L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) française a décidé de stopper les opérations liées à la construction du réacteur EPR de Flamanville (Manche), en particulier les opérations de coulage de béton et de ferraillage. L’information a été révélée par le site Internet du quotidien Ouest France et Radio France Bleu Cherbourg, puis reprise par le journal de midi de France 3 Normandie.
« Suite à une injonction de l’ASN, qui a constaté une énième anomalie dans le ferraillage de l’îlot destiné à supporter le futur réacteur EPR, EDF a été contraint de suspendre les travaux. Le chantier est donc interrompu, déclare Yannick Rousselet, responsable de la campagne Énergie de Greenpeace France. Cette décision est d’une extrême importance et confirme ce que nous dénonçons depuis des semaines : de nombreux problèmes s’accumulent sur le site de construction de l’EPR depuis le début du chantier. Voilà enfin EDF sommé de fournir des explications »
Depuis la fin du mois d’avril, Greenpeace a donné l’alerte suite aux divers courriers adressés à EDF par l’ASN, qui dresse, depuis le début du chantier en décembre dernier, une liste de problèmes récurrents : utilisation de béton de qualité inadaptée, fissures dans le béton, non-conformités ou absence de ferraillage pour le béton de la plateforme support réacteur,des soudures non conformes réalisées par un fournisseur, non qualification de certains opérateurs en particulier des soudeurs en charge de la réalisation du « liner » (coque en acier de protection interne), contrôles qualité inexistants ou inadéquats, variations non autorisées entre les plans « papier » du projet initial et la mise en œuvre, incapacité à réparer ces erreurs de façon satisfaisante (voir les lettres de l’ASN des 25 janvier, 19 février et 12 mars, sur www.asn.fr).
« Ce matin, invité sur la radio RTL, le président de la République Nicolas Sarkozy a affirmé que l’EPR était une solution à la montée des prix du pétrole… On voit bien aujourd’hui qu’avec le nucléaire la France parie sur le mauvais cheval : ce n’est pas l’atome qui fait avancer les voitures et l’EPR n’est qu’un coup de bluff d’Areva, reprend Yannick Rousselet. Sans surprise, le chantier français prend le même chemin catastrophique que le chantier finlandais. Ce qui se passe en Finlande et en France prouve que le nucléaire, c’est trop tard, trop cher, trop risqué. Le projet EPR doit être abandonné. »
Le chantier de l’EPR finlandais, le premier lancé mi-2005 par Areva, avant celui de Flamanville, en France (Manche), était censé faire office de vitrine mais a vite tourné à la catastrophe. Le réacteur finlandais d’Olkiluoto a déjà accumulé deux ans de retard depuis le début de sa construction : le contrat prévoyait une connexion du réacteur EPR au réseau finlandais pour le premier semestre 2009. En réalité, ce ne sera fait au plus tôt qu’en 2011, voire plus tard. Le dépassement budgétaire est désormais évalué à 1,3 à 2,2 milliard d’euros selon les experts. En clair, au lieu des 3,3 milliards convenus au départ, l’EPR finlandais devrait coûter au moins 4,5 milliards d’euros. Enfin, les problèmes techniques s’accumulent, relevés par l’Autorité de sûreté nucléaire finlandaise : faible qualité du béton destiné aux fondations ou défauts des soudures ou des composants du réacteur, autant d’éléments qui impliquent des risques potentiels en matière de sûreté. Le gouvernement finlandais, qui avait misé sur la mise en route du réacteur pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, a bien du mal à atteindre ses objectifs fixés dans le cadre du protocole de Kyoto, mais aussi à assurer un approvisionnement d’énergie fiable dans les années à venir.