Car je suis en colère. Je suis Charlie. Je suis chagrin. Ce besoin d’évacuer est finalement nécessaire. Et mes lectures à ce sujet me ramènent finalement à ce « pourquoi pas moi ». Après tout on parle de liberté d’expression. Ces gens qui en ont fait les frais sont tous plus ou moins à l’origine de notre envie d’écrire, de rire, de partager. Et ils sont représentatifs de notre chance, notre droit, dans ce pays de le faire. Même si pour eux ce fut à leur péril.
Deux jours. La vie reprend le dessus. La liberté d’expression explose, Dieu merci (Allah aussi). Elles seront plus fortes. Espérons-le.
Mais c’est bientôt la fin. La fin de la séquence émotion, de la séquence solidarité. Déjà des voix s’élèvent. Déjà des clivages se forment. Déjà d’autres coupables sont désignés. Et de nouvelles victimes s’inventent. Alors qu’on traque les vrais coupables, et que les vraies victimes ne sont pas encore inhumées.
La fin de l’innocence, du moins provisoirement, pour mon petit Monsieur. 4 ans seulement et déjà des larmes au sujet de l’actu. L’inconvénient d’une écoute active de la radio, est que les enfants écoutent, alors que happés par des images télévisuelles auxquelles ils ne comprennent rien, ils ne font qu’entendre, sans trop prêter attention, sans trop poser de questions. Mais là, il avait tout capté. Moi qui pensait que ça rentrait par une oreille pour ressortir par l’autre. En deux questions, deux définitions, deux mots, il avait résumé l’horreur de l’événement : Maman, ça veut dire quoi barbare ? Maman, ça veut dire quoi liberté ? Barbarie – Liberté : Oui mon fils, la barbarie s’en est prise à la liberté. Quand son Papa est rentré le midi, lui qui n’avait écouté le matin dans sa voiture qu’un disque, il n’était pas au courant. Petit Monsieur lui a annoncé d’emblée « des barbares ont tué 12 personnes dans un journal ». Puis il en est resté là. Son quotidien de Petit Monsieur a repris le dessus. je pensais qu’il en resterait là. Et ce matin, rebelote : « tiens maman, ils parlent encore des barbares ». « Oui mon chéri, c’est parce qu’ils ne les ont pas encore arrêtés ». Et puis les larmes : « maman, j’ai peur qu’il viennent nous tuer. Les gens qu’ils ont tué, ils n’avaient rien fait ». J’ai réussi à le rassurer et le faire s’en tenir aux yeux qui brillent. La capacité des enfants à passer à autre chose est impressionnante, mais ils restent des éponges. Et quand on presse l’éponge, il en ressort toujours des choses.
Alors je suis encore plus colère. Je suis toujours autant Charlie. Et je suis encore plus chagrin. Et ça m’énerve.
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Je te laisse avec ce qui m’a plu, intéressée et même redonné le sourire sur le net :
Une compil de dessins : http://www.bdfugue.com/blog/hommages-je-suis-charlie
Celui-là m’a bien plu sur Twitter :
Celui là, de Bansky, est beau :
Et cet article du philosophe Abdennour Bidar est d’un intérêt notable :
http://blog.oratoiredulouvre.fr/2014/10/tres-profonde-lettre-ouverte-au-monde-musulman-du-philosophe-musulman-abdennour-bidar/
On reviendra de meilleure humeur dans quelques jours.