Supplée par l’intelligence !

Après « ne voyage pas comme ta malle », voilà un autre aphorisme de ma grand-mère (qui avait l’art de la formule lapidaire) : « supplée par l’intelligence ! » Elle l’utilisait pour toute question pour laquelle elle n’avait pas la patience de fournir des explications. Et elle était peu patiente.

Si l’écriture illisible est l’apanage des médecins, j’ai eu un président qui aurait pu être le plus célèbre d’entre eux. Son écriture, subtile mélange de proto-élamique mâtiné de patte de héron laissait perplexes ses subordonnés.

Si au bout de quelque mois j’arrivais à lire le texte intégral, j’ai eu des débuts difficiles, c’est la méthode du sens global qui permettait de s’en sortir.
Heureusement qu’il écrivait fort peu, préférant les injonctions verbales. Devenue la spécialiste de l’écriture présidentielle, j’étais très demandée.

Le décryptage n’apportait pas toujours un éclairage nouveau sur une stratégie économique en cours mais s’apparentaient plus souvent au fameux « je connais l’origine de cette dépense » dont Louis XIV émaillait les rapports de la Chambre des Comptes d’alors.

J’ai cependant des souvenirs encore très présents d’être restée 10 minutes à contempler trois mots en me répétant : supplée par l’intelligence, supplée par l’intelligence, supplée par l’intelligence…