi ?
Alain Pons : Je ne pense pas que c’était mieux avant parce qu’on galérait de la même manière mais je pense qu’aujourd’hui on vit dans une technologie et dans un mensonge superposés. La technologie c’est qu’on est arrivé au numérique et qu’on est arrivé dans un contexte technique qui offre extraordinairement d’avantages aux photographes, ou d’extraordinaires possibilités aux photographes. Mais on vit dans un mensonge total, c’est que les marques n’ont eu de cesse de faire croire aux photographes amateurs que parce qu’ils allaient avoir du numérique entre les mains, ils allaient travailler comme des professionnels. C’est le marketing exclusivement.
Régis Moscardini : D’accord.
Alain Pons : Et moi, ce que je déplore, je ne suis pas un passéiste c’est-à-dire que je trouve qu’il faut qu’on avance et que les technologies apportent de plus en plus à ceux qui les utilisent. Mais il y a quelque chose qui me gêne profondément, c’est que les marques n’ont eu de cesse en même temps, en parallèle que de dire aux photographes amateurs que grâce aux nouveaux matériels dont ils allaient s’équiper, ils allaient devenir des photographes hors pair. Or, on a, que je sache en 45 ans, je n’ai jamais vu de matériel faire ses propres photos, il y a toujours un mec derrière pour faire le travail. Et c’est ça qui me parait perdu dans la cause, c’est que malheureusement on laisse croire à des jeunes, ou même à des moins jeunes, qu’ils vont devenir des artistes ou des créateurs à partir du moment où ils vont avoir telle ou telle marque de matériel. Alors que l’appareil photo, ce n’est pas du tout, du tout, enfin ce n’est pas lui qui fait le travail.
Régis Moscardini : Bien sûr.
Alain Pons : Derrière, il y a un photographe qui a un œil, qui a une intelligence et une formation, et qui va appuyer sur un déclencheur ou ne pas appuyer sur un déclencheur. Et le problème il est là, il est que tant qu’on aura de cesse que de penser que c’est le matériel photo, et que plus il est sophistiqué, meilleur il est, ce sera faux.
Régis Moscardini : Et le contrepoids de tout ça, en tout cas de ce marketing-là, est-ce qu’il ne peut pas être rapporté par les magazines justement qui ont un rôle à jouer dans la mise en garde de ce mensonge marketing ?
Alain Pons : Non, parce que les magazines bénéficient de ce marketing
Régis Moscardini : Par la publicité ?
Alain Pons : Bien sûr. Un magazine ne va pas cracher dans la soupe, c’est impossible. Le problème, c’est que, aujourd’hui, la profession de photographe animalier j’entends, je ne parle pas des autres, mais les autres ça ne va pas mieux non plus, mais la profession de photographe animalier est une profession qui est morte.
Régis Moscardini : Ah carrément ?
Alain Pons : Mais vraiment morte, ah oui carrément. Il y a aujourd’hui, il y a approximativement 15 ans il y avait à peu près, on va dire en France, 100-150 photographes qui gagnaient leur vie correctement avec la photo. Aujourd’hui il y en a 2.
Régis Moscardini : Ça veut dire que quand tu parles de photographe animalier en tant que métier c’est par la vente exclusive de leurs images ?
Alain Pons : Bien sûr.
Régis Moscardini : Alors que ces mêmes photographes animaliers vendent leurs images aussi mais pour gagner leur vie, ils sont obligés de faire d’autres activités à côté qui peuvent être les stages par exemple ou d’autres choses comme ça ?
Alain Pons : Non, pas du tout, non, pas du tout. Le problème est que les revues, parce que là il y a eu aussi un vaste univers qui s’est créé et qui est assez lamentable avec les fameuses photos libres de droit.
Régis Moscardini : Les microstocks ?
Alain Pons : Voilà, exactement. Ce qui fait qu’on laisse croire à des photographes qu’ils vont gagner beaucoup d’argent sur la quantité, or la quantité n’a jamais fait gagner de l’argent à un photographe sauf quand il est bon, quand il est vraiment très bon. Et ça encore, on discute les prix là-dessus. Un photographe gagne sa vie avec des images, il gagne sa vie quand on lui fait une double page, une couverture, la seule chose qui va marquer l’esprit des lecteurs. Mais quand on achète des photos à 1,50 euro, et encore pour les plus chères, voire à 70 centimes d’euro pour d’autres, c’est un scandale, c’est un scandale. Alors évidemment il y a énormément de photographes amateurs qui pensent qu’ils vont pouvoir joindre le côté professionnel en ne vendant plus leurs photos mais en les publiant, c’est-à-dire qu’ils s’imaginent qu’ils vont gagner de l’argent plus tard parce qu’en publiant ils vont être reconnus. Ce qui est totalement faux. Mais on est dans un univers qui est un univers fou, complètement fou.
Régis Moscardini : C’est tellement libéralisé que ça en crée des problèmes. D’ailleurs …
Alain Pons : Mais moi je vois tous les photographes que je connais, aussi bien les anciens que les jeunes, qui sont de vrais photographes, tu prends Vincent Munier par exemple que j’ai connu, il avait 12 ans Vincent Munier, qui sont des photographes de très haute qualité, un garçon comme lui arrive à s’en sortir parce qu’il fait un travail qui est un travail tout à fait personnel, Cyril Auzou est un photographe qui fait tout à fait personnel, ce sont des gens qui arrivent à s’en sortir. Moi j’arrive à me débrouiller aussi parce que je suis dans un univers de pure créativité, j’ai des photos qui se sont vendues chez Yellow Corner. Donc je veux dire par là, si tu veux, c’est avec ces photos que je vis, ce n’est pas avec les photos de la presse, aujourd’hui la presse ne me demande plus rien. Si, de temps en temps on me demande une photo parce qu’ils savent que j’ai travaillé dans le contexte du noir et blanc, que j’ai des photos qui sont un peu étonnantes dans le domaine animal, etc. Mais aujourd’hui les photographes qui sont des vrais photographes de nature ou animalier et qui gagnent bien leur vie avec leur métier, il n’y en a plus.
Régis Moscardini : Alors peut-être un conseil qu’on pourrait donner à ceux qui veulent percer dans ce métier et c’est bien qu’il y en ait parce que c’est important qu’il y ait des jeunes qui veulent y aller, c’est quoi, c’est de se trouver une identité, un univers particulier, c’est de ne pas faire comme tout le monde, c’est quoi en fait le conseil à donner pour ceux qui écoutent ton discours aient quand même la motivation d’aller un peu plus loin ?
Alain Pons : Le problème, il est qu’il faut inventer quelque chose. Mais les photos qui sont aujourd’hui utilisées sont tellement mauvaises, mais c’est tellement lamentable parce qu’il n’y a rien, parce qu’en fait à notre époque on avait de la chance, à cette époque-là il fallait 10 ans pour devenir photographe professionnel minimum, aujourd’hui il faut 6 mois.
Régis Moscardini : Oui.
Alain Pons : Pourquoi ? Parce qu’un photographe qui va même faire une photo avec son iPhone, même si la lumière n’est pas bonne, elle va être nette, elle va être impeccable. Et il va croire que parce que le matériel est de tout premier niveau, il va croire qu’il va pouvoir réaliser ses images comme il a en nombre, ce qui est totalement faux.
Régis Moscardini : Alors un mot à retenir de tout ce que tu dis là, c’est créativité, c’est de vraiment être créatif, créatif dans tous les sens du terme, pour percer ?
Alain Pons : Mais exactement. Pour moi, il est essentiel, il est essentiel qu’un photographe est une culture en photographie. Si tu prends par exemple, moi je l’ai fait c’est pour ça que je peux te le dire, parce que j’ai donné des conférences, etc., si tu prends une salle et que tu interroges les gens qui sont des photographes dans cette salle, que tu leur demandes quels sont ceux qui dans les derniers 6 mois ou dans les derniers 3 mois sont allés voir une exposition ou de peinture ou de photo ou de sculpture, qu’ils lèvent la main, tu vas t’apercevoir que sur une salle de 1.000 personnes, tu en as 3 qui vont lever la main.
Régis Moscardini : Oui.
Alain Pons : Et ça c’est catastrophique. C’est-à-dire qu’il n’y a plus chez ces gens-là de culture photographique, ils ne savent pas qui est qui, ils ne connaissent pas leurs pairs, ils ne savent même pas quels sont les grands photographes qui les ont précédés, ils ne savent même pas qui sont les grands reporters qui les ont précédés. Et ça, je trouve ça terrible. Et en plus de ça, comme ils n’ont aucune culture artistique, ils ne peuvent pas savoir où ils se situent. Ils se sont payé un safari, ils ont photographié un combat de lions dans un endroit à un moment donné, à midi ils ont fait des photos, etc., ils reviennent, ils pensent qu’ils sont professionnels. Mais non. Ils ont simplement eu la chance d’assister à un combat de lions dans un contexte particulier. Point. Mais je t’assure, c’est pour ça que je te parlais de ce test que j’ai fait à propos de la culture des gens dans le domaine photographique, c’est catastrophique. Quand tu vas dans d’autres domaines, dans d’autres secteurs de la photo, tu t’aperçois que le niveau de la photo animalière est quand même paradoxalement bas.
Régis Moscardini : Tu veux dire que techniquement, artistiquement, de manière créative, la photo animalière est plus basse
Alain Pons : Elle est très pauvre, elle est extrêmement pauvre.
Régis Moscardini : Par rapport à d’autres domaines comme la rue, l’architecture ou d’autres choses ?
Alain Pons : Oui, tout à fait.
Régis Moscardini : Et tu attribues ça à un manque de culture photographique au sens large ?
Alain Pons : Oui, voilà. Parce que le problème est simple. Quand tu photographies un animal, c’est lui qui fait tout le boulot.
Régis Moscardini : Oui.
Alain Pons : C’est-à-dire que toi, tu es là simplement pour l’enregistrer.
Régis Moscardini : D’accord.
Alain Pons : Or, si tu te contentes de ça, tu vas avoir une photo qui va être noyée au milieu d’un million d’images identiques.
Régis Moscardini : Je suis photographe de mode, j’ai un modèle en face de moi, si je me contente du comportement du modèle, je n’irai pas très, très loin ?
Alain Pons : Ah, ça c’est clair ! Mais non seulement tu ne vas pas aller très loin, mais tu vas te faire dégager très vite, très très vite. Et là je peux t’assurer qu’ils ne font pas de cadeaux. Alors que dans le domaine animalier, tu fais une photo, tu la fous sur un forum, tu la montres, ah c’est beau, c’est un chevreuil, c’est sympa, la lumière est pas mal. Mais il n’y a rien dedans.
Régis Moscardini : C’est super intéressant ce que tu dis, vraiment ça remet les choses à leur place parce que moi, très longtemps je pensais que justement, étant photographe animalier, je me disais, c’est dur parce que l’animal, la nature elle est capricieuse, elle n’est jamais là où il faut, il y a ce côté difficile là, mais c’est vrai que par contre c’est l’animal qui fait tout le boulot. Et je me disais à l’inverse qu’un photographe de mode, c’est plus simple, on peut demander au modèle de sourire, on peut lui demander de se baisser tranquillement. Bon, voilà. Mais finalement ce serait presque l’inverse ?
Alain Pons : Si tu ne sais pas photographier, tu n’as aucune chance.
Régis Moscardini : C’est vrai.
Alain Pons : Même avec le plus beau sourire que le modèle va te faire, tu n’as aucune chance.
Régis Moscardini : Quoi faire pour avoir une bonne culture photographique ? S’acheter des livres ?
Alain Pons : Il faut un, voilà, tu as déjà répondu à une première question, il faut bouquiner un maximum
Régis Moscardini : Et pas que la photo animalière ?
Alain Pons : Et pas que de la photo animalière. Il faut aller voir des expositions de peinture, il faut aller voir des manifestations qui sont des manifestations culturelles au cours desquelles tu vas pouvoir voir comment les gens travaillent dans le domaine de la décoration, etc. Plus tu vas pouvoir nourrir ton esprit de toutes ces images, de toute cette conceptualité, mieux tu vas réussir ce que tu vas entreprendre. C’est aussi simple que ça.
Régis Moscardini : D’accord.
Alain Pons : Mais je peux t’assurer que si tu fais un sondage auprès des photographes que tu vas interroger, demande leur simplement quelles sont leurs références sur le plan pictural, aussi bien dans le domaine de la photo, tu vas leur demander de te citer 3 ou 4 grands photographes dans le domaine dans lequel tu vas les interroger, dans le domaine animalier par exemple, tu n’en as pas un, tu vas voir ce que je te dis, qui va te donner des informations sur tel ou tel photographe. Mais est-ce que tu te rends compte que j’ai eu la chance dans ma vie de rencontrer Robert Doisneau et de vivre avec lui en amitié pendant quelques mois avant qu’il décède. J’ai eu la chance de côtoyer Jean-Loup Sieff qui était un extraordinaire photographe de mode. J’ai eu la chance de rencontrer des photographes de cet ordre-là. J’ai eu la chance de rencontrer Salvador Dali. J’ai eu la chance de rencontrer des gens de cet acabit-là.
Régis Moscardini : D’accord.
Alain Pons : Mais tu n’imagines pas ce que ces gens sont précieux dans un parcours.
Régis Moscardini : Alors évidemment on n’aura pas tous la chance de rencontrer des gens comme tu l’as fait mais …
Alain Pons : Bien sûr.
Régis Moscardini : Mais on peut les rencontrer de manière …
Alain Pons : On peut rencontrer leur travail.
Régis Moscardini : Leur travail exactement. D’accord.
Alain Pons : Mais absolument. Moi j’ai eu cette chance parce que ça s’est produit de cette manière-là mais j’ai passé ma vie, il faut dire que j’ai fait des études pour ça, mais j’ai passé ma vie à aller voir des expositions, à bouquiner, à lire des livres, à regarder qui était qui, pourquoi celui-là on parlait de lui, etc., etc. Et je me suis rendu compte que c’était d’une richesse exceptionnelle.
Régis Moscardini : Alors je résume, il faut donc pour être un bon photographe animalier ou un très bon, il faut, évidemment il y a l’aspect technique et matériel, ça on ne peut pas y couper mais ce n’est pas ce qui prime
Alain Pons : Ce n’est pas une obligation.
Régis Moscardini : Mais ça compte un petit peu ?
Alain Pons : Ça compte.
Régis Moscardini : Ça compte.
Alain Pons : Ça compte un peu mais ce n’est pas l’essence de ce travail.
Régis Moscardini : Et ensuite il faut avoir des connaissances naturalistes évidemment
Alain Pons : Ah bah oui !
Régis Moscardini : Et en plus des connaissances et de la culture artistique, et c’est souvent là où le bât blesse.
Alain Pons : Complètement.
Régis Moscardini : Est-ce un avantage pour toi de maitriser toute la chaine de l’image, de la prise de vue jusqu’à l’édition en passant par le graphisme, la mise en page ?
Alain Pons : Non. Ce n’est pas indispensable.
Régis Moscardini : Ce n’est pas indispensable ?
Alain Pons : Non. C’est un avantage en revanche, tu l’as dit, c’est un avantage tout simplement parce que ça permet de pouvoir s’aider soi-même et d’aider les autres en même temps.
Régis Moscardini : Oui.
Alain Pons : Mais c’est en plus un choix que j’ai fait il y a très longtemps.
Régis Moscardini : Je voulais te demander si ça ne nuisait pas à ton travail purement de photographe, de production photographique ?
Alain Pons : Au contraire.
Régis Moscardini : Au contraire, d’accord.
Alain Pons : Mon travail de graphiste me permet, comment dirais-je, d’être sélectif. Quand tu rencontres une girafe dans la nature, je prends l’exemple d’une girafe parce que c’est ce qui me vient à l’esprit, c’est d’une banalité effrayante, la girafe c’est un animal très difficile à photographier, que tu peux photographier verticalement ou horizontalement mais plutôt verticalement. Or, c’est vrai que ce n’est pas franchement le pied de te créer avec une photo verticale. Ce qui est important, ce n’est pas la girafe en soi, c’est que le résultat que tu vas obtenir soit à la hauteur de ce que tu as voulu faire. C’est-à-dire que la girafe n’est qu’un élément qui va te permettre d’accéder à un niveau artistique que, lui, tu auras cherché.
Régis Moscardini : Oui, je comprends. C’est-à-dire qu’il faut quand même avoir en amont une certaine idée de ce que l’on veut faire ?
Alain Pons : Moi, le fait d’accompagner des voyages parce que ça fait quand même 30 ans, non pas 30 ans, ça fait depuis 1985 que j’accompagne des voyages, j’ai même créé une entreprise qui était dédiée aux voyages photographiques et qui a été la première en France et même en Europe à ne faire que ça, à ne faire que ça. Donc on l’a fait à un moment donné, j’en suis parti mais je continue à accompagner des gens qui veulent photographier. Mais quand je vois les gens, la manière dont ils arrivent, je dirais que j’essaie de le remettre dans le chemin essentiel de la photographie, c’est-à-dire que j’essaie de ne pas faire correspondre le nombre d’animaux qu’ils vont voir avec le nombre ou la quantité d’argent qu’ils ont dépensé pour venir dans ce voyage, j’essaie de leur apprendre la vie des animaux qu’ils vont rencontrer, j’essaie de leur montrer les animaux, de quelle manière on les observe, de quelle manière on les suit, de quelle manière on anticipe, de quelle manière on raconte leur histoire, de quelle manière on vit avec eux, etc., etc. Mais je peux t’assurer que les gens quand ils sont dans ces voyages-là, s’il y en a que tu veux interroger il n’y a pas de souci, mais ce sont des gens qui sont totalement transformés sur la manière de photographier.
Régis Moscardini : Tu ne les emmènes pas avec toi, tu ne les fais pas payer pour être avec toi pour avoir des photos de girafe par exemple, c’est toute une démarche beaucoup plus large que ça ?
Alain Pons : Ah, mais complètement. Mais ça ne m’intéresserait pas de les emmener pour autre chose que ça. Moi, ce qui m’intéresse, c’est que ces gens-là soient passionnés de nature, passionnés de photo et qu’ils veulent construire une image qui va raconter le moment qu’ils ont vécu avec l’animal.
Régis Moscardini : Et ça c’est plus difficile que d’appuyer sur le déclencheur ?
Alain Pons : Ah, mais bien entendu. Alors, j’en ai bien sûr qui appuient sur le déclencheur, je ne vais pas les condamner non plus, mais le problème c’est que ce n’est pas le but. J’essaie de leur expliquer que ce n’est pas ça le but, le but ce n’est pas de tirer une rafale sur un animal qui est en train de courir, encore que s’il est en train de courir, là il y a des excuses. Mais sur un animal qui est statique, tu prends l’exemple d’un léopard qui est allongé sur une branche d’arbre, il est là, tu as 2 heures devant toi pendant lesquelles tu vas pouvoir faire des photos.
Régis Moscardini : Bien sûr.
Alain Pons : Tu ne vas pas quand même arriver et commencer à mitrailler, et j’en ai vu, j’en ai vu, j’en ai entendu.
Régis Moscardini : Ils ont le doigt un petit peu lourd, c’est pour ça.
Alain Pons : Il y en a qui ont le doigt un petit peu lourd, oui, ça c’est clair.
Régis Moscardini : Je voudrais à présent évoquer avec toi, Alain, le projet, qui n’est plus un projet je pense, parce que maintenant il est quand même bien avancé, c’est « Une image sur le mur ».
Alain Pons : Absolument.
Régis Moscardini : Alors c’est quoi exactement « Une image sur le mur », s’il te plait, est-ce que tu peux nous expliquer ?
Alain Pons : « Une image sur le mur », si tu veux, ça va se développer, pour le moment c’est encore un peu de boulot
Régis Moscardini : C’est nouveau mais c’est joli !
Alain Pons : Oui, voilà. Mais c’est un concept, c’est de mettre à disposition d’une clientèle potentielle des images pour la décoration de la maison, c’est-à-dire que l’on peut mettre aussi bien des photos en noir et blanc qu’en couleurs que conçues que réalisées, pour les gens qui sont passionnés par la nature et qui ne savent pas photographier ou qui préfèrent acheter les photos des autres, etc. Donc le but est celui-ci.
Régis Moscardini : J’invite ceux qui nous écoutent à y aller, c’est uneimagesurlemur.com tout simplement, rien déjà pour la beauté du site. Alors c’est vrai c’est un site commercial au sens où on achète
Alain Pons : Absolument.
Régis Moscardini : Des photos, mais le site est très joli, très bien fait, et en plus les photos que tu proposes sont très belles, et je crois que ce qui te distingue d’autres tireurs de photos, c’est vraiment, c’est quoi, c’est la qualité, c’est les dimensions, c’est les formats ?
Alain Pons : Mais c’est une qualité hors pair. En fait, moi je n’ai pas l’intention de vendre des photos juste pour vendre une quantité photographique, je partage un art avec des gens qui sont sensibles à ce que je fais. Quand je dis je partage un art, c’est-à-dire que, c’est peut-être prétentieux ce que je vais te dire, mais je m’identifie si tu veux à toute la gente artistique. C’est-à-dire que je considère que les photos, quand je les travaille, moi quand je travaille des photos, je ne me contente pas d’appuyer sur le bouton sur Photoshop qui va me permettre de les mettre en noir et blanc, ça ne m’intéresse pas.
Régis Moscardini : C’est une vraie démarche artistique.
Alain Pons : Absolument, moi je passe une semaine quand je travaille une photo.
Régis Moscardini : Comme un artiste peintre va passer une semaine voire plus sur sa peinture ?
Alain Pons : Complètement. Il m’est arrivé d’arrêter de travailler sur une photo et d’y revenir après deux, trois semaines parce que je l’avais en tête et que je voulais voir absolument ce que j’avais en tête, et puis de ne pas réussir, de la laisser de côté et puis de revenir après, etc., parce que je ne veux pas que la photo soit simplement un cliché, un instantané fait à un moment donné, à l’instant t, ça ne m’intéresse pas.
Régis Moscardini : Alors j’imagine, je sais bien que ça les vaut mais on est tellement habitué à voir des tarifs low cost sur plein de tireurs d’images, c’est toujours moins cher et en plus grande quantité, toi c’est tout l’inverse ?
Alain Pons : Oui.
Régis Moscardini : C’est 140 euros pour un contre-collage de 30 cm sur 45, c’est vrai que ça peut paraitre surprenant un tel tarif mais finalement quand on t’écoute, ce n’est pas si surprenant que ça ?
Alain Pons : Voilà. Le problème est qu’effectivement c’est là où il y a une ambigüité. C’est que je n’ai pas le contact avec tous ceux qui veulent acheter une photo pour leur expliquer ça. Moi, je veux que ces gens-là quand ils vont avoir fait la démarche d’acheter une image, ils aient le plaisir de la regarder et de lire l’histoire de cette photo en la regardant, en se disant à un moment donné,jusqu’à ce qu’ils se disent à un moment donné, je ne regrette pas d’avoir mis cet argent dans une image.
Régis Moscardini : Et il faut voir ça comme un tableau d’artiste peintre
Alain Pons : Bien sûr.
Régis Moscardini : J’ai été faire une exposition il n’y a pas très longtemps, en bas de chez moi, j’ai la chance d’avoir une galerie où il y a régulièrement une exposition, il y a des expositions faites sur la photo des peintres locaux, et le tarif c’est ça, on n’est pas loin des 500 euros pour du 60 par 90 par exemple, mais ça fait partie de la culture de la peinture.
Alain Pons : Tout à fait.
Régis Moscardini : En photo on n’est pas dans cette optique-là et un tel tarif peut surprendre, et en fait non.
Alain Pons : Voilà, là je suis d’accord avec toi, c’est simplement parce que le tirage qu’ils vont avoir ne ressemblent en rien à un tirage lambda, c’est un tirage de très grande qualité, toutes les photos sont signées, numérotées, et il n’y a pas 50.000 photos qui vont se balader dans la nature.
Régis Moscardini : C’est ça. Alors là j’invite vraiment encore une fois les auditeurs, les lecteurs à aller voir le site, ne serait-ce que pour le site, mais en plus pour voir quand même le concept qui mérite le détour. Pour finir une question traditionnelle, j’aimerais que tu fasses s’il te plait, alors tu as dû prendre des milliers et des milliers de photos dans ta vie de photographe, mais j’espère que tu t’en rappelleras en tout cas de celle dont je vais te parler maintenant. Je voudrais que tu fasses le making of d’une de tes photos, alors j’ai choisi une photo de groupe de Massaïs dans le parc du N’Gorongoro en contre-jour d’un coucher de soleil. Elle est vraiment magnifique.
Alain Pons : Ah oui, d’accord.
Régis Moscardini : Donc ce n’est pas un animal, on n’est pas dans l’animalier, on est quand même dans la nature, dans le reportage du safari, on est quand même là-dedans finalement. Est-ce que tu revois cette image-là ? J’aimerais, s’il te plait, que tu nous expliques un petit peu les conditions de prises de vue, qu’est-ce qui t’a amené à avoir ce résultat-là qui, en plus d’être graphique, raconte quelque chose, c’est vraiment une superbe image.
Alain Pons : Ce sont simplement des Massaïs qui ont dû à ce moment-là, c’est dans l’aire de conservation du N’Gorongoro en Tanzanie, ce n’est pas dans le cratère, c’est du côté de la partie des plaines et forêts, enfin ce que l’on appelle les savanes arbustives, c’est-à-dire qu’il y a des arbres comme tu peux le voir, et ces Massaïs-là ce sont des Massaïs, des jeunes, qui se sont réunis certainement à ce moment-là parce qu’ils ont dû à un moment donné préparer leur départ pour emmener leurs troupeaux, et il s’est trouvé que moi je suis passé à ce moment-là, on s’est arrêté parce que je pense, il me semble que c’était ça, la voiture a dû s’arrêter pour une personne qui avait besoin d’aller aux toilettes, et puis ces gens-là étaient un petit peu plus loin, j’ai sorti mon appareil photo parce que j’ai trouvé que ce contraste avec les Massaïs et ce soleil levant était absolument extraordinaire.
Régis Moscardini : Alors le résultat est super. Ce n’est pas un groupe que tu suivais en fait ? C’est vraiment l’opportunité ?
Alain Pons : Pas du tout. C’est le hasard le plus absolu. Et en plus ce que j’ai fait, c’est qu’ensuite pour la qualité du noir, parce que je ne voulais pas que les Massaïs se détachent de ce décor par la couleur, j’ai travaillé un petit peu de telle manière à ce que le noir soit renforcé.
Régis Moscardini : On le voit. D’ailleurs le noir est vraiment très sombre, très noir, très profond et il y a de petits traits de dorés qui rappellent une peinture justement, c’es très très beau.
Alain Pons : Mais c’est ça qui m’a intéressé si tu veux, c’est qu’en fait quand j’ai vu que cette image-là, moi je n’étais pas très favorable au fait de, comment dirais-je, de fixer et de centraliser les Massaïs dans la photo mais ça s’est trouvé comme ça, il a fallu que je fasse très très vite parce qu’il fallait qu’on rejoigne un endroit, bon bref, toutes les contraintes matérielles qui peuvent exister, j’en ai fait 2 ou 3 de cette série-là, c’est vrai que celle-là est celle qui m’a le plus intéressé.
Régis Moscardini : Alors juste techniquement parce que ça intéresse quand même pas mal de gens qui nous écoute, techniquement comment faire pour procéder, pour avoir ce résultat-là, techniquement qu’est-ce qu’il faut faire avec son appareil ?
Alain Pons : Techniquement ce n’est pas sorcier parce que le lever du soleil était en train de se produire, le soleil était quand même assez haut, et habituellement quand tu fais une photo comme ça tu es obligé de surexposer un petit peu pour que la couleur soit assez bonne, mais là je n’ai pas eu besoin parce que le contraste était fort, le contraste était très fort.
Régis Moscardini : D’accord.
Alain Pons : Ce qui fait que moi j’ai fait ma prise de mesure sur le paysage, le paysage bien entendu il s’étendait de part et d’autres de la photo, j’ai fait ma prise de mesure sur le paysage que j’ai bloquée et je suis allé photographier les Massaïs. Alors à l’époque, c’était quand même de l’argentique mais on pouvait le faire.
Régis Moscardini : Donc mesure de lumière sur le paysage
Alain Pons : Sur la couleur en fait.
Régis Moscardini : Sur la couleur environnante et mise au point sur les Massaïs.
Alain Pons : Voilà. Oui, parce que de toute façon les Massaïs avec la couleur et le contre-jour qu’il y avait, les Massaïs allaient devenir automatiquement noirs, plus noirs.
Régis Moscardini : Bien sûr. C’était le but de la manœuvre.
Alain Pons : Oui, tout à fait.
Régis Moscardini : D’accord. Très bien. Je te remercie beaucoup, Alain Pons, c’était très intéressant.
Alain Pons : Pas de problème. Je suis très heureux de t’avoir rencontré et d’avoir pu te parler de choses que l’on aime l’un et l’autre.