Il y a quelque mois, je me suis « amusé » à écumer des blogs dédiés à la corrida, histoire d’essayer de comprendre ce qui peut bien passer par la tête des gens qui aiment à ce qu’on trucide un herbivore (veau ou taureau d’ailleurs) sous leurs yeux. Après tout, si une petite petite minorité de gens (au rang desquels figure notre bon Premier Ministre, Emmanuel Valls) s’accroche à ce spectacle, il y a forcément des raisons. En toute candeur, je me suis même dit qu’il existait peut-être là des arguments qui méritaient d’être entendus, même si je ne les partageais pas. Peut-être me faudrait-il passer outre ma répulsion initiale pour cette pratique, peut-être me fallait-il faire un certain effort, tenter de me mettre à la place des autres ?
Merdict ?
Bon autant vous le dire tout de suite, sans véritable surprise, je n’ai pas réussi à comprendre. En fait, à chaque fois que j’ai tenté de faire preuve de logique, je me suis heurté à des termes qui par définition, excluent cette dernière. Et le premier de ces termes, c’est sans conteste celui de « tradition ». Voilà bien un mot qu’on m’a invariablement agité sous le nez, comme s’il expliquait tout, comme s’il justifiait tout. La tradition n’a rien à voir avec la logique et le bon sens. Il s’agit juste d’un terme qui exprime l’idée selon laquelle on perpétue quelque chose parce qu’on l’a déjà fait auparavant, parce que, supposément, cela vient de loin, que le Temps l’a entériné, définitivement. La « tradition » est par nature, figée, conservatrice, monolithique.
En conséquence, la tradition ne souffre pas de contradiction ni de remise en question. Et au final, on entre doucement, par la petite porte, celle qui en apparence semble respectable, dans le domaine du dogme. Ainsi, plus souvent qu’à son tour, la notion de tradition permet effectivement de justifier l’injustifiable, d’accréditer l’abus, de piétiner la logique, la compassion, l’éthique, le bon sens et ironiquement la justice. Oui, la tradition peut confiner à l’absurde et n’a, par définition, pas de véritable fondement rationnel. On peut s’en défendre, mais je crois que souvent, la tradition a bien plus à voir avec la foi, la croyance, la religion, qu’avec quoi que ce soit d’autre.
Ainsi, de plus en plus, je n’apprécie guère qu’on se réfugie derrière la tradition et une certaine forme d’identité dès que l’occasion se présente. Suis-je un traître parce que je me bats contre la perpétuation d’une souffrance qu’on inflige un nom de la tradition du foie gras, de la corrida, de la lapidation ? Est-ce vraiment moi, comme on me le répète régulièrement, qui fais preuve de sentimentalisme (après tout, mes choix découlent-ils de constations rationnelles ou de croyances ?), d’intolérance et de sectarisme ? Étonnamment, je n’ai rien à redire lorsque la mairie décore les rues en périodes de fêtes. Suis-je un vil anarchiste (au sens populaire du terme) ? Un liberticide ? Y a-t-il de bonnes et de mauvaises traditions ? Est-ce mal de voir ce qu’il y a de mauvais dans certaines d’entre elles et de vouloir montrer mon désaccord ? J’avoue que je m’interroge. Sincèrement.
La tradition aux Îles Féroé.
Pourrida ?
Mais pour en revenir à la corrida, forcément, vu tout ce que je viens de dire, je ne pouvais rien trouver qui m’incline à penser que ce « spectacle » véhicule la moindre valeur digne d’être cultivée par une société qui se dit « moderne ». Aussi, pour terminer ce petit billet d’humeur, je vous livre un commentaire que j’ai posté sur un blog d’un aficionado et qui finalement, résume assez bien ce que je pense de cet « art ».
« C’est bizarre cette propension des sadiques (« Le sadisme est la recherche de plaisir dans la souffrance (physique ou morale : domination, contrôle) volontairement infligée à autrui (éventuellement un animal ») comme ******* à nier la dimension éthiquement condamnable et injustifiable de leur passe-temps.
Corrida : La corrida espagnole est divisée en 3 tercios. Dans un premier temps, le picador se sert d’une lance de 2,60 m pour sectionner les muscles du cou du taureau, ce qui le force ensuite à garder la tête baissée, non parce qu’il est menaçant mais parce qu’il ne peut plus la tenir droite. Au 2nd tercio, les banderilleros lui enfoncent dans le dos jusqu’à 6 harpons munis d’une pointe anti-retour en acier, ce qui crée une hémorragie massive. Quand vient enfin le tour du matador, l’animal suffoque tant il a perdu de sang, et finit par être achevé par une épée suivi de plusieurs coups de poignard. En somme, il s’agit là de faire durer le plaisir d’une mise à mort, exprimer sa force et sa domination sur plus faible que soi, ce qui nous renvoie au sadisme.
Vous pouvez pester tant que vous voulez quand je dis « plus faible que soi » mais le fait est que le danger que courent les sadiques est très relatif : 474 ont été tués dans le monde depuis que l’on recense les corridas, contre 250 000 taureaux chaque année lors des corridas et des entraînements. Cela veut dire que le risque d’être tué est de 1 sur 100 000 pour les sadiques, ce qui est donc infiniment moins dangereux que prendre sa bagnole. Il faut aussi dire que les sadiques sont entraînés à tuer des herbivores paniqués selon leurs propres règles pendant des années. En outre, même si ce n’est pas systématique, les taureaux sont souvent longuement confinés avant d’être lâchés dans l’arène, presque toujours désorientés et affaiblis. Certes, il y a des codes, des mouvements, des affections, mais dans le fond le spectacle est aussi bidonné qu’un match de catch. Sauf qu’en plus, elle foule au pied toutes les valeurs d’une société moderne : respect de la vie, respect mutuel et compassion, efforts pour bannir la souffrance quelle que soit sa forme.
Effectivement, je me laisse volontiers aller à insulter des gens qui affichent cette passion pour ce que tout contribue à définir comme une torture. Je ne manque pas d’arguments (j’en ai d’ailleurs des pages et des pages), je sais juste qu’il est vain de vous les exposer tant il est facile pour vous de vous réfugier derrière la « loi », et la « tradition », un peu comme un taliban qui prône la lapidation en cas d’adultère.
Quant à la grandiloquence de ma référence au peuple dans mon précédent commentaire, elle tient simplement au fait que tous les sondages sur la corrida effectués par les médias généralistes (et non pas sur les blog de torture comme celui-ci ou ceux des défenseurs de la cause animale) montre qu’entre 75% et 92% des français considèrent que cette pratique devrait être interdite. Je sais ce que vaut un sondage : pas grand-chose. Mais bon, quand même, il y a peut-être de quoi s’interroger, non ? Non, pas vous !
Aussi, *******, je vous insulterai volontiers et ferai en sorte de pourrir votre spectacle immonde tant qu’il le faudra. Car je le répète, quand on est motivé par la compassion, quand on se range du côté de ceux qu’on torture, on ne peut vraiment pas avoir tort. »
Là, curieusement, comme il n’y a ni abus, ni souffrance, ni meurtre, je n’ai rien à redire.