Dans son livre de 2013 « Doing Bad by Doing Good », l'économiste, Christopher Coyne, de l'Université George Mason, explique pourquoi des mesures destinées à atténuer les souffrances finissent par les exacerber. La plupart des gens conviennent que les pays riches ont une certaine responsabilité d’aider et de soulager les difficultés des zones sinistrées. Mais, alors que nous sommes plutôt clairs sur nos objectifs, nous nous demandons rarement si le gouvernement peut effectivement les accomplir. Nos efforts à l'étranger ont tendance à être annihilés par l'analphabétisme culturel. Sans le vouloir, nous créons des incitations perverses néfastes pour ceux que nous essayons d'aider.
L'aide étrangère est le principal outil de l'action humanitaire publique utilisé par les États riches, membres de l'Organisation de coopération économique et de développement économiques (OCDE). Bien que de telles dépenses comptent pour une simple goutte dans l'océan les budgets des nations donatrices, la somme combinée des dons des gouvernements à travers le monde est assez conséquente pour causer de gros problèmes dans les économies en développement. Durant l'exercice 2013, les pays de l'OCDE ont dépensé un total de 138 milliards de dollars en aide étrangère. De 1962 à 2012, ils ont contribué par un montant cumulatif de 3,98 trillions de dollars.
On a longtemps cru qu’acheminer l'argent aux communautés nécessiteuses pourrait relancer la croissance économique. Pourtant, plusieurs études ont démontré le peu d’impact de l'aide étrangère sur le développement économique. Prenez l'Afrique comme exemple. À ce jour, le continent a reçu plus de 600 milliards de dollars d'aide extérieure. Les données de la Banque mondiale montrent que la majorité des dépenses des gouvernements des pays africains provient directement de l'aide étrangère. Pourtant, une grande partie de l'Afrique reste appauvrie et la corruption persiste.
Dans son livre en 2009 « Dead Aid : Why Aid Is Not Working and How There Is a Better Way to Help Africa »,l'économiste Dambisa Moyo, née en Zambie, qualifie l'aide étrangère en Afrique de « désastre économique, politique et humanitaire absolu », qui a effectivement rendu le continent plus pauvre. Les Africains auront du mal à reconnaitre la légitimité de leurs gouvernements tant que des dépenses pour l'éducation et des soins de santé sont assurés grâce à de pays étrangers, explique-t-elle. Pour Moyo, les dépenses de l'aide continuent de renforcer la perception des gouvernements africains comme étant inefficaces, et il est presque impossible pour eux de se libérer de la dépendance à l'aide étrangère. Aussi elle explique que: « coincés dans un environnement d’aide, il n’ y a aucune incitation pour les gouvernements à chercher d'autres moyens plus efficaces et plus transparents pour financer le développement ».
Bien sûr, la quantité de preuves ne peut dissuader un véritable croyant. Parmi les croyants en l'aide étrangère, l'économiste Jeffrey Sachs, de l'Université de Columbia, auteur de « La Fin de la pauvreté » en 2006 et champion du projet expérimental (et controversé) des Villages du Millénaire de l'Organisation des Nations Unies. Sachs reconnaît que l'aide étrangère échoue souvent, mais il appelle quand même à la conception de « programmes d'aide plus efficaces ». Il soutient que les programmes d'aide peuvent être efficaces. Malheureusement, lui et ses acolytes n’ont pas réussi à s’attaquer à la raison fondamentale expliquant l’échec de l’aide : les gouvernements n’ont pas assez d'informations pour identifier le meilleur usage de chaque dollar dépensé. Les gens sont obligés de faire la course aux ressources dans l'arène politique, et l'argent va en fin de compte à ceux qui ont le plus de connexions, mais pas aux personnes qui ont en le plus besoin.
Les fournisseurs d’aide ont aussi du mal à identifier quels sont les investissements les plus appropriés pour une économie en développement. En conséquence, l'argent finit par être affecté à de mauvais projets. Ces éléphants blancs non seulement ne parviennent pas à stimuler la croissance économique, mais souvent détournent des ressources rares à des fins destructrices. L'argent de l'aide devient un outil d'oppression plutôt que d’émancipation. Comme Moyo l’a déclaré dans un essai au Wall Street Journal en 2009 : « Un flux constant d'argent « gratuit » est un moyen idéal pour maintenir au pouvoir un gouvernement inefficace ou tout simplement mauvais ».
Bill Easterly de l'Université de New York a fait un excellent travail en décrivant la tendance des organisations internationales à justifier leurs échecs dans son livre de 2008 « le fardeau de l'homme blanc ». Comme les gouvernements, les institutions d'aide multilatérales peuvent souffrir de la rigidité de la planification centralisée, ce qui rend difficile d’identifier les erreurs et leurs responsables, et de trouver des moyens pour mieux servir leurs « clients ».
L'aide étrangère souffre d'un problème « Principal-Agent », où les organisations privilégient les intérêts politiques et commerciaux des pays donateurs au détriment des besoins des pays bénéficiaires. En 2012, par exemple, l'Egypte a reçu 1,3 milliard de dollars d'aide militaire des États-Unis. La plupart de ces fonds ont transité par le programme de financement militaire à l'étranger (FMF), qui octroie aux gouvernements étrangers des subventions pour l'acquisition des équipements et des services de la défense des États-Unis. L'un des objectifs du programme, selon le Département d'État, est de « renforcer la base industrielle des États-Unis par la promotion de l'exportation de biens et services liés à la défense des États-Unis ». Si l’on traduit ce jargon bureaucratique, cela signifie que si le FMF donne des dollars aux gouvernements étrangers, il le fait non pas pour aider les gens sur le terrain, mais pour soutenir les entrepreneurs et les fabricants américains. Cela est valable pour beaucoup d'autres programmes d'aide.
Les problèmes causés par la pauvreté et les catastrophes naturelles sont énormes, mais le bilan de l'aide suggère qu’elle fait empirer les choses. Nos voisins du monde entier méritent mieux de notre part. Pour bien les servir, nous devons avoir l'humilité d'admettre que nous n’avons pas toutes les réponses.
Veronique de Rugy, docteur-chercheur au Centre Mercatus à l'université George Mason - Article initialement publié par Reason.com – Traduction réalisée par Libre Afrique - Le 9 janvier 2015