d'après MAGNETISME de Maupassant
Les matelots quittaient ce port
Plusieurs mois par an
Pour pêcher dans le Grand Nord.
Or, une nuit, l’enfant
D’un de ces terre-neuvas
En sursaut se leva
Et se mit à clamer :
« Pé est mort à la mé ! »
On apaisa le jeunot
Mais il se réveilla de nouveau
Et hurlait : « Pé s’est noyé ! »
Un mois plus tard, on apprenait
La noyade de son père, arraché du pont.
La veuve se souvint du rêve de son garçon.
C’était un miracle bien singulier.
Tout le monde était stupéfié.
Les dates furent rapprochées. Voilà :
La même nuit, à la même heure, c’est bizarre,
Coïncidaient l’accident et le cauchemar.
Mystère du magnétisme, n’est-ce pas ?
J’ai interrogé plusieurs veuves
De marins et j’eus la preuve
Que pas une semaine complète
Ne se passait sans qu’un garçonnet
Ou une fillette
Ne rêvat
Et annonçat :
« Le pé est mort à la mé ! »
Si, par hasard, une prédiction
Coïncide avec une disparition,
On crie au miracle aussitôt
Car on oublie de facto
Les songes restés sans confirmation.
J’ai considéré la question
Sur cinquante auteurs de présages
De différents âges :
Huit jours plus tard,
Ils avaient oublié leurs racontars.
Mais si un pêcheur était mort,
La mémoire se réveillait tel un ressort.
Et l’on célébrait l’intervention de Dieu…
Ou le magnétisme, pour les non-religieux.
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Dans mon cercle de relations,
Il se trouvait
Une femme qui n’avait jamais
Retenu mon attention.
Je la classais parmi les insignifiantes
Bien qu’elle ne fut ni laide ni distante.
Elle était de ces êtres compassés
Qui ne retient pas la pensée.
Une nuit, je fus surpris :
Un frisson du cœur passa dans mon esprit.
Je vis cette femme en sa totale nudité.
Je lui découvrais mille qualités
Et un charme que je n’avais jamais observé.
Je me réveillai : j’avais rêvé.
Chacun de nous a déjà pu noter
Qu’un songe pouvait abriter
Une femme désirée,
L’étreindre, l’accaparer.
Eh bien ! Cette jeune femme fut à moi !
La douceur de sa peau
Me restait aux doigts.
Son parfum enivrait mon cerveau.
La tendresse de ses baisers
Sur mes lèvres persistait.
Au matin, je me suis habillé
Et, cœur battant, je suis allé
La voir chez elle
Avec un désir véhément pour elle.
Là, nos yeux se croisèrent.
Elle me fit asseoir sur une bergère.
Je balbutiai des banalités
Qu’elle ne semblait pas écouter.
Alors, je me jetai sur elle brusquement
Et mon rêve s’est accompli.
Je vous le dis :
Elle fut ma maitresse pendant deux ans.
Que s’était-il passé ?
Une coïncidence ? Qui sait ?
Un regard non remarqué ?
Une attitude inexpliquée ?
D’où viennent ces mystérieux
Sentiments affectueux
Négligés par la conscience,
Et inaperçus par l’intelligence ?
Si, après cela, vous ne croyez pas
Au magnétisme, vous êtes un ingrat !